De Fulgence Bienvenüe au Grand Paris Express, histoires de métro à la Cité de l'architecture
Cent-trente ans après l'ouverture du premier métro à Paris, les quatre nouvelles lignes du Grand Paris Express devraient permettre de se déplacer beaucoup plus facilement de banlieue à banlieue. Une exposition à la Cité de l'architecture et du patrimoine retrace l'histoire du métro parisien et présente le projet avec toutes les questions qu'il soulève.
À l'approche de 1900 et de l'Exposition universelle, Paris est saturée, les bus tractés par des chevaux vus sur des extraits de films d'époque et les tramways ne suffisent plus pour la circulation d'une population qui s'est beaucoup accrue pendant le siècle écoulé. Londres déjà s'est doté d'un réseau ferré urbain en 1863, comme New York en 1868, Berlin en 1882.
Plus de cent projets sont imaginés pour un chemin de fer métropolitain parisien, dont certains un peu farfelus, comme le bateau flottant du capitaine Mazet. C'est finalement sous la direction de l'ingénieur en chef des services municipaux, Fulgence Bienvenüe, qu'en vingt mois est réalisée la première ligne du métro parisien entre porte de Vincennes et porte Maillot. Elle ouvre au public le 19 juillet 1900. Le réseau s'étend, progressivement, entre 1900 et 1932, à douze lignes sur 132 kilomètres.
Des travaux titanesques
Des photos et films de l'époque nous montrent l'entreprise titanesque, les travaux complexes, les défis techniques, le creusement à la pioche, le déblaiement à la pelle, la construction des voûtes. 850 000 m3 de terre auraient été déplacés pour la construction de la seule ligne 1. Ces archives évoquent un sous-sol compliqué, troué comme un gruyère, déjà traversé de canalisations d'eau et de gaz et par le réseau d'égouts. Parfois, on est obligé de construire des tronçons en surface. Le passage du métro sous la Seine est un tour de force, tout comme la superposition des voies sous la place de l'Opéra. Des stations comme Abbesses doivent être creusées très profond en raison de la présence d'anciennes carrières de gypse.
Les travaux ont leurs drames, comme l'accident de "décompression" à la station Cité, évoqué à la une du Petit Parisien le 12 janvier 1908, qui provoque la mort de cinq ouvriers.
Du RER au Grand Paris
Le métro, c'est aussi une esthétique : c'est à Hector Guimard qu'est confiée la création des entrées de stations, avec leurs célèbres volutes vertes et leurs marquises. Des photos ou une peinture de Marcel Gromaire (1892-1971) nous montrent des voitures déjà bondées dans les premières décennies du siècle passé. Un wagon de seconde classe des fameuses rames Sprague-Thomson, avec ses sièges en bois et ses porte-bagages, qui a circulé jusque dans les années 1970-1980, a été reconstitué.
Le métro stimule l'imaginaire et va attirer les réalisateurs de cinéma, comme en témoignent des scènes de films, de Godard à Jean-Pierre Melville. Il inspire des jeux de société, le Métrolic (1922) ou la Loterie du métropolitain (1910).
Dès 1928, on pense à étendre le réseau à la proche banlieue et comme on le découvre sur un plan de 1934, il franchit alors les limites de Paris, Boulogne-Billancourt étant la première ville de la périphérie à être desservie. Dans les années 1960, les transports autour de Paris se développent avec le RER (Réseau express régional) : trois lignes imaginées à partir de 1965, avec la naissance des villes nouvelles, le long des axes d'urbanisation. Là encore, elles traversent Paris et relient la capitale à la banlieue, avec de nouvelles grandes gares (Auber, Charles de Gaulle-Etoile, Nation…) à l'esthétique très années 1960. Les premiers trains du premier tronçon de la ligne A, avec leurs sièges orange, circulent le 12 décembre 1969. On peut suivre une des premières voyageuses dans un reportage du journal télévisé.
De banlieue à banlieue
Alors que jusque-là, le réseau a toujours été imaginé en étoile, depuis le centre vers la périphérie, la nouveauté introduite par le projet du Grand Paris Express, en réflexion depuis une quinzaine d'années, est de penser les déplacements de banlieue à banlieue à l'horizon 2030, avec de premières ouvertures de gares en 2024. Il prévoit 200 km de réseau de métro automatique, quatre nouvelles lignes constituant une grande double boucle, un accès plus facile aux aéroports avec un prolongement de la ligne 14, 68 nouvelles gares.
C'est à ce projet qu'est consacrée la deuxième partie de l'exposition. Alors que les stations du vieux métro étaient toutes conçues sur le même modèle, comme les premières écoles de la République, les gares du Grand Paris sont imaginées comme des lieux uniques, enracinées dans un territoire particulier. Chacune est conçue par un architecte auquel un artiste est associé, qui y créera des sculptures, des œuvres lumineuses, des fresques.
Pour la station de Bagneux-Lucie Aubrac, Tatiana Trouvé imagine un sol de pierre et de bronze où sont incrustés des objets, pour celle de Montrouge, Laurent Grasso peint un ciel inspiré des plafonds en trompe-l'œil de la Renaissance. Pour la gare Saint-Denis Pleyel, Prune Nourry crée 108 "Vénus" inspirées des premières sculptures de femmes du Paléolithique.
Au travers de maquettes, d'images, de croquis, d'œuvres d'art, 16 de ces futures gares nous sont présentées dans leur diversité. Et puis, sur cinq écrans, l'exposition donne la parole à 25 acteurs de la ville et intellectuels, de l'architecte-urbaniste Antoine Grumbach à l'écrivain Aurélien Bellanger, du chercheur Bruno Barroca, spécialiste des territoires urbains, au réalisateur Cédric Klapisch. Ils nous disent ce qui, pour eux, "fait le Grand Paris".
"Métro ! Le Grand Paris en mouvement"
Cité de l'architecture et du patrimoine
Palais de Chaillot, Trocadéro, Paris
Tous les jours sauf le mardi, 11h-19h, nocturne le jeudi jusqu'à 21h
Tarifs : 9 euros / 6 euros (12 euros / 9 euros avec l'accès au musée)
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