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"I love Aldi" : le hard discount entre au musée en Allemagne

Un caddie noyé sous une montagne de sucre, une installation de saucisses sous vide: un musée allemand dédie une exposition d'art contemporain à la culture du "hard discount", dont les magasins Aldi en Allemagne ont été les pionniers. L’exposition rassemble des œuvres de 38 artistes, dont Joseph Beuys, Sebastian Freytag et Felix Droese.
Article rédigé par franceinfo - Laurence Houot-Remy (avec AFP)
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Temps de lecture : 3min
Exposition "I love Aldi" :  le hard discount au musée allemand Wilhelm-Hack à Ludwigshafen
 (Artmetropol.tv)

A Ludwigshafen, ville industrielle au bord du Rhin où le géant mondial de la chimie BASF a ses quartiers, les supermarchés à bas prix occupent jusqu'au centre-ville et même les grands magasins Karstadt, ailleurs une enseigne haut de gamme, existent ici sous la forme d'un "centre des bonnes affaires".

A quelques centaines de mètres de là, cerné par des agences pour l'emploi, le musée Wilhelm-Hack semble lui aussi s'être reconverti dans le discount, avec sa grande affiche "I love Aldi".

"Ludwigshafen est une ville représentative de la distribution à bas prix  (...) mais "l'aldisation", c'est-à-dire la recherche du prix bas, est devenue depuis longtemps un phénomène de société qui a envahi toutes les classes sociales et les entreprises", explique Reinhard Spieler, le directeur du musée.

"I love Aldi"
 (artmetropol.tv)

"C'est un phénomène très allemand, surtout pour l'alimentaire. Les  Allemands comptent parmi les Européens qui dépensent le moins pour l'alimentation et la concurrence est très rude sur ce marché", ajoute-t-il.

Fidèle à sa discrétion légendaire, Aldi n'a pas commenté l'exposition. Un  projet de coopération avec le musée a été exclu d'emblée. Et aucun représentant du secteur du discount n'a accepté son invitation à participer à ses conférences sur le sujet.

Cette "stratégie du silence qui caractérise les magasins à bas prix est une perte culturelle, car l'alimentation devient culture à partir du moment où l'on en parle, tout comme l'art", regrette Reinhard Spieler.

Le "luxe pour tous" ?

L'exposition, qui dure jusqu'au 4 mars, a des réminiscences du Pop Art et du mouvement Fluxus, qui dans les années 1960 s'interrogeaient déjà sur l'art  et l'industrie de masse et brouillaient les frontières entre deux mondes a priori inconciliables.

L'ambiance oscille entre les sirènes du "luxe pour tous" (un slogan de  Lidl, rival d'Aldi) et les inquiétudes concernant l'envers du décor.

Plus de 2.000 saucisses sous vide jonchent le sol et semblent toujours comestibles, bien qu'elles aient été achetées depuis plusieurs mois et exposées à la température ambiante. Ailleurs, des milliers de toasts forment un carré de maisonnettes uniformes, un spectacle à la fois touchant et triste.

Alice Musiol, “sans titre V”
 (artmetropol.tv)

Un caddie géant trône dans un coin. Célèbre-t-il le triomphe du pouvoir d'achat ou menace-t-il d'écraser le consommateur? Plus loin, un autre caddie est enseveli sous 7 tonnes de sucre blanc : pureté ou gloutonnerie?

Le sentiment d'écoeurement est total avec une vidéo qui transporte le spectateur dans une usine d'équarrissage, où les employés, bercés par le son enjoué de la radio, dépouillent et dépècent des charognes de bovins.

Un tableau abstrait de l'artiste allemand Günter Fruhtrunk (1923-1982) côtoie le sachet en plastique d'Aldi Nord, dont il a conçu le motif aux lignes bleues et blanches en 1970 et qui est toujours en circulation. L'artiste avait  eu honte plus tard de son oeuvre la plus célèbre et avait déclaré avoir "péché".

Dans un rare moment d'audace, Aldi avait franchi lui-même le Rubicond en vendant à prix cassés en 2003 et 2004 dans ses magasins en Allemagne des reproductions de tableaux signées par des artistes reconnus. Les oeuvres s'étaient vendues comme des petits pains.

Vidéo en Allemand

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