Cet article date de plus de deux ans.

"Black Indians" au musée du Quai Branly : de la souffrance à la flamboyance, l'histoire tourmentée de la Nouvelle-Orléans

Le musée parisien donne à voir pour la première fois en France la complexité de la culture des Africains-Américains de Louisiane. Une exposition riche et spectaculaire.  Jusqu’au 15  janvier 2023. 

Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Nommé Bison blanc en référence à la prophétie amérindienne, le costume est composé de nombreux accessoires perlés, dont un imposant collier représentant une tête de bison.  (Roeathea Butler for Aya Noire Photography)

Popularisées par Treme, superbe série de David Simon (HBO, 2010), l’histoire et la culture des Black Indians s'exhibent chaque année lors des spectaculaires défilés du Mardi-Gras de la Nouvelle-Orléans. Derrière les éblouissants costumes présentés aux visiteurs se cache une histoire complexe. L’exposition n’omet rien de la douloureuse histoire des Africains-Américains de cet Etat du Sud des Etats-Unis : de la capture des esclaves en Afrique, la traite transatlantique, la mise en esclavage, à la Guerre de Sécession, la ségrégation, le racisme et les discriminations jusqu’aux stigmates de l’ouragan Katrina qui a ravagé La Nouvelle-Orléans en 2005. 

Histoire commune

À travers un parcours géographique et chronologique jalonné d’entretiens, de costumes contemporains et d’œuvres traditionnelles, l’exposition révèle une culture singulière, construite par plus de trois siècles de résistance contre les assauts de la domination sociale et raciale, encore présente aujourd’hui. Le visiteur est ainsi plongé dans cette histoire : objets des populations autochtones amérindiennes, cartes de la conquête européenne, traces de la présence française en Louisiane, présentation d’un Code noir, documents sur la traite et la déportation, et présentation d’objets africains qui ont traversé l’Atlantique tel l’exceptionnel masque zoomorphe de la culture Diolo (Sénégal), datant d’avant 1756, le plus vieux masque africain actuellement conservé au monde.


Ce masque est constitué d’une sorte de heaume de fines bandes d’écorce tressées surmonté de cornes de bovidé. D’origine africaine, ce masque servait au rite de passage à l’âge adulte des jeunes hommes du peuple diola. Il s’agit du plus vieux masque africain conservé dans le monde.  (© musée du quai Branly - Jacques Chirac © photo Patrick Gries)

Liens profonds

L'exposition témoigne aussi des liens profonds créés par les Amérindiens, décimés par les colons et premiers à connaître la servitude et l'oppression, avec la communauté africaine-américaine. Nombre d’esclaves en fuite ont trouvé refuge auprès des Amérindiens dans les bayous. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, l’imaginaire, les modes de vie, les croyances et les costumes amérindiens deviennent source d’inspiration pour les tout premiers Black Indians. Ces groupes d’Africains-Américains organisés en "tribes" défilent en parallèle du carnaval officiel de La Nouvelle-Orléans dominé par la communauté blanche, et dont ils sont exclus du fait de la ségrégation. 

"Vente de domaines, de tableaux et d'esclaves dans la Rotonde de la Nouvelle-Orléans", 1842.  (The Historic New Orleans Collection)

Les costumes, inspirés des tenues cérémonielles amérindiennes, sont confectionnés à la main avec force perles, plumes, sequins. Ils reflètent les influences des nombreuses cultures qui se croisent à La Nouvelle Orléans : cajun, africaine, amérindienne, créole, vaudoue. Directement sur les costumes, des scènes brodées entièrement en perles représentent des thèmes religieux ou liés à la lutte pour les droits civiques.

Traumatisme Katrina

La tradition s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui, même après la tempête Katrina qui a très durement touché la population noire de la Nouvelle Orléans le 29 août 2005. Après la destruction des quartiers noirs de La Nouvelle-Orléans, près d’un million d’Africains-Américains sont dispersés à travers la Louisiane et les États voisins.  Pourtant, assez vite, les résidents entreprennent la laborieuse reconstruction de leurs quartiers et de leur communauté. Dès l’automne, le difficile retour à une vie normale débute, au son des fanfares des parades. 

Mystic Medicine Man appose le mot nganga, guérisseur en langue subsaharienne kikongo, sur tous ses costumes. Le nganga est un spécialiste rituel qui connaît le secret des plantes médicinales et communique avec les ancêtres. Ce costume est également couvert de symboles vévés appartenant à l’esprit Erzulie du vaudou haïtien, une divinité qui dispense l’amour, la santé, la protection et la prospérité. (© Collection of Jean-Marcel St Jacques © Photo de Danielle C. Miles)

Autour de l'exposition

L’exposition s’accompagne d’une vaste programmation culturelle. Bons plans : tous les dimanches après-midis, de 15h à 17h, un spectacle gratuit de musique en fanfares, et le vendredi 25 novembre toute une soirée (musique, gastronomie, danse, etc) de 19h à minuit, gratuitement aussi, en accès libre. Et, à ne pas rater, la grande parade de clôture le 15 janvier 2023. A ne pas rater. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.