Au musée Jean-Jacques Henner, les roux sont rois
C'est une exposition rafraîchissante et originale que propose le musée Jean-Jacques Henner, à Paris, jusqu'au 20 mai. Dans l'hôtel particulier de l'artiste Guillaume Dubufe, situé au coeur du quartier de la Plaine-de-Monceau, repose une importante collection des œuvres de Jean-Jacques Henner, ce "peintre qui aimait les Rousses". Une inclinaison que l'on retrouve dans nombre de ses peintures. "Pourquoi tant de Rousses ?", est une question maintes fois formulée par les visiteurs du musée. Cette exposition tente d'y répondre en se penchant sur l'importance de la rousseur dans l'oeuvre du peintre et sur la place de cette couleur dans l'imaginaire colllectif.
Le roux, une signature
Pas d'espace dédié : on navigue dans la collection permanente, déjà bien rousse. Car les chevelures orangées (souvent au féminin) sont devenues la signature de Jean-Jacques Henner, qui est allé jusqu'à peindre un Christ roux. Cette couleur est plutôt associée à la chevelure de Judas. À travers cette palette, le peintre cherche la singularité, mais aussi une forme de sensualité. "On peut interpréter cette chevelure rousse en contradiction avec le corps virginal comme le signe tangible du 'feu sous la glace', une érotisation subtile de nus souvent vaporeux", indique Marie-Cécile Forest, directrice du musée Jean-Jacques Henner.Au rez-de-chaussée, on peut observer les mêmes inspirations auprès d'artistes contemporains d'Henner, comme Auguste Renoir, Charles Maurin, ou Edgar Maxence qui ont également adopté le roux dans leurs toiles.
Des masques océaniques à robes chevelues
Au premier étage, au milieu d'autres peintures de Jean-Jacques Henner, quelques pièces singulières, prêtées par le musée du Quai Branly, attirent l'œil : deux masques venus de Papouasie-Nouvelle Guinée et de Polynésie, décorés d'une chevelure rousse, symbole de vitalité masculine.Juste à côté, la styliste Sonia Rykiel, égérie de la rousseur, est présente par le biais de trois tenues "hommages". Signées Jean-Jacques de Castelbajac, Jean Paul Gaultier et Martin Margiela, ces créations mettent en lumière la chevelure flamboyante de la créatrice, son trait distinctif.
Magnifier le roux, c'est la volonté de la photographe Geneviève Boutry. Quelques pièces de sa série "Roux et rousses" sont exposées dans le Jardin d'hiver situé au rez-de-chaussée. La rousseur, Geneviève Boutry s'y intéresse depuis près de trente ans. "En photographiant ces personnes, je voulais mettre en lumière une minorité", explique-t-elle. Au cours de ses travaux, ses modèles lui confient les moqueries qu'ils ont subies à cause de leur rousseur. Des témoignages qui l'ont marquée : "Il y avait des réflexions comme 'il vaut mieux ça que d'être au chômage'", raconte-t-elle. Dans les décors verdoyants de ses photos, le roux est sublimé : "C'est une couleur lumineuse, belle et exaltante. C'est un émerveillement", énumère l'artiste.
Une couleur riche en symboles
Un tourbillon d'escaliers escarpés nous mènent au deuxième étage, où une salle d'exposition entière est dédiée aux égéries de la rousseur. Tantôt négatives : une marionnette "ogre", un exemplaire de "Poil de Carotte" de Jules Renard. Tantôt positives : David Bowie, Tintin et Spirou. "Ce qui est singulier, c'est que les gens vont avoir des a priori positifs ou négatifs sur les personnes rousses. Une formule du bon sens populaire exprime cette ambivalence : 'un roux c'est tout bon ou tout mauvais'", explique Xavier Fauche, auteur de "Roux et rousses : Un éclat très particulier" (Gallimard).À la publication de son livre, l'écrivain a également reçu des témoignages de personnes s'étant senties rejetées à cause de leur couleur de cheveux. Ces préjugés associés aux roux, Xavier Fauche les attribue à l'importance symbolique du cheveu, "siège de la vitalité". "Le roux a quelque chose de sulfureux. C'est vu comme une distinction."
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