15e Saison d'art de Chaumont-sur-Loire : sculpture, peinture, art numérique, nos coups de cœur dans le Château et son parc
C'est une tradition depuis quinze ans. Sous les arbres majestueux du parc et dans les salles du château de Chaumont-sur-Loire, des oeuvres d'art contemporain sont installées. Un voyage entre la Renaissance, la nature et la création d'aujourd'hui, à découvrir jusqu'au 30 octobre. Visite guidée de cette 15e Saison d'art.
Des sculptures en bronze, des projections digitales ou des formes délicates et minérales, aucun des quinze artistes invités pour la Saison d'art de Chaumont ne s'exprime de la même manière. Mais tous explorent la nature. Leurs oeuvres sont disséminées au gré d'un parcours. "Il faut trouver la juste place des oeuvres" nous dit la directrice du domaine de Chaumont, Chantal Colleu-Dumond. L'enchantement de la balade prouve la qualité de ses choix. Parmi ces oeuvres, nous vous proposons ici nos coups de coeur.
Les bronzes de Jaume Plensa
Ils vous attendent au bout d'une allée de magnolia en fleur. Trois visages, des enfants peut-être endormis : des sculptures en bronze de trois mètres de haut. La tête semble encastrée dans un tronc d'arbre. Fusion de la nature et de l'homme. Jaume Plensa travaille la figure humaine depuis de longues années. Il est reconnu dans le monde entier, ses têtes sont installées au coin des rues ou places de New York, Bordeaux ou Saint-Pétersbourg, et là sur cette pelouse, elles appelent sereines le visiteur au retour au calme.
"La sculpture est pour moi comme un endroit où l’on peut se reposer et méditer. Dans un monde où tout bouge de plus en plus vite, il nous faut des repères solides et stables", dit l'artiste catalan. Une citation qui trouve toute sa justesse avec ces trois oeuvres qui ouvrent le parcours dans le parc du domaine.
Et la lumière fut d'Evi Keller
L'oeuvre la plus fascinante du parcours est cachée dans la Grange aux abeilles. Une toile immense est tendue dans l'obscurité, une fresque mystérieuse, abstraite, un rideau où se dessine un paysage tourmenté : l'environnement sonore, un gong répétitif, et la peinture qui se reflète dans une eau opaque. Atmosphère d'étrangeté garantie.
“La lumière est une matière tellement subtile qu’on ne peut ni la peser, ni même la toucher, mais c’est elle qui donne accès au monde spirituel." dit Evi Keller, artiste allemande qui vit actuellement à Paris. Elle travaille le plastique, des pigments, de la cendre et de l'encre de Chine. Ensuite, la lumière fait son travail sous l'impulsion de l'artiste. On pense à Turner et ses ciels aveuglants, aux paysages décharnés d'Anselm Kieffer, aux nuits et à leurs poussières d'étoiles. Ou encore à un théâtre antique en ruine. Aux visiteurs de décider.
L'art digital dans les combles
La nouveauté de cette édition est l'installation sous les toits du château d'une galerie numérique. Le futur emménage dans la tour Est, 300 m2 sous les poutres datant du 16e siècle qui viennent d'etre restaurées. En haut d'un escalier en pierre et en colimaçon, place à Davide Quayola, artiste italien vivant à Londres depuis ses 19 ans. L'oeuvre se nomme Effet du Soir.
Le principe de cette vidéo d'une dizaine de minutes, envoûtante et hypnotisante est le suivant : des photographies nocturnes de fleurs, éclairées en lumière artificielle, sont brisées, déchirées par les logiciels et algorithmes de Quayola faisant ainsi naître une nouvelle forme, proche de la peinture. "On dirait du Monet", dit une visiteuse assise depuis quelques minutes face aux murs d'écran. Elle ne croit pas si bien dire. "Je voulais créer un procédé informatique qui pourrait imiter le courant impressionniste, et en même temps, aller plus loin que le traitement humain", explique Davide Quayola. "J’aime jouer avec l'idée de virtuosité non-humaine. L’œuvre se réfère à un mouvement pictural historique, mais propose aussi d’autres manières numériques d’explorer le sujet".
Le retour de Jean Le Gac
La directrice du domaine de Chaumont, responsable de la programmation, convie chaque année un artiste dans les galeries hautes du château. Ce furent au fil du temps, Philippe Cognée, Paul Rebeyrolle ou l’artiste français d’origine chinoise Gao Xingjian. Seule obligation, que les oeuvres soient liées de près ou de loin à la nature. Ainsi sur les cimaises s'installe une sorte de rétrospective de ces peintres. Cette année les sept salles accueillent un revenant de la scène artistique française : Jean Le Gac.
Jean Le Gac est un artiste français, cévenol et il est associé à la nouvelle figuration, mouvement qui s'opposait dans les années 50 à l'abstraction. Âgé de 86 ans, il a un peu disparu des expositions et des galeries. Son oeuvre peut se regarder comme une promenade où la photographie, le dessin, les textes se mêlent et s'emmêlent. Le peintre devient le personnage de ses peintures. Ses inspirations : le cinéma, le romans noir, l'absurde et la littérature.
Chantal Colleu-Dumont est allée à la rencontre de Jean Le Gac dans son appartement et atelier parisien et ensemble ils sont partis à la recherche de dessins, photographies et textes en lien avec la nature. Résultat : au mur, il y a des gangsters et des femmes allongées dans l'herbe, des peintres ayant posé leur chevalet en plein air et de magnifiques pastels secs de plantes aux feuilles dorées. Une auto-fiction emplie de fantaisie et de beauté.
Les miniatures végétales de Christiane Löhr
Elles ne mesurent que quelques centimètres. Elles semblent si légères que le visiteur retient son souffle quand il rentre dans la Galerie du Porc-épic. Ce sont les créations les plus étonnantes de cette saison, les réalisations de Christiane Löhr.
Christiane Löhr vit et travaille aujourd’hui entre Cologne (Allemagne), où elle dispose d’un atelier au cœur d’une zone industrielle et Prato (Italie), où elle collecte notamment au cours de ses promenades, à pied ou à bicyclette, les matériaux nécessaires à l’élaboration de ses sculptures, nous dit la présentation de son exposition.
Comment imaginer ainsi dans ces zones de friches et d'industrie que la récolte de Christiane puisse permettre de créer ces architectures si fragiles, si délicates ? Et comment ne pas imaginer que malgré tout, malgré les dégâts sur l'environnement, ces brindilles restent debout, opiniâtrement ?
Chaumont : le domaine de l'imaginaire
De salles en salles, de couloirs en escaliers, le visiteurs croisera aussi les oeuvres de Stéphane Guiran dans la Galerie basse du Fenil, de Christophe Marchalot, Félicia Fortuna et Lélia Demoisy dans l’Asinerie.
Il retrouvera aussi les bateaux plantés sur les berges qui dominent la Loire, l'oeuvre de El Anatsu ou dans la cour du nouvel hôtel du domaine la sculpture de Bob Verschueren. Preuve que poésie, nature et art contemporain sont des mots qui vont très bien ensemble.
Saison d'Art 2022 jusqu'au 30 octobre au Domaine de Chaumont-sur-Loire
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