Paris, centre du monde de l'art contemporain avec Paris+ par Art Basel
Ce week-end, tout ce qui compte de collectionneurs, de galeristes, d'amateurs et de spécialistes de l'art contemporain va circuler sous la voûte en bois du Grand Palais Éphémère qui remplace jusqu'en 2024 le Grand Palais toujours en travaux. Des foires satellites, au nombre de huit, retenons Modern Art Fair ou AKAA (spécialisée sur la scène africaine) qui accompagnent cet événement, ainsi de multiples œuvres placées dans l'univers urbain, de la place Vendôme aux jardins des Tuileries. Du 20 au 22 octobre, trois jours placés sous le sceau de la création contemporaine.
Paris+ par Art Basel, symbole d'une réussite économique
C'est presque devenu un slogan. Paris a retrouvé une place dans le haut du classement du marché de l'art contemporain. La foire Paris+, organisée par la puissante force de frappe Art Basel, est le symbole de cette affirmation. Retour en arrière de quelque 50 ans. Depuis 1974, au siècle dernier donc, la Fiac en octobre devenait le rendez-vous incontournable de l'art contemporain. Durant des décennies, les travées de l'ancienne gare de la Bastille puis celles du prestigieux Grand Palais ont abrité les galeries du monde entier, venues présenter et vendre les artistes plasticiens en vogue ou à découvrir. Pendant ces 50 ans, il y eut des hauts et des bas. Londres, Berlin, Miami, ces villes et foires se font concurrence et s'échinent à faire venir les riches collectionneurs. En 2021, la Fiac devient Paris+ par Art Basel. Une arrivée qui a donné un nouvel élan à Paris.
Clément Delépine, directeur de Paris+ par Art Basel le confirme à Franceinfo : "Si Paris n'est pas le centre du monde, elle consolide sa 4e place sur le marché mondial avec 5 milliards de dollars de transactions et 50% des transactions d'art en Europe se font en France". Il rajoute : "Il y a 20 ans, la France représentait 3% du marché mondial, aujourd'hui, nous en sommes à 8%.". L'art contemporain doit économiquement être choyé, car selon le rapport Art Basel/UBS, sur 37 milliards de dollars de chiffre d'affaires mondial des galeries, 48% sont générés par l'art contemporain (artistes nés après 1945) et 11% par l'art moderne (artistes nés entre 1910 et 1945). Au-delà de ces chiffres, Clément Delépine insiste sur l'attraction de la France pour les galeristes étrangers qui ont ouvert de nouveaux lieux dans la capitale ou en banlieue. Preuve de cette confiance, la prestigieuse galerie suisse Hauser & Wirth et les Brésiliens de Mendes Wood viennent de s'implanter dans le 8e arrondissement de Paris et place des Vosges. Enfin, l'imposante et magnifique rétrospective Rothko à la Fondation Louis Vuitton est un aimant en plus pour attirer cette semaine les amateurs d'art dans la capitale.
"Nous avons vu de nombreux collectionneurs étrangers depuis ce matin"
C'est chez Daniel Templon, galeriste français historique, que nous pouvons vérifier le dynamisme économique de la foire dès le 18 octobre, journée réservée aux collectionneurs. Il a l'habitude de dire : "Pour rien au monde, je raterais ce rendez-vous". Et Anne-Claudie, directrice artistique de la galerie, surenchérit : "Nous avons vu de nombreux collectionneurs étrangers depuis ce matin. Nous avons senti cette année un fort intérêt pour nos artistes de la scène parisienne". Preuve avec la vente de plusieurs œuvres de Philippe Cognée entre 45 000 et 80 000 euros et d'une œuvre du Franco-Sénegalais Alioune Diagne pour 54 000 euros. C'est l'un des arguments en cours, la force de Paris + rejaillit sur les artistes français qui retrouvent du prestige aux yeux du monde.
C'est aussi à la Galerie Marfa de Beyrouth que l'on peut mesurer l'importance de Paris +. Joumana Assely, la directrice de cette galerie libanaise tenait à être présente. Et c'est un investissement important, à 630 euros le m2. Être galeriste à Beyrouth est un combat. Le 4 août 2020, l'explosion sur le port détruisait sa galerie comme l'ensemble de ce quartier de la capitale libanaise. Il a fallu repartir de zéro dans un pays où l'économie est au plus bas. Le marché libanais, même s'il est en résilience, ne suffit pas à faire connaître les artistes. Et la situation actuelle depuis deux semaines au sud Liban l'inquiète au plus haut point. "Peu de mots pourraient traduire cette inquiétude et ma tristesse", dit-elle. Mais il fallait être là pour défendre Mohamad Abdouni. Un artiste né à Beyrouth au travail étrange et fascinant. Il mêle des archives photographiques et des témoignages des communautés queer arabes, en particulier des histoires et des expériences des femmes trans avec l'utilisation de l'intelligence artificielle. Le résultat, de nouvelles images, curieuses, venues de la technologie, mais bouleversantes. On ne sait plus ce qui est historique, ou ce qui est romancé. On cherche une vérité dans un registre des genres mêlés. Abdouni a été choisi par la fondation Lafayette Anticipation pour produire prochainement une œuvre. Une coopération Beyrouth/Paris.
Les galeries émergentes
Plus loin, dans les allées du Grand Palais Éphémère, 14 galeries sortent du lot. Sous le signe des Galeries Éphémères. Elles représentent la scène artistique en développement et leurs galeristes espèrent le ruissellement. Terme à la mode ici aussi, pour dire que la réussite financière de la foire profiterait aux jeunes artistes. Ce que Charlotte Dualé, sculptrice exposée chez Parliament, une jeune galerie parisienne créée il y a trois ans, résume ainsi : "Il est important pour moi d'ouvrir mon réseau, de rencontrer de nouveaux acheteurs, c'est pour cela qu'il est important d'être présentée à Paris + ". Si les grands collectionneurs se retrouvent dans les galeries historiques, les plus audacieux et curieux parcourent les autres stands. Preuve avec ce collectionneur intéressé par une de ces sculptures en céramique. "Il est important de découvrir", nous dit-il et "en plus, c'est une fierté d'être dans les premiers acquéreurs quand l'artiste devient connu. Et puis honnêtement, les prix sont bien plus abordables." Léonore Larrera, directrice de la galerie, concluant : "Sur le stand, nous accueillons autant de collectionneurs que nous connaissons que de nouveaux acheteurs."
L'art contemporain dans les rues Paris
Mais à 40 euros l'entrée, faire de Paris+ par Art Basel une sortie familiale demande un gros budget. Pour découvrir des œuvres, autant parcourir les rues de Paris. Sur la chic et chère place Vendôme, royaume des joailliers et des hôtels de luxe, Urs Fischer a posé Wave. 5 mètres sur 7. Une bague monumentale ? Une pierre argentée ? Pour créer cette sculpture, Usr Fischer malaxe une petite portion d'argile et quand la forme correspond à ce qu'il recherche, il la choisit. "C’est drôle. C’est presque comme de la danse. Quelque chose se passe, qui semble juste", déclare-t-il sur le site numero.com. À la nuit tombée, entre chien et loup, le bloc métallique devient bijou, les empreintes de la main de l'artiste suisse se devinent. Et Wave devient sculpture.
Plus loin, sur les bords de Seine, devant l'Académie Française, Vers des horizons inconnus, un totem de laine de Sheila Hicks, semble un peu perdu sur le parvis du Quai Conti. Dans les jardins des Tuileries, c'est un musée à ciel ouvert avec les œuvres de plus d’une vingtaine d’artistes, dont Joël Andrianomearisoa, Meriem Bennani, Jacqueline de Jong, Vojtěch Kovařík, Zanele Muholi, Jean Prouvé et Pierre Jeanneret, et Claudia Wieser. Au palais d’Iéna, c'est un face-à-face entre Daniel Buren et Michelangelo Pistoletto. Une flânerie loin des marchés de l'art, mais une bonne manière d'être surpris par la création contemporaine.
Paris+ Art Basel du 20 au 22 Octobre 2023 au Grand Palais Ephèmere.
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