Rifat Chadirji, père de l'architecture irakienne moderne, est mort à Londres, emporté par le coronavirus
Il a participé à tous les grands chantiers monumentaux de l'Irak entre 1950 et 1980 et il était l'architecte du Monument de la Liberté, qui surplombe la place Tahrir, épicentre de la révolution irakienne à Bagdad.
Rifat Chadirji, qui résidait en Grande-Bretagne, s'est éteint vendredi, victime du coronavirus, ont annoncé samedi des responsables et professionnels relayés par l'AFP. L'architecte et photographe de 93 ans avait notamment signé deux ouvrages dont les images n'ont cessé de faire le tour du monde ces dernières années.
Né le 6 décembre 1926 à Bagdad, partie prenante de tous les grands chantiers monumentaux de l'Irak entre 1950 et 1980, il était l'architecte du Monument de la Liberté, qui surplombe la place Tahrir, épicentre de la récente révolte populaire irakienne à Bagdad.
Rifat Chadirji a également conçu le siège de la Compagnie nationale d'assurance de Mossoul, récemment démoli après que les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) l'ont utilisé pour jeter dans le vide ceux qu'ils accusaient d'homosexualité.
"Une gigantesque figure de l'Irak du 20e siècle"
"C'est une gigantesque figure de l'Irak du 20e siècle qui disparaît, on n'en compte plus que sur les doigts d'une seule main", a expliqué à l'AFP Caecilia Pieri, chercheuse associée à l'Institut français du Proche-Orient (IFPO).
Le président irakien Barham Saleh a salué "l'une des plus grandes voix modernes de l'architecture irakienne et mondiale" et le Premier ministre démissionnaire Adel Abdel Mahdi "une empreinte et une école pour des générations d'artistes et d'architectes". Ci-dessous, le tweet hommage d'une journaliste basée à Londres.
Rifat Chadirji (1926-2020) - Father of Iraqi architecture designed more than 100 buildings/monuments across Iraq. Some of most famous:
— Arwa Ibrahim (@arwaib) April 11, 2020
- Tahrir Square's Freedom Monument
- Tobacco Monopoly Headquarters
- Central Post Office in Baghdad
- Unknown Soldier Monument (demolished) pic.twitter.com/dzOU85Ci5E
Né dans une famille patricienne de Bagdad, Rifat Chadirji suit des études à Londres avant de revenir dans sa ville en 1952. Là, il est chargé par le Premier ministre Abdelkarim Qassem - qui vient de mener un coup d'État sanglant contre la royauté - de construire un monument au soldat inconnu sur la place Firdaous.
Après son arrivée au pouvoir en 1979, Saddam Hussein le fait détruire pour le remplacer par une gigantesque statue de lui-même dont la chute, il y a 17 ans quasiment jour pour jour, symbolisa la chute de son régime. Le dictateur a alors fait jeter Rifat Chadirji dans la terrible prison d'Abou Ghraib.
Saddam Hussein le jette en prison... et le sollicite 20 mois plus tard
Ironie du sort, l'architecte quitte sa cellule après 20 mois parce que... le même dictateur avait demandé qu'on lui amène le plus grand architecte du pays pour préparer Bagdad à accueillir une conférence internationale. C'est en uniforme de détenu que Rifat Chadirji a été présenté au raïs, comme il le raconte dans son livre Un mur entre deux obscurités.
Tous ses travaux ont été marqués par "la question de savoir comment faire à la fois local, en lien avec la tradition, mais tout en modernisant pour éviter le pastiche", décrypte Caecilia Pieri, auteure de Bagdad, 1914-1960, la construction d'une capitale moderne.
Après un long exil à Beyrouth et ailleurs, Rifat Chadirji est revenu en Irak en 2009 pour découvrir un pays ravagé par des décennies de guerre, d'embargo international et de gabegie de l'État aux infrastructures et bâtiments en état avancé de délabrement. "Un peuple incapable de préserver ses œuvres est un peuple sans mémoire", se désolait-il alors.
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