Découverte d’un tableau inédit de Gustave Courbet au musée de Granville
La Cascade de Mortain
Pour préparer l’exposition sur les coulisses du musée, Alexandra Jalaber entreprend des recherches sur un tableau présenté dans l’exposition permanente et présenté comme la "Cascade de Mortain", une cascade située à une soixantaine de kilomètres de Granville. Le tableau est signé Gustave Courbet, il n’est pas daté. En 1995, l’Institut Courbet l’avait identifié comme un faux. Cette oeuvre a été donnée à Granville en 1892 par Louis Boisnard, au décès de son frère Thomas Victor Boisnard, lieutenant de vaisseau granvillais, chevalier de la Légion d’honneur et collectionnaire. En fait, ce don comportait trois tableaux attribués au maître d’Ornans : cette cascade, un paysage, faux lui aussi, et une "Vue du lac Leman". Le paysage et la vue du lac Leman demeuraient dans les réserves car à la fin de la Seconde Guerre Mondiale le musée de Granville avait pris un tournant ethnographique en se recentrant sur le Vieux Granville.
En décidant de faire restaurer la "Cascade" attribuée à Courbet pour l’exposition temporaire de 2016, Alexandra Jalaber est donc tombée sur une pépite insoupçonnée. La conservatrice contacte le musée d’Orsay et le C2RMF (Centre de recherche et de restauration des Musées de France). Bruno Mottin se pique au jeu et cherche à en savoir plus. La Fabrique de patrimoines en Normandie est chargée d’analyser le tableau grâce à l’imagerie scientifique. La "Cascade" est finalement attribuée à Cherubino Pata. "Dans son abondante production, Courbet est aidé par le Franc-comtois Marcel Ordinaire et le Tessinois Cherubino Pata qui jouent, de plus, un rôle d’intermédiaires lors de la vente des toiles. Certaines sources laissent entendre que, sur la base de propos qu’aurait tenus Pata, Courbet aurait signé à la fin de sa vie des toiles dont la préparation par ses aides dépassait largement le stade de l’esquisse", précise Didier Erard dans sa brochure sur les années d’exil du peintre d’Ornans à la Tour-de-Peilz, au bord du lac Leman.
Un point de vue partagé par le spécialiste helvétique Pierre Chessex. Si la représentation de paysage n’a rien d’un tableau de maître, reste la "Vue du Lac Leman". Là, Bruno Mottin est formel. C’est bel et bien un Courbet. Le spécialiste a détaillé ses recherches lors d’une conférence, donnée le 1er mars dernier à Granville, sur l’oeuvre de Courbet.
Le tableau, à la touche délicate, mêle dans le même scintillement, les reflets du lac, le ciel et les nuages qui couvrent les sommets. Cette ouverture particulière à la lumière rapproche ici Courbet de la peinture impressionniste.
Cette oeuvre tardive est proche de celle retrouvée par Laurence Madeline. L’ancienne conservatrice du musée Rath de Genève avait présenté pour la première fois au public ce splendide et imposant "Panorama des Alpes" lors de l’exposition "Gustave Courbet, les années suisses " en 2015.
Grâce à la générosité d’un donateur anonyme, le Panorama des Alpes entre dans les collections des Musées d’art et d’histoire de Genève. Ce tableau, qui n’a jamais été exposé, n’a été publié que dans le Catalogue raisonné de l’œuvre de Courbet établi par Robert Fernier en 1977. Il est inscrit dans l’inventaire après décès de l’artiste (document inédit), dans la liste des œuvres remises par le Dr Blondon à Juliette Courbet – héritière du peintre – en 1882 et dans l’inventaire de ses biens en 1915. Le panorama des Alpes porte par ailleurs le sceau en cire de l’atelier Courbet apposé au verso des dernières œuvres de l’artiste que Juliette Courbet, décédée en 1915, avait conservées.
En Normandie, les recherches pour mieux connaître l’histoire de ce tableau vont se poursuivre. L’oeuvre va être étudiée par la Fabrique de Patrimoine en Normandie. Cette "Vue des Alpes" sera présentée pour la première fois au public cet été au musée d’art moderne Richard Anacréon de Granville.
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