Dans la Drôme, une rencontre inattendue entre l'univers fantastique de Tolkien et le Palais idéal du facteur Cheval
Depuis le 11 juin et jusqu’au 3 octobre, l'univers de Tolkien a élu domicile dans le Palais idéal du facteur Cheval, à Hauterives dans la Drôme, à l’occasion de l’exposition "Fantaisies héroïques".
Il est 18h30. Alors que les derniers visiteurs commencent à quitter les lieux, le soleil se couche sur la façade ouest du Palais idéal du facteur Cheval. Les rayons flamboyants viennent éclairer une sphère en pierre, située sur la terrasse du bâtiment et, par un jeu de perspective, laissent deviner un grand œil de lumière.
Pour Frédéric Legros, directeur du Palais idéal de Hauterives (Drôme) depuis 2019, le parallèle avec la figure de Sauron, représenté par une pupille lumineuse dans le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien, était évident. "Ce phénomène est la clé de voûte de l’exposition Fantaisies héroïques", dévoile-t-il.
Filiation imaginaire entre deux univers
En 33 ans, Ferdinand Cheval, simple facteur de la Drôme, a construit de ses mains l’un des plus somptueux palais fantastiques en pierres. Dans cet édifice unique au monde, on y côtoie des géants, des animaux et des créations tout droit sorties d’un royaume onirique et paradoxalement très modernes. Ses inspirations, le facteur Cheval les puise dans des ouvrages et encyclopédies et ne sont pas sans rappeler l’univers imaginaire de Tolkien.
Bien que l’écrivain britannique n’ait jamais eu connaissance du facteur Cheval et de son palais, l’exposition Fantaisies héroïques tente de tisser des liens entre deux hommes, influencés par une même frénésie créative lors de la conception de leurs univers. "L’un était facteur de jour et architecte de nuit tandis que l’autre était professeur d’université de jour et écrivain la nuit. Mais tous les deux ont fait de leur à-côté leur œuvre majeure", explique Frédéric Legros.
Des inspirations communes
Lors de leurs déambulations dans l’espace d’exposition, les visiteurs retrouvent rapidement la figure de l’œil, illustrée sur la couverture d’une édition inédite des Deux Tours, — second volet du Seigneur des Anneaux — de Tolkien. Placé dans une vitrine, au milieu de la pièce, l’ouvrage vient faire un clin d’œil à la gravure Coup d’œil du théâtre de Besançon de Claude Nicolas Ledoux, publié dans l’encyclopédie populaire Le Magasin Pittoresque en 1859, que Frédéric Legros s’est amusé à disposer juste en face du livre de Tolkien. "Le Magasin Pittoresque était une inspiration commune pour Tolkien et le facteur Cheval. Et cette pupille, reproduite par Tolkien sur son ouvrage, témoigne de son talent et sa passion pour le dessin, que l’on a souvent tendance à oublier", précise le directeur du Palais idéal.
Là encore, le directeur s’est amusé à créer un parallèle autour du dessin en exposant, non loin de la vitrine, un croquis réalisé par le facteur Cheval avant la construction de son palais. Seul exemplaire encore existant, ce dessin est exposé pour la première fois au Palais idéal pour Fantaisies héroïques.
À travers la scénographie de l’exposition, pensée par Frédéric Legros et son équipe, les pièces présentées dialoguent entre elles et mêlent le travail et la personnalité du facteur Cheval et de J.R.R. Tolkien.
Des œuvres symboliques
Lors de la visite, une œuvre attire l’attention : une phrase transcrite en runes elfiques ou cirth (langues inventées par Tolkien) écrite au mur à l’aide de gingembre rouge séché. Réalisée par l’artiste française Camille Henriot, cette création reprend l’inscription gravée sur la tombe de Balin dans les mines de la Moria, cité naine de la Terre du Milieu. "J’ai choisi cette inscription pour rappeler aux visiteurs qu’avant d’être un lieu de visite, le Palais idéal avait été pensé par le facteur Cheval pour être sa tombe", précise Frédéric Legros.
Aux murs sont également accrochées trois tapisseries géantes prêtées par la Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson, basées sur des aquarelles de Tolkien. Mithrim, Glorund sets forth to seek Turin et Bilbo comes to the huts of the Raft-elves, viennent retracer la longévité du périple de Bilbon et de son cousin Frodon dans le récit de Tolkien. "Certains fans se sont amusés à calculer la distance parcourue par Frodon et Sam entre la Comté et le Mordor. Selon leurs calculs, ils arrivent à 1 350 miles pour un équivalent de 440 heures de marche, soit 2 170 kilomètres au total. Cette distance représente seulement 65 jours de tournée pour le facteur Cheval qui a parcouru plus de 40 km quotidiennement pendant 27 ans", affirme Frédéric Legros. Le Palais idéal renferme également l’une des pièces maîtresses de l’exposition, l’anneau symbolique du récit de Tolkien réalisé par la Monnaie de Paris en 2012.
Les visiteurs pourront profiter de la magie de Tolkien mêlée au génie du facteur Cheval et son Palais idéal jusqu’au 3 octobre à Hauterives.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.