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Bombay Beach : un festival d'art contemporain en plein désert de Californie
Un paysage digne du film Mad Max près d'un lac salé perdu au cœur du désert californien, un prince italien d'Hollywood, une biennale décalée, un nom inattendu... Le festival Bombay Beach d'art contemporain est une curiosité sans pareille.
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Communauté de 250 âmes, Bombay Beach se meurt en bordure de la Salton Sea après avoir attiré des célébrités comme les Beach Boys ou Frank Sinatra dans les années 1950 et 1960.
Un village fantôme en plein désert californien
La plupart des maisons y sont abandonnées depuis des décennies, les cours jonchées de caravanes fatiguées et de carcasses de voitures rouillées, et le hameau n'accueille plus guère que quelques tournages de films de zombies. Bombay Beach est aujourd'hui l'une des communautés les plus pauvres de Californie, dans l'Ouest américain. Et, à 68 mètres en-dessous du niveau de la mer, c'est aussi l'un des lieux de peuplement les plus bas des Etats-Unis.Depuis 2016, une poignée de créateurs excentriques ont insufflé un peu de vie à l'endroit. Epaulés par de riches mécènes, ils ont racheté des bâtiments désaffectés pour y créer des résidences d'artistes et organiser un festival joliment marginal et pompeusement baptisé "Biennale de Bombay Beach" même s'il se tient chaque année.
Trois amis à l'origine de ce projet loufoque
L'idée de ce festival, qui a lieu ce week-end des 23 et 24 mars dans la plus grande discrétion, a germé dans l'esprit de trois amis vivant à Los Angeles, à environ trois heures de route plus à l'ouest : Tao Ruspoli, cinéaste, photographe et musicien, Stefan Ashkenazy, collectionneur d'art et hôtelier, et Lily Johnson White, philanthrope appartenant à la grande famille d'industriels fondateurs du géant pharmaceutique Johnson & Johnson.Tao Ruspoli dit avoir entendu parler de la localité de Bombay Beach voici une dizaine d'années, en tombant par hasard sur un livre consacré à la Salton Sea, le plus grand lac de Californie, créé par accident en 1905 à la suite d'une erreur d'ingénierie lorsque le fleuve Colorado a inondé un millier de kilomètres carrés de terres. Depuis quelques dizaines d'années, il rétrécit peu à peu sous l'effet de la sécheresse et est victime d'une forte pollution (salinité croissante, métaux lourds, etc).
Des oeuvres d'art rivalisant d'inventivité disséminées en ville
L'aristocrate italien, âgé de 43 ans, a été fasciné dès sa première visite. "C'est déroutant et formidable et étrange", lance Tao Ruspoli. "C'est tellement éloigné de cette sorte d'uniformité qui existe partout ailleurs aux Etats-Unis", avec ces fast-foods et stations-service "à tous les coins de rues", expliquait-il récemment à l'AFP lors d'une visite à Bombay Beach. L'idée de créer un festival a pris forme lors d'un week-end passé avec ses deux amis dans une maison achetée par Tao Tuspoli pour 20.000 dollars en 2011. Aujourd'hui, le village peut s'enorgueillir d'un musée appelé "L'Hermitage", d'un cinéma drive-in rempli d'épaves de voitures et d'un opéra décoré de vieilles tongs récupérées sur les plages de Lagos, mégapole du Nigeria.Des oeuvres d'art rivalisant d'inventivité sont disséminées en ville pour l'édition 2019 du festival : un dôme fait de vieilles ferrailles, un fuselage d'avion représentant un poisson, des morceaux de fer torsadés ou encore deux conteneurs formant une croix dont l'intérieur est orné de peintures religieuses représentant des "scientifiques persécutés"... "Si Andy Warhol était toujours en vie, ça serait son truc", assure Kathy Suder, l'une des artistes exposées, qui a déployé cent tentes blanches sur un parking désaffecté pour y figurer les sans-abris et déplacés du monde.
Esprit marginal
Créer sans se soucier des conventions ou de l'argent, tel est précisément le but du festival, explique Lily Johnson White. "Il y un fort esprit marginal ici, et un petit syndrome de Peter Pan", dit-elle. "Nous invitons les gens à venir créer et exprimer les rêves qu'ils ne peuvent pas réaliser dans le monde de l'art commercial". Il n'y pas meilleur endroit pour laisser vagabonder son imagination, confirme la photographe belge Kirsten Thys van den Audenaerde, qui participe à l'édition 2019. "C'est comme si on avait lâché une bombe et que nous étions les derniers survivants", lâche-t-elle en balayant du regard le paysage poussiéreux.La plupart des oeuvres d'art créées pour le festival sont données au village, pour le grand plaisir des touristes, de plus en plus nombreux à y passer. Mais durant le festival lui-même, les hordes de curieux ne sont pas les bienvenues : l'accès se fait uniquement sur invitation et même les dates exactes de l'événement sont tenues secrètes, sauf pour les quelque 500 habitants, artistes et mécènes détenteurs d'un ticket.
"Nous ne tirerons pas un dollar de tout ça"
"Nous n'avons aucun objectif financier, pas de produits dérivés, nous ne tirons pas un dollar de tout ça", insiste Stefan Ashkenazy, qui parraine de nombreux artistes invités. "Ca tient plus de la fête de quartier, ce n'est pas un spectacle".Le but ultime de l'exercice est d'aider Bombay Beach à se remettre sur pied en retrouvant un peu de sa gloire passée. Dean McAfee, 77 ans, a découvert le village lorsqu'il était enfant et il y a pris sa retraite. Le vieil homme a beau s'avouer imperméable aux étranges installations du festival, il est heureux de ce regain d'intérêt pour Bombay Beach. "Ca ressuscite la ville, et moi ça me va", lâche-t-il.
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