Le magnat Patrick Drahi, collectionneur discret, s'offre la maison d'enchères Sotheby's
Avec cette acquisition, Patrick Drahi, intéressé par le monde de l'art, devient le rival direct de François Pinault, propriétaire de Christie's.
Le magnat franco-israélien Patrick Drahi a encore étendu son empire lundi en annonçant le rachat pour 3,7 milliards de dollars de la célèbre maison d'enchères américaine Sotheby's. Un investissement juteux au moment où les ventes d'oeuvres d'art atteignent des montants astronomiques.
"Je réalise cet investissement pour ma famille, via ma holding personnelle, dans une perspective de très long terme", indique le milliardaire qui se dit "passionné par cette industrie". Dans cette opératon qui doit être finalisée au quatrième trimestre, il offre 57 dollars par action, soit 61% de plus que le prix de l'action de Sotheby's à la clôture de la Bourse de New York le 14 juin.
Un collectionneur d'art élitiste et "impulsif"
"C'est une encyclopédie, en musique classique et en peinture particulièrement, il sait dater les oeuvres, citer les musées où elles se trouvent", raconte son entourage. Selon un classement d'ArtPrice, l'homme d'affaires, dont l'intérêt pour le marché de l'art était déjà connu des experts mais pas du grand public, est le 252e collectionneur mondial.
Il est assez porté sur le contemporain, il aime les volumes et les installations"
Thierry Ehrmann, patron d'ArtPrice
"C'est un collectionneur d'art très secret, très élitiste", détaille Thierry Ehrmann, le patron d'ArtPrice, société spécialisée dans le marché de l'art. "Il a une approche académique, avec la construction d'une collection sans faute, mais il est aussi capable d'achats très impulsifs.", poursuit-il. "Il a une très bonne connaissance de l'art, a acheté des Chagall assez spectaculaires, aime l'art cinétique, notamment Vasarely".
"C'est une très bonne nouvelle car le marché de l'art, dominé par les ventes publiques, a 20 ans de retard, et c'est un système périmé. Ce marché avait besoin de cela, car il s'était jusqu'ici affranchi de l'informatique et de l'internet", a réagi M. Ehrmann au sujet de ce rachat qui marque une évolution significative du marché de l'art.
Drahi devient le rival numéro un de Pinault sur un marché florissant
Patrick Drahi devient par son acquisition le rival direct de François Pinault, autre grande fortune française, propriétaire via sa société d'investissement Artémis de Christie's, la grande concurrente de Sotheby's sur un marché des enchères d'art en pleine effervescence. Sur les 311 oeuvres ayant dépassé 30 millions de dollars, 217 ont été adjugées à New York et 67 à Londres, essentiellement par ces deux maisons.
Récemment, Sotheby's a ainsi organisé à New York la vente pour 110,7 millions de dollars d'une toile de la série des "Meules" de Claude Monet, un record pour le peintre impressionniste français. Elle a aussi fait parler d'elle en octobre dernier, quand une oeuvre de Banksy, tout juste vendue, s'est autodétruite sous les yeux du public à Londres.
Distancée par sa rivale, Sotheby's l'accueille à bras ouverts
Le milliardaire dit ne pas anticiper de changement de stratégie pour Sotheby's, dont le directeur général, Tad Smith, l'accueille à bras ouverts: "Cette acquisition (...) nous donne les moyens d'accélérer nos programmes de croissance et (...) nous place dans une très bonne position pour l'avenir. Au nom de tous chez Sotheby's, je veux lui souhaiter la bienvenue dans la famille", ajoute-t-il dans un communiqué.
Il se trouve que depuis le début des années 2010, Sotheby's s'est fait distancer par sa rivale Christie's, portée par un savant sens du marketing et de la promotion. Dans un monde où il faut se battre pour attirer les collectionneurs et décrocher la vente de collections majeures, Christie's arrive régulièrement en tête.
En 2018, Christie's a réalisé pour 7 milliards de dollars de ventes, contre 5,2 pour Sotheby's. L'année précédente, la différence était plus marquée encore, avec respectivement 6,6 et 4,5 milliards de dollars.
Patrick Drahi assure cependant que l'industrie des télécoms et des médias "restera sa priorité", qu'il continuera de diriger Altice Europe (groupe qui contrôle SFR mais aussi 14 chaînes de télévision, deux radios et cinq titres de presse, dont BFM, RMC, Libération et L'Express) et restera président du conseil d'administration d'Altice USA.
Altice a réalisé un chiffre d'affaires en baisse de 3,5% en 2018, à 14,09 milliards d'euros, malgré une forte hausse de son nombre d'abonnés, tant sur le fixe que sur le mobile. Le groupe anticipe un retour à la croissance cette année mais garde un niveau élevé d'endettement, légèrement supérieur à 30 milliards d'euros.
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