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Du lac d'Iseo en Italie à la Fondation Maeght de Saint Paul de Vence : le bel été de Christo
Voilà plus d'un demi-siècle que cet artiste hors norme sème ses créations aux quatre coins du monde. Des oeuvres éphémères qui ne survivront que dans les mémoires. La Fondation Maeght à Saint Paul de Vence lui consacre une exposition jusqu'en novembre tandis qu'en Italie, sa dernière création, sur le lac d'Iseo, bat des records d'affluence. Portrait d'un nomade de l'art.
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Temps de lecture : 5min
Reportage : Valérie Gaget, Mathieu Dreujou, Stéphane Korvine
Christo l'avoue lui-même, il ne parle ni très bien anglais, ni très bien français. Mais quand je lui demande pourquoi il fait ce qu'il fait, sa réponse fuse, limpide : "pour la beauté, l'amour de l'art et rien d'autre".
A Saint Paul de Vence, impossible de manquer son mastaba. Dressé dans la cour de la Fondation Maeght, cette pyramide coupée en son sommet, aux couleurs de Miro, mesure neuf mètres de hauteur sur dix-sept mètres de longueur. L'artiste dit s'être inspiré de monuments très anciens, nés en Mésopotamie, il y a 7 000 ans. Il a utilisé 500 barils de pétrole, un objet récurrent dans son oeuvre. En 1962 déjà, Christo avait barré la rue Visconti à Paris d'un mur de bidons, sa réponse artistique à la construction du Mur de Berlin. Et l'un de ses plus grands projets est d'édifier un mastaba de 150 mètres de hauteur avec 410 000 barils de pétrole près d'Abu Dhabi, aux Emirats Arabes Unis. Ce sera, dit-il, "la plus grande sculpture du monde, plus haute que la pyramide de Khéops". Et sa seule oeuvre permanente. La maquette qu'il a réalisée lui-même en 1979 est exposée à la Fondation Maeght.
Christo attend l'autorisation finale des autorités pour que ce projet, vieux de 37 ans, se réalise enfin.
Sa toute dernière création, "The floating Piers" flotte depuis le 18 juin 2016 sur le lac d'Iseo, au nord de l'Italie. D'immenses passereIles, larges comme des avenues et longues de trois kilomètres. Il a fallu assembler 220 000 cubes de plastique, entièrement recyclables, pour former ces pontons, couverts d'un tissu jaune flamboyant. Ils rejoignent l'île de Monte Isola et celle, minuscule, de San Paolo que l'on aperçoit sur cette photo.
Né en Bulgarie en 1935, Christo Vladimirov Javacheff a fui le régime communiste en 1957. Il est depuis farouchement attaché à sa liberté, refusant toute commande et toute forme de compromis. Ses oeuvres, il les finance lui-même notamment grâce à la vente de ses dessins et de ses maquettes préparatoires, très côtés sur le marché de l'art. Accessible gratuitement, "The floating Piers " devrait lui coûter près de 15 millions d'euros.
C'est à Paris que Christo a rencontré la femme de sa vie, Jeanne-Claude. Hasard surprenant, elle était née le même jour que lui. Elle est morte brutalement en 2009 mais il parle toujours d'elle au présent. Dans leur duo artistique, elle était la négociatrice.
Dans les années soixante, Christo a commencé par emballer des objets du quotidien: des boîtes de conserve, des bouteilles, des chaises... Avant de s'attaquer à des projets plus ambitieux. En 1969, à Little Bay, près de Sydney, il couvre une côte rocheuse d'immenses toiles blanches. Il faudra plus de 50 kilomètres de cordes pour les fixer à la falaise.
Dix ans plus tard, Christo récidive en Allemagne avec le Reichstag. En trois semaines, cinq millions de personnes viendront s'étonner de leurs propres yeux devant le parlement allemand, complétement métamorphosé. Puis viendra le tour de New York, la ville où Christo et sa femme se sont installés dès 1964. Il nous raconte qu'il habite toujours le même immeuble de Soho, "au 5ème étage, sans ascenseur". En 2005, Christo installe 7 500 arches dans Central Park, des portiques couleur safran qui tracent un chemin de 35 kilomètres. Là encore, des millions de visiteurs se pressent pour découvrir cette oeuvre monumentale.
Christo est un marathonien. Certains de ses projets ont mis vingt-cinq ans à aboutir. Il explique qu'il en a réalisé vingt-deux mais que, faute d'autorisations, lui et sa femme ont dû renoncer à trente-sept installations.
Ses nouvelles passerelles sur le lac d'Iseo ont attiré plus de 200 000 visiteurs en cinq jours, ravis de pouvoir marcher sur l'eau. Il a fallu en limiter l'accès pour éviter une usure prématurée des tissus plastifiés qui recouvrent les pontons. Christo est aux anges.
A 81 ans, le nomade de l'art espère nous surprendre encore longtemps.
Christo l'avoue lui-même, il ne parle ni très bien anglais, ni très bien français. Mais quand je lui demande pourquoi il fait ce qu'il fait, sa réponse fuse, limpide : "pour la beauté, l'amour de l'art et rien d'autre".
A Saint Paul de Vence, impossible de manquer son mastaba. Dressé dans la cour de la Fondation Maeght, cette pyramide coupée en son sommet, aux couleurs de Miro, mesure neuf mètres de hauteur sur dix-sept mètres de longueur. L'artiste dit s'être inspiré de monuments très anciens, nés en Mésopotamie, il y a 7 000 ans. Il a utilisé 500 barils de pétrole, un objet récurrent dans son oeuvre. En 1962 déjà, Christo avait barré la rue Visconti à Paris d'un mur de bidons, sa réponse artistique à la construction du Mur de Berlin. Et l'un de ses plus grands projets est d'édifier un mastaba de 150 mètres de hauteur avec 410 000 barils de pétrole près d'Abu Dhabi, aux Emirats Arabes Unis. Ce sera, dit-il, "la plus grande sculpture du monde, plus haute que la pyramide de Khéops". Et sa seule oeuvre permanente. La maquette qu'il a réalisée lui-même en 1979 est exposée à la Fondation Maeght.
Christo attend l'autorisation finale des autorités pour que ce projet, vieux de 37 ans, se réalise enfin.
Rendre visible l'invisible
Olivier Kaeppelin, directeur de la Fondation Maeght, explique qu'avec Christo l'art a toujours une dimension physique: "Il invite les gens à vivre une expérience artistique à travers une forme qui lui est chère. Il est passionné par l'idée que les choses ne sont pas immédiatement visibles et qu'il faut pouvoir les ressentir, les vivre avec son corps en marchant, en déambulant autour de l'oeuvre (...) Il ne s'agit pas simplement de vivre l'émotion d'un tableau, Christo nous fait entrer dans le tableau".Sa toute dernière création, "The floating Piers" flotte depuis le 18 juin 2016 sur le lac d'Iseo, au nord de l'Italie. D'immenses passereIles, larges comme des avenues et longues de trois kilomètres. Il a fallu assembler 220 000 cubes de plastique, entièrement recyclables, pour former ces pontons, couverts d'un tissu jaune flamboyant. Ils rejoignent l'île de Monte Isola et celle, minuscule, de San Paolo que l'on aperçoit sur cette photo.
Né en Bulgarie en 1935, Christo Vladimirov Javacheff a fui le régime communiste en 1957. Il est depuis farouchement attaché à sa liberté, refusant toute commande et toute forme de compromis. Ses oeuvres, il les finance lui-même notamment grâce à la vente de ses dessins et de ses maquettes préparatoires, très côtés sur le marché de l'art. Accessible gratuitement, "The floating Piers " devrait lui coûter près de 15 millions d'euros.
C'est à Paris que Christo a rencontré la femme de sa vie, Jeanne-Claude. Hasard surprenant, elle était née le même jour que lui. Elle est morte brutalement en 2009 mais il parle toujours d'elle au présent. Dans leur duo artistique, elle était la négociatrice.
Dans les années soixante, Christo a commencé par emballer des objets du quotidien: des boîtes de conserve, des bouteilles, des chaises... Avant de s'attaquer à des projets plus ambitieux. En 1969, à Little Bay, près de Sydney, il couvre une côte rocheuse d'immenses toiles blanches. Il faudra plus de 50 kilomètres de cordes pour les fixer à la falaise.
Le Pont Neuf et le Reichstag emballés
En 1985, il emballe le Pont Neuf, le plus vieux pont de Paris, Il dirige lui-même les quatre-vingt cinq ouvriers du chantier: des charpentiers, des bâcheurs, des guides de montagne... Ils déploient 40 000 mètres carrés de toile pour recouvrir entièrement le pont. L'installation autorisée par Jacques Chirac, alors maire de Paris, dure deux semaines. Les conservateurs s'insurgent mais le public adore : des millions de visiteurs se pressent pour voir le monument ainsi empaqueté. Et les commerçants du quartier regretteront leur Pont d'or.Dix ans plus tard, Christo récidive en Allemagne avec le Reichstag. En trois semaines, cinq millions de personnes viendront s'étonner de leurs propres yeux devant le parlement allemand, complétement métamorphosé. Puis viendra le tour de New York, la ville où Christo et sa femme se sont installés dès 1964. Il nous raconte qu'il habite toujours le même immeuble de Soho, "au 5ème étage, sans ascenseur". En 2005, Christo installe 7 500 arches dans Central Park, des portiques couleur safran qui tracent un chemin de 35 kilomètres. Là encore, des millions de visiteurs se pressent pour découvrir cette oeuvre monumentale.
Christo est un marathonien. Certains de ses projets ont mis vingt-cinq ans à aboutir. Il explique qu'il en a réalisé vingt-deux mais que, faute d'autorisations, lui et sa femme ont dû renoncer à trente-sept installations.
Ses nouvelles passerelles sur le lac d'Iseo ont attiré plus de 200 000 visiteurs en cinq jours, ravis de pouvoir marcher sur l'eau. Il a fallu en limiter l'accès pour éviter une usure prématurée des tissus plastifiés qui recouvrent les pontons. Christo est aux anges.
A 81 ans, le nomade de l'art espère nous surprendre encore longtemps.
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