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Le "Colisée" de la discorde : à Madagascar, l'immense arène en ciment voulue par le président Rajoelina, crée la polémique

Construit sur les hauteurs de la capitale Antanarivo, cette construction a des airs d'amphithéâtre romain. Dédié à l'histoire de Madagascar, le "Colisée" du président Andry Rajoelina sème la discorde.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Des ouvriers en pause sur le site de construction du "Colisée" à Antananarivo le 22 mai 2020. (RIJASOLO / AFP)

Lorsque ce projet d'arène en béton largement inspirée de la Rome antique a été dévoilé il y a plus d'un an, personne n'y a vraiment prêté attention. Il s'agissait alors, en vue du 60e anniversaire de l'indépendance de l'ex-colonie française cette année, de bâtir une enceinte destinée à "accueillir un spectacle pour traiter l'histoire de notre pays de manière éducative, populaire et culturelle", selon la ministre de la Culture, Lalatiana Rakotondrazafy.

Le chantier du "Colisée" en mai 2020. (RIJASOLO / AFP)

Mais au fur et à mesure qu'il sortait de terre, ce bâtiment nommé "Masoandro" (soleil en malgache) a fait froncer de nombreux sourcils. Et à la veille des célébrations du 26 juin, il est devenu l'objet de toutes les critiques.

Emotion chez les héritiers de la famille royale

A commencer par celles des descendants des souverains malgaches qui ont trôné sur le site historique du palais de la reine de Manjakamiadana, du XVIIe siècle jusqu'à l'annexion de la Grande île en 1896. "On pensait qu'il ne s'agirait que de simples décorations accessoires", note Christian Raoelina, un des petits-fils du frère de la reine Ranavalona III.

Le "Colisée" (à droite) qui jouxte le Palais de la reine (à gauche) en mai 2020. (RIJASOLO / AFP)

"Notre étonnement en voyant la hauteur de la construction n'en a été que plus grand", ajoute-t-il, "on n'avait pas compris que ces travaux allaient apporter de grands changements dans le paysage du palais". L'association des Amis du patrimoine de Madagascar (APM) s'est elle aussi émue de la forme du "Colisée".

"Il apparaît de façon évidente que, outre son incongruité, cette structure n'a rien à voir avec l'architecture initiale du site, ni avec l'histoire de Madagascar, encore moins avec sa culture", s'est-elle indignée. La construction est d'autant plus malvenue, a ajouté l'APM, qu'elle menace le classement de la haute-ville d'Antananarivo au patrimoine mondial de l'Unesco.

"Massacre" d'une "place sacrée"

Dans un courrier, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) s'était émue en février de l'impact du projet sur "la valeur universelle exceptionnelle" de la capitale. L'opposition elle aussi a tiré à boulets rouges contre l'arène présidentielle, en dénonçant le "massacre" d'une "place sacrée" et d'un "symbole historique" du pays.

Mis en cause de toutes parts, le président Rajoelina a riposté en accusant les détracteurs de son arène (il réfute le terme de "Colisée") d'être "de mauvaise foi""L'appel d'offres a été lancé des mois d'août à septembre l'année dernière et est paru dans les journaux les plus lus du pays (...) pendant toute une semaine", a-t-il lancé fin mai à la télévision à tous les "surpris".

"Les descendants des monarques à Madagascar n'ont plus aucun pouvoir", lui a rétorqué aussi sec Christian Raoelina, "mais en tant qu'héritiers propriétaires des tombeaux royaux, nous méritions d'être consultés". D'autant plus, insiste-t-il, que le "Colisée" a été érigé "dans un emplacement sacré".

"Le rôle de l'Etat est de sauvegarder, de réhabiliter, d'entretenir le patrimoine du passé, mais non pas de le défigurer ou de le piétiner par de nouvelles constructions", a renchéri l'artiste plasticien Jean Andrianaivo Ravelona.

1,4 million d'euros

Président de l'Académie malgache, le Pr Raymond Ranjeva a proposé une concertation nationale sur le sujet. "On doit admettre que cette construction, en l'état actuel des choses, divise la nation", a-t-il regretté. Pas question, a répondu le chef de l'Etat, déterminé à imposer son projet quoi qu'il en coûte.

"Est-ce qu'on veut restaurer nos fiertés nationales oui ou non ?", a plaidé Andry Rajoelina, dont l'arène doit permettre d'offrir à tous les visiteurs du palais royal des spectacles retraçant l'histoire et le quotidien des anciens souverains de la Grande île. Son projet (d'un coût estimé à 1,4 million d'euros "financé par le seul budget de l'Etat", insiste le gouvernement) doit drainer 300.000 à 500 000 visiteurs vers le palais de la reine de Manjakamiadana, a-t-il assuré.

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