Philharmonie de Paris : Jean Nouvel attendu au tournant
Pharaonique, trop chère, trop complexe : les critiques n'ont cessé de pleuvoir sur une salle de concert qui ambitionne d'être la meilleure du monde.
Architecte au sommet
Et si le très médiatique Jean Nouvel est un habitué des polémiques depuis son premier projet d'envergure, l'Institut du monde arabe en 1987, aucune n'avait atteint une telle intensité.
A 69 ans, l'architecte est au faîte d'une brillante carrière internationale : couronné en 2008 par le Pritzker Prize, le "Nobel de l'architecture", auteur de projets célèbres comme le Centre de la culture et des congrès de Lucerne (Suisse) ou la tour Agbar à Barcelone, il termine le gigantesque chantier du Louvre Abu Dhabi, et vient de remporter de haute lutte le concours pour le monumental musée des Arts de la Chine à Pékin.
Un coût qui a presque doublé
Le principal reproche fait à la Philharmonie est son coût global passé de quelque 200 millions d'euros en 2006 à 386 millions en 2014 (dont 130 à 250 millions d'euros pour le coût de construction, seul imputable à l'architecte). "On peut estimer la sous-évaluation du programme initial entre 10 et 30 %", affirme Emmanuel Caille, architecte et rédacteur en chef de la revue "d'architectures". Une pratique assez courante, selon les professionnels, pour éviter la surenchère des architectes et des entreprises. L'inspection des Finances va ensuite estimer le budget réel à 204 millions (avec assurances et honoraires).
Selon la Philharmonie, on est passé de 204 à 386 millions d'euros en raison de l'inflation sur la période (66 millions), de choix en faveur de la "durabilité du bâtiment", dont un contrat de maintenance sur quinze ans confié à Cofely, une filiale de GDF Suez, et de la "complexité inhérente à tout projet de grand complexe musical".
Une complexité inouïe
Jean Nouvel a fait valoir dans Le Parisien que "tous ces coûts additionnels, indépendants du coût de construction, ne le concernaient pas". Quant à ses honoraires, ils ne représenteraient que 7% contre 22% pour le projet de Lucerne. Dans un autre droit de réponse, Jean Nouvel précise que le coût sera de 100.000 euros par siège (2.400 sièges prévus). "En vingt ans, même à 20 euros la place de concert, l'investissement scénographique est amorti", écrit-il.
Il souligne aussi l'importance des programmes annexes : "six salles de répétition, de nombreuses loges et studios individuels, des espaces d'exposition, des foyers, une école de musique de onze classes, des restaurants....".
De l'avis des spécialistes, la structure de la grande salle et de son environnement sont d'une complexité inouïe et ont nécessité beaucoup de travail des bureaux d'études. "La densité de poutrelles de métal est incroyable. La forme générale du bâtiment semble pensée indépendamment des fonctions qu'il abrite", remarque Emmanuel Caille. Aux ingénieurs de trouver la solution technique.
Avec sa forme enveloppante et ses balcons suspendus autour de la scène, la grande salle, conçue avec l'architecte Brigitte Métra, sera impressionnante. Le spectateur le plus éloigné sera à 32 m du chef d'orchestre (47 mètres à Pleyel).
Controverses sur le modèle d'architecture
Avec le très controversé Musée des Confluences à Lyon et la spectaculaire Fondation Louis Vuitton de Frank Gehry, la Philharmonie sera-t-elle le troisième projet d'avant-garde à se concrétiser en quelques mois ? "Certainement pas, juge Emmanuel Caille. C'est un bâtiment très daté, c'est une architecture d'il y a 15 ans" La comparaison s'impose avec la fondation Vuitton, dont le coût, resté confidentiel, a sans doute atteint des sommets. Mais, selon de nombreux professionnels, l'architecte américain déploie une vraie logique constructive et parvient à en faire un élément esthétique.
Jean Nouvel a prévu que le public puisse aller sur le toit de la salle, culminant à 37 mètres et dominée par un immense signal trapézoïdal qui donne au bâtiment sa silhouette. "Un belvédère ouvert à tous, permettant de découvrir une vue dynamique et lointaine qui efface l'éternel ostracisme de Paris pour sa banlieue (...) Un événement à la fois populaire et prestigieux", selon Jean Nouvel.
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