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Lucien et Simone Kroll : construire pour que les gens soient bien

Faire participer les habitants, c'est le principe de Lucien Kroll. Depuis 50 ans, il construit ou réhabilite des ensembles où les gens doivent avoir envie de vivre, des écoles où les enfants doivent se sentir bien. Il travaille avec sa femme Simone Kroll, qui intègre le végétal dans ses projets. Leur démarche est exposée à Paris, à la Cité de l'architecture et du patrimoine (jusqu'au 14 septembre)
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Ecole don Milani, Faenza, Italie, 1997
 (photo Atelier Lucien Kroll ©ADAGP, Paris, 2015)

Pour Lucien Kroll, 88 ans, "l'architecture n'est pas une marchandise, un narcissisme personnel ou collectif. Elle est un lien empathique entre les humains". L'architecte belge souligne la dimension humaine de sa démarche et l'importance de la complexité de l'univers dans lequel il s'insère, à l'inverse du "geste esthétique et isolé d'un architecte".

Cohabita, av. de la Renaissance, rues Murillo, Hobbema, Leys, Bruxelles, Belgique, 1976
 (Atelier Lucien Kroll ©ADAGP, Paris, 2015)


L'architecture comme un désordre

Il revendique "le désordre vivant : contradictions, hésitations, superpositions, piratages, atavismes, non-sens, juxtaposions, inégalités et même maladresses" des habitants, qu'il fait toujours participer à ses projets. Il va jusqu'à assumer le "kitsch" qui peut en résulter, dit-il.
 
Sa première expérience participative, il l'a vécue avec les étudiants de l'Université catholique de Louvain. Les autorités n'ont pas entériné l'ensemble du projet de la "Mémé", la maison médicale, maison des étudiants en médecine. Il n'a été réalisé que partiellement, mais il a fait connaitre Lucien Kroll.
 
La Cité de l'architecture présente quelque 80 de ses projets pour des ensembles d'habitation, des écoles, des maisons pour personnes âgées en Belgique, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas... Sur des panneaux suspendus, dessins et photos sont accompagnés des explications de l'architecte. Deux films les complètent, où il raconte son travail.
Enfin chez soi... Réhabilitation de préfabriqués, Berlin-Hellensdorf, Allemagne, 1994
 (Atelier Lucien Kroll © ADAGP, Paris, 2015)


Contre l'alignement disciplinaire

Depuis les années 1960, Lucien Kroll se bat pour une "autre" architecture, contre les bâtiments qui se répètent à l'identique sur un modèle "militaire et totalitaire", contre "l'alignement disciplinaire". Et pourtant, cette architecture-là, il l'intègre à ses projets, pensant qu'il est toujours possible de "réparer le désastre".
 
Une barre abandonnée à Montbéliard, il va la transformer, rajoutant des terrasses ici, un étage là. Il construit à côté des petites maisons pour créer une place. Car les places et les circulations sont importantes. Selon lui, les gens "se reconnaissent dans les formes traditionnelles d'espaces publics", notamment les "éléments irréguliers". Dans un projet de réhabilitation à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) Lucien Kroll prévoit une place publique "de forme ancienne (…) qui deviendrait la grande place qui manque à Clichy-sous-Bois". Elle est imaginée par les habitants, bien sûr.
"La Mémé", Maison médicale, la maison des étudians en médecine, Woluwé-Saint-Lambert, Belgique, 1970
 (Photo © Atelier Lucien Kroll © ADAGP, Paris, 2015)


Rues et places, des parcours qui sont humains

De tout temps, les rues et les places "ont été tracées par des piétons qui devaient se déplacer et communiquer". Plutôt que concevoir des "échiquiers", il s'attache à "innerver un paysage comme si on était piéton". Il faut "des chemins, des rues, où la semelle se met dans une autre, des parcours qui sont humains", dit Simone Kroll, dans un petit film projeté dans l'exposition, où l'épouse de l'architecte, potière, paysagiste et jardinière qui laisse pousser les plantes selon leurs affinités, dit son amour de la terre. Dans une séquence émouvante et amusante où elle raconte comment elle a rencontré son mari, on comprend que ces deux là aiment aussi les gens. 
 
Quand on regarde les croquis de Lucien Kroll, on voit que les lignes droites disparaissent, remplacées par des chemins courbes, bordés de végétation. Ils sont toujours habités de petits personnages.
Lycée HQE Jacquard, Caudry, France, 1997
 (Photo ©Bernard Fasol)


Créer des choses où les gens sont bien

Il prône un urbanisme "animal" qui propose des "situations différentes à des habitants différents", des formes "vivantes" plutôt que des solutions "rationnelles", une architecture qui peut utiliser toutes les techniques et les matériaux dans le même bâtiment, à des étages différents, ce qui, pour lui, fait "un beau désordre constructif et un vrai quartier". Il construit ainsi en bois et en béton à Marne-la-Vallée, ou utilise des "fusées céramiques", bouteille en argile qui s'emboitent pour former des voutes.
 
Lucien Kroll intègre le souci écologique dans ses projets. Il va utiliser du bois local pour une maison des sports et des fêtes en Belgique. Il est aussi soucieux de mélanger les âges.
 
Pour résumer la démarche du couple, on pourrait citer une phrase de Simone Krull : "Il faut créer des choses où les gens sont bien."
Quartier Admiraalsplein, Dordrecht, Pays-Bas, 1998
 (Photo © Atelier Lucien Kroll © ADAGP, Paris, 2015)
 
Tout est paysage, une architecture habitée, Simone et Lucien Kroll, Cité de l'architecture et du patrimoine, Palais de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris 16e
Tous les jours sauf le mardi, 11h-19h, jeudi jusqu'à 21h
Entrée libre, du 3 juin au 14 septembre

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