Avec l'exposition "Préhistomania", le musée de l'Homme redonne vie aux peintures rupestres
Dès la fin du XIXe siècle, scientifiques, intellectuels et artistes se passionnent pour les origines de l'Humanité, notamment à travers la pratique artistique des premiers humains. Au musée de l'Homme, l'exposition Préhistomania, qui débute ce vendredi 17 novembre, offre un panorama inédit des copies grandeur nature des fresques préhistoriques, dont la diffusion contribua à changer la face de l'art moderne.
"Nous voulons que le visiteur éprouve le même choc esthétique qu'ont eu les découvreurs des premiers sites préhistoriques", a expliqué à la presse Aurélie Clemente-Ruiz, directrice du musée de l'Homme.
Découvertes à partir de la fin du XIXe siècle, ces traces picturales de nos lointains ancêtres ont suscité une véritable "préhistomanie" chez les artistes et une partie de la population dans le courant des années 1930. Les grandes missions archéologiques ont alors développé une nouvelle forme d'expression : le relevé, pour pouvoir étudier les œuvres fraîchement découvertes, et surtout les révéler au public, dans le souci de partager leur émerveillement premier.
"Les roches, ça voyage mal, donc les relevés étaient la seule façon de les présenter dans les musées, en couleur et grandeur nature", raconte Richard Kuba, l'un des commissaires scientifiques de l'exposition.
Des artistes féminines
L'abbé Breuil, le "pape" de la préhistoire qui authentifia les peintures de la grotte d'Altamira (Espagne) et expertisa la grotte de Lascaux en 1940, passa des centaines de journées sous terre à réaliser des milliers de relevés. L'exposition en présente dix qui n'étaient jamais encore sortis des collections.
L'ethnologue allemand passionné d'Afrique, Leo Frobenius, a parcouru le monde accompagné d'équipes d'artistes, essentiellement féminines, toutes diplômées d'écoles d'art. La plupart des sites étant difficiles d'accès, ces femmes "ont dû trouver des moyens de copier dans des conditions pas idéales, dans des climats souvent secs où les peintures séchaient très vite", dit Egidia Souto, maître de conférences en histoire de l'art de l'Afrique à l'Université Sorbonne Nouvelle et commissaire de l'exposition.
À l'entrée du parcours, le visiteur est accueilli par une grande photo d'une de ces femmes, allemande, nommée Agnes Schutz, qu'on voit assise sur une chaise de fortune, en train de peindre sur une grande toile à l'entrée d'une caverne. Cette dessinatrice, la première à avoir travaillé avec Leo Frobenius, dès 1923, réalisa au moins 700 reproductions de gravures rupestres lors des missions en Afrique du Sud, en Libye, en Scandinavie, en Australie...
Source d'inspiration pour les artistes du XXe siècle
Entre 1912 et les années 1950, les équipes de Leo Frobenius ont produit quelque 8 000 relevés à travers le monde. Une centaine d'entre eux ont été accrochés aux murs des plus grands musées du monde, avec un point d'orgue au Museum of Modern Art (MoMA) de New York, en 1937.
Pour la première fois, ces copies furent présentées comme des œuvres d'art, accompagnées d'œuvres modernes, sans aucune information contextuelle, un parti pris du directeur d'alors du MoMA, Alfred Barr. Critiques d'art et artistes sont alors "soufflés" par le travail des peintres préhistoriques, décrits comme les premiers surréalistes, selon le musée de l'Homme. Nombre d'artistes comme Jackson Pollock, Paul Klee, Georges Bataille, Picasso, Jean Arp, s'en inspirèrent.
Aujourd'hui, le relevé reste une étape fondamentale pour les préhistoriens, même si les méthodes, plus respectueuses, ont considérablement changé.
Les sites les plus fragiles, comme Altamira, Lascaux ou Chauvet, ne sont plus visibles que sous forme de répliques. Mais beaucoup ne connaissent pas ce niveau de protection, et une grande partie des relevés présentés à l'exposition sont l'occasion de contempler des œuvres aujourd'hui effacées.
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