Au Mémorial de la Shoah, le procès Papon raconté à travers des dessins de Riss jamais exposés
Le procès de Maurice Papon (1910-2007) s’est déroulé d’octobre 1997 à avril 1998 à Bordeaux, devant les assises de la Gironde. Un huit-clos de six mois à l’issue duquel l'ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde sous Vichy, ancien préfet de police de Paris du général de Gaulle, ancien ministre de Valéry Giscard d'Estaing, fut condamné à dix ans de réclusion criminelle pour “complicité de crimes contre l'humanité”. En cause : son implication dans la déportation de 72 juifs vers Drancy et les camps de la mort ont été reconnus.
Vingt-cinq ans après ce procès, le Mémorial de la Shoah à Paris présente jusqu’au 3 mars 2024 une sélection de plus de 400 dessins exécutés à l’époque par Riss, envoyé spécial pour Charlie Hebdo.
Au plus près de Papon
Rescapé de la fusillade au siège de Charlie en janvier 2015, Riss en est aujourd’hui le directeur. Sa collaboration avec le journal satirique a commencé en 1992. Cette année-là, Riss couvre déjà un autre procès, celui de Paul Touvier, ancien chef de la Milice lyonnaise pendant l'occupation allemande.
Riss va suivre le procès Papon de bout en bout, réalisant des centaines de croquis d’audience. Des croquis vifs, précis, qui retranscrivent les expressions de Maurice Papon, sa gestuelle et aussi ses paroles. Un dessin de reportage, différent et plus fouillé que ses dessins satiriques habituellement publiés dans Charlie Hebdo.
La force du témoignage
L’exposition montre aussi les croquis des victimes ou des proches des victimes qui se sont succédé à la barre lors de ce procès. Des témoins que Riss respecte dans le rendu qu’il en fait (contrairement à Papon qu’il caricature parfois), à la fois dans les traits, mais aussi dans le récit. "Il prend un maximum de notes, ne perdant pas une miette de ce qui se dit", note Laurent Joly, commissaire de l’expo, directeur de recherche au CNRS. Déjà commissaire de l’exposition Cabu sur la rafle du Vel d’Hiv en 2022, il est aussi l’auteur d’une version commentée des dessins de Riss parue aux éditions Les Échappés. Ces prises de notes sont étayées par des extraits de séquences filmées du procès, l’un des premiers filmés en France.
Un jalon important
Le procès Papon fut l'un des derniers d'un fonctionnaire français pendant la seconde guerre mondiale dont l'action fut examinée. Riss en avait conscience et à l'époque, il tenait à y assister pour voir "comment la justice allait être rendue", explique-t-il dans une interview publiée par Le Point. "Ce procès a indéniablement été un jalon important dans ma vie. J'ai compris que l'on peut prêter main-forte à un régime atroce sans forcément adhérer à son idéologie. Je ne pense pas que Papon ait été acquis aux idées pétainistes, mais il a mis ses compétences au service de ce régime et cela a suffi. Cela m'a inspiré pour le reste de ma vie. J'ai compris qu'il fallait faire attention à chacune des décisions que l'on prend, qu'on a une responsabilité morale dans chacune de ses actions."
"Riss : le procès Papon" jusqu'au 3 mars 2024 au Mémorial de la Shoah - 17 rue Geoffroy l'Asnier, 75004 Paris - Ouverture de 10h à 18h, tous les jours, sauf le samedi. Nocturne jusqu’à 22h le jeudi. Entrée gratuite.
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