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Une œuvre qualifiée d'antisémite recouverte à la Documenta de Cassel


La Documenta de Cassel en Allemagne, rendez-vous majeur de l'art contemporain, s'est ouverte dans un climat polémique. Une œuvre d'un collectif indonésien rappelant les caricatures antisémites va être recouverte.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
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Ouverture de la Documenta de Cassel, le 18 juin 2022 (UWE ZUCCHI / DPA VIA AFP)

Une œuvre qualifiée d'antisémite exposée à la 15e Documenta de Cassel, dans le centre de l'Allemagne, va être recouverte après des demandes de retrait de l'ambassade d'Israël et des représentants des juifs d'Allemagne, ont annoncé lundi 21 juin les organisateurs de la grande foire d'art contemporain.

C'est un nouveau coup dur pour ce rendez-vous incontournable de la création contemporaine, qui se déroule tous les cinq ans, et qui a fait face ces derniers mois à des accusations d'antisémitisme.

Dans l'édition qui s'est ouverte samedi 18 juin, une œuvre du collectif indonésien Taring Padi montre un soldat avec une tête de porc, une étoile de David et l'inscription "Mossad" sur son casque. On y voit aussi un homme aux longues dents, cheveux bouclés, un chapeau avec l'inscription des SS nazi et un cigare au coin de la bouche, rappelant les caricatures antisémites de juifs orthodoxes.

L'ambassade d'Israël avait demandé le retrait de l'œuvre

L'œuvre, créée "dans un contexte de manifestations politiques en Indonésie", sera désormais cachée et une "explication" sera installée à proximité, selon un communiqué des organisateurs de la Documenta. Plusieurs voix avaient demandé lundi le retrait de la peinture qui "présente clairement des motifs antisémites", selon le directeur du Centre Anne Frank et professeur à l'université de Francfort, Meron Mendel, sur Twitter.

"Les éléments ... rappellent la propagande de Goebbels" diffusée "au plus sombre moment de l'histoire allemande" et "doivent être immédiatement retirés de l'exposition", a demandé dans un communiqué l'ambassade d'Israël à Berlin, se disant "dégoutée".

"La liberté de l'art s'arrête là où la misanthropie commence", a de son côté dénoncé Josef Schuster, président du Conseil des juifs d'Allemagne. "Les responsables de la Documenta doivent en tirer les conséquences." La ministre fédérale déléguée à la Culture, Claudia Roth, a également jugé que le combat de l'antisémitisme et du racisme "sont aussi les limites de la liberté artistique".

Les artistes se défendent

"Nos travaux ne contiennent rien qui vise à représenter de manière négative un quelconque groupe ethnique", s'est défendu Taring Padi. Les "porcs, chiens ou rats" sont des "références à une symbolique répandue dans le contexte politique indonésien" utilisés dans ce mural crée en 2002 pour "critiquer un système capitaliste, exploiteur et la violence militaire", selon le collectif.

Il n'y a "aucun lien avec l'antisémitisme", soutiennent les artistes, qui se disent "tristes que les détails soient interprétés différemment de leur intention initiale" et qui s'excusent "pour les blessures causées", ajoute le communiqué.

Le débat intervient alors que la foire d'art s'est déjà ouverte dans la polémique : le collectif d'artistes palestiniens The Question of Funding, très critique envers l'occupation israélienne, a été accusé d'être liée au mouvement Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS). Celui-ci prône le boycott d'Israël en raison de son occupation des Territoires palestiniens.

Des œuvres d'artistes palestiniens visées

Le BDS a été étiqueté comme "antisémite" par le parlement allemand en 2019 et n'a pas le droit de toucher d'argent public. Or, environ la moitié du budget de la Documenta - 42 millions d'euros - provient de l'Etat fédéral. Le mois dernier, des vandales se sont introduits dans l'espace où les œuvres des artistes palestiniens sont exposées, recouvrant les murs de graffitis menaçants.

La Documenta est un rendez-vous majeur de l'art contemporain avec la Biennale de Venise. Pendant 100 jours, les œuvres de plus de 1 500 artistes devraient attirer au moins un million de visiteurs.

La création de la Documenta en 1955 avait pour but de redonner à l'Allemagne une place sur la scène culturelle après les persécutions nazies contre l'avant-garde artistique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la ville de Cassel a accueilli un vaste camp de travail forcé, avant d'être en grande partie détruite par les bombardements alliés.

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