Ben, artiste de l'écriture populaire et provocateur, est mort
"J'écris donc je suis", "question sans réponse !" "réinventer le monde"... Ces courts textes tracés avec des lettres rondes sont connus bien au-delà du pays qui les a vus naître. Exposés au Moma de New York comme au Centre Pompidou à Paris, répliqués sur des stylos, des t-shirts et des trousses, ils ont fait de Ben un artiste incontournable et populaire. L'auteur de ces écritures, et de bien d'autres choses, est mort mercredi 5 juin.
Ce décès survient peu après celui de sa femme. Dans un communiqué, ses enfants Eva et François précisent que l'artiste, "ne voulant et ne pouvant pas vivre sans elle", s’est suicidé à son domicile, à Saint-Pancrace dans les hauteurs de Nice.
Nice, l'enfance de l'art
D'origine suisse, Benjamin Vautier dit Ben est né à Naples en 1935, a vécu enfant à Izmir en Turquie et Alexandrie en Egypte avant d'arriver à 14 ans à Nice où il s’était depuis installé. Autodidacte, le jeune homme fait son apprentissage dans une librairie, en regardant des livres d'art, puis en croisant la route de grandes figues de la scène artistique contemporaine.
Au milieu des années 1950, la scène artistique niçoise est très vivante. Ben rencontre Yves Klein, Arman, Martial Raysse, avec qui il fonde alors l’école de Nice, une école constituée de façon géographique et pas stylistique.
Le jeune artiste fait ses débuts en imitant ce qui se fait à l'époque mais cherche très vite à développer quelque chose de caractéristique, des œuvres qui lui soient propres. Il commence par dessiner et peindre des "bananes", formes phalliques simplifiées, et réalise, sous les encouragements d'Yves Klein, ses premières écritures.
À l’époque, Ben possède un "magasin", une boutique devenue mythique où il vendait des disques d'occasion pour gagner sa vie. Ce lieu est un rendez-vous artistique important où il s'expose et montre aussi d'autres artistes. Ses premières inscriptions sont présentées sur la façade.
Art, provocation et ironie
Une des grandes idées de Ben, dans la lignée des ready-made de Marcel Duchamp, est que "tout est art", une toile retournée, un cadre d'où l'œuvre a disparu. Il crée des sculptures avec ce qui traîne dans son atelier, pinceaux, rouleaux, objets divers.
Ben s'oppose à l'élitisme de l'art, veut que l'art se mêle à la vie. L'artiste a d'ailleurs fait de sa maison une œuvre d'art à part entière. Située sur les hauteurs de Nice, la bâtisse dans laquelle il a vécu jusqu'à la fin de sa vie est recouverte de ses créations.
À une époque, tous les soirs, Ben hurle pendant deux minutes dans son magasin, à 18h33. Car la performance est un aspect important de son travail : il fait sortir très tôt l'art dans la rue, pour aller à la rencontre du public. Dans les années 1970, Ben se promène sur la promenade des Anglais, arborant autour du cou un panneau où on peut lire : "Regardez-moi, cela suffit" : il se présentait alors lui-même comme une œuvre d'art.
Si son travail a parfois une dimension égocentrique, Ben est aussi un artiste du doute, réfléchissant à son œuvre et à soi. Au cours de sa longue carrière, il cherche en permanence des nouveautés, ne recule jamais devant la provocation et l’ironie. "L’art est inutile, rentrez chez vous" a-t-il, toujours sur fond noir, en 1971.
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