Saison d'art de Chaumont-sur-Loire 2024 : des monstres, des grottes et des apparitions dans les forêts

Chaque année, les 32 hectares du Domaine de Chaumont-sur-Loire s'ornent de sculptures en lien toujours avec la nature. Fleurissent ainsi dans le château, les écuries et sous les arbres, des œuvres des plus grands artistes contemporains. Cette année, à partir du 30 mars, ce sera Miquel Barceló, Vincent Bioulès et Damien Cabanes, entre autres, qui vont s'installer au Domaine.
Article rédigé par Christophe Airaud
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Damien Cabanes en résidence au Domaine de Chaumont-sur-Loire, en septembre 2023, préparant ses œuvres pour l'édition 2024. (DR)

Le château de Chaumont-sur-Loire, comme ses voisins Amboise, Blois ou Chambord, est un bijou de la Renaissance des bords de Loire. Chaque année depuis 2008, comme le dit joliment Chantal Colleu-Dumond, la directrice du domaine, une "utopie artistique" s'installe. Le château, les dépendances et le parc voient débarquer des sculptures monumentales, des toiles de peintres contemporains, et des installations poétiques et parfois minimalistes.

Les barques d'El Anatsui plantées sur les berges de la Loire semblent se refléter, comme dans une glace, sur l'eau du paisible fleuve. La grotte en béton d'Eva Jospin, planquée dans les sous-bois, est devenue un lieu de pèlerinage des amateurs de l'artiste. Agnès Varda, les Poirier, Penone, Kawamata et tant d'autres sont venus pour installer leurs travaux ici. Cette année, ils sont treize pour un festival de folies artistiques en pleine nature qui fait souvent dire aux visiteurs qui découvrent : "fichtre, l'art contemporain, c'est beau et génial."

Les jardins de Bomarzo sur Loire

Pour comprendre la philosophie de cette édition, il faut voyager en Italie, vers le Latium. Depuis la Renaissance, les jardins de Bomarzo sont surnommés "le parc des Monstres". Des grottes, des personnages fantastiques et mythiques, des chimères et des mausolées dédiés à l'amour constituent ces extravagants jardins italiens. Par ricochet, à Chaumont, le parc va devenir un jardin peuplé de monstres, de secrets, de guetteurs et de grottes. Quatre artistes vont impressionner les visiteurs par leurs féeries et leurs mystères.

L'œuvre la plus impressionnante sera celle de Miquel Barceló. Elle arrive tout droit de Majorque par bateau et en camion. Pour réaliser cette céramique, dans son atelier, le sculpteur a dû construire un four aux dimensions de sa folie créative. Huit tonnes, quatre mètres sur six, une grotte, la bouche géante d'un monstre, rien que  cela.

Miquel Barceló, sculpteur devant sa grotte, au Domaine de Chaumont-sur-Loire. (CHANTAL COLLEU-DUMOND)

La céramique doit résister aux affres du temps et des intempéries, car c'est une commande du Domaine et dans un sous-bois, elle effrayera les enfants comme un animal prêt à avaler les hommes.

Non loin de là, Prune Nourry dresse ces personnages telles des apparitions. On dirait de la corde, mais elles sont en bronze, ces silhouettes d'hommes et de femmes qui se transforment en arbre. Les visiteurs les apercevront dans une clairière, comme au théâtre, car c'est sur la scène des ballets de Preljocaj qu'elles sont nées. Prune Nourry, artiste française vivant à New York, s'intéresse depuis toujours aux corps et à l'écologie qui sont ses terrains de combat artistique. Ses personnages vont hanter la forêt de Chaumont.

Simulation de l'installation de Prune Nourry pour le Domaine de Chaumont-sur-Loire. (DR)

Pour compléter ce carnaval des animaux et des hommes, Denis Monfleur prête pour quelques années son Oiseleur et son Homme sauvage, des sculptures en lave de Chambois et orgue basaltique (pierre de volcan) car l'artiste n'y va pas de main morte dans la matière pour créer ces œuvres. C'est à la suite d'une blessure en transportant une œuvre, qu'il décide de s’attaquer au granit, en taille directe, et ainsi naissent de la pierre dure ces personnages monumentaux.

"L'Homme sauvage", sculpture en lave de Chambois et orgue basaltique de Denis Monfleur. (STEPHANE BRIOLANT)

Les œuvres monumentales de Gloria Friedmann, de Bernar Venet et des Poirier parachèveront ces curieux cabinets de curiosité en plein air et ultra grand format. Mais comment disposer ces monstres ? Chantal Colleu-Dumond, la directrice du Domaine, nous dévoile ses secrets : "Pour trouver le lieu juste dans le parc avec l'artiste, il faut considérer la composante historique, jouer avec les lignes de force, surtout éviter la co-visiblité et, plus magique, repérer les ondes qui règnent dans ces forêts."

Les retrouvailles avec Vincent Bioulès

Depuis quelques années, les saisons d'art remettent dans la lumière des peintres un peu ignorés ces derniers temps. Ce fut le cas de Jean Le Gac en 2022 et, dans une moindre mesure, Paul Rebeyrolle en 2021. Cette année, c'est au tour de Vincent Bioulès, peintre des lumières du sud, s'il en est, d'être accroché sur les cimaises des pièces du château. Bioulès fut inventeur et membre du groupe d'avant-garde Supports/Surfaces qui déconstruisait la toile et la peinture avec Claude Viallat, Daniel Dezeuze et Bernard Pagès dans les années 1970.

Après son départ du groupe, Bioulès revient au motif. Il embarque son matériel et il parle ainsi de sa peinture dans le livre La Nostalgie du paysage édité par le musée Fabre : "Le paysage a un visage. Le profil droit du pic Saint-Loup est d’une extraordinaire difficulté à dessiner. Si l’on déplace un rythme, une cassure, ce n’est pas ressemblant. Un paysage est un agencement complet de sensations que le peintre perçoit et l’émotion qu’il éprouve devant lui est due à la perfection de cet agencement. Il ne s’agit pas de le copier, mais d’en exprimer la logique interne."

"Le Mois d'août", huile sur toile de Vincent Bioulès, présentée au Domaine de Chaumont-sur-Loire en 2024. (GALERIE LA FOREST DIVONNE)

On pense à Matisse, à Bonnard. Et ces jardins d'été ou d'automne, ainsi que sa série des fenêtres avec vue sur les arbres, ont le parfum d'une peinture sereine où le peintre dompte la lumière et ses couleurs.

Une quarantaine de toiles seront présentées. Vincent Bioulès qui déclare qu'"à chaque printemps, la poussée de la nature se fait plus belle" à ses yeux, avait évidemment sa place à Chaumont où la nature semble à l'abri du bruit du monde.

Domaine de Chaumont- sur-Loire - Centre d'arts et de nature

Saison d'art 2024 du 30 mars et 27 octobre

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