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"I Have a Dream" : l'héritage artistique de Martin Luther King
L’image est célèbre. Le 28 août 1963 à Washington, devant une foule de 250 000 personnes, le pasteur Martin Luther King improvisait un discours qui marquera un tournant dans la vie des noirs américains. Les artistes, musiciens et hommes de lettres puiseront leur inspiration dans ce combat pour les droits civiques.
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Reportage : M. Burgot, R. Massini, F. Ortiz, V. McCabe, A. Monange
Il y a 50 ans, dans une Amérique ségrégationniste, les noirs n'avaient aucune place. Aucun auteur de couleur n'était enseigné dans les programmes scolaires. Le mouvement pour les droits civiques va entraîner une prise de conscience et imposer la littérature noire comme un genre à part entière, faisant partie de l’identité culturelle américaine. On peut mesurer le chemin parcouru avec cette distinction. En 1988, l’écrivaine Toni Morrison a obtenu le prix Pulitzer et le prix Nobel en 1993. Mais ne nous leurrons pas, la population noire américaine, malgré des avancées notables en terme de droit et de reconnaissance, subit encore des discriminations et vit trop souvent dans des zones d'exclusions, où le quotidien n'est que violence.C'est bien parce que le rêve de Martin Luther King d'une société juste et équitable est loin d'être une réalité, que les nouvelles générations d'artistes poursuivent l'engagement de leurs ainés. "Ces écrivains jouent un rôle de plus en plus important dans le débat national sur les races et la démocratie américaine", affirme James Miller, professeur de littérature afro-américaine du XXe siècle à l’université George Washington. De Martin Luther King à Barack Obama
Le monde entier a salué l'élection de Barack Obama, premier président américain noir, comme un symbole d'une Amérique enfin réconciliée. Une utopie pour le chercheur Frédérick C. Harris, professeur à l’Université Columbia de New York. Alors que les inégalités économiques entre noirs et blancs se sont accrues lors des mandats Obama, il a dénoncé, dans son livre "the Price of the Ticket", le silence des intellectuels noirs, "qui protègent Obama au lieu de poursuivre le combat de Martin Luther King. Ils confondent symbole et substance". Barack Obama reconnait qu'il reste encore beaucoup à faire, notamment au niveau de l'égalité économique, "avoir un président noir n'est pas suffisant". Le hasard de l'Histoire a fait que les cérémonies du 50 ième anniversaire du discours de Martin Luther King sur le Mall de Washington, ont été célébrées par ce premier Président noir américain rêvé par le Pasteur. Obama en digne héritier a salué l'héritage du Pasteur d'Atlanta "ses mots sont éternels, possèdent un pouvoir et un caractère prophétique sans équivalent à notre époque". Comme un symbole fort de cette filiation spirituelle, lors de son deuxième mandat, Barack Obama avait prêté serment sur la bible personnel de Martin Luther King. Dans une Amérique blanche, la musique était le seul espace de liberté toléré. La musique noire américaine a puisé dans ses racines africaines, a chanté la douleur de sa condition d'esclave. Puisant dans leur tragédie, les Négro-Spirituals et le Gospel ont mis en musique leur plainte, le blues fut le son du désespoir. A la naissance de Martin Luther King en 1929 à Atlanta, dans une société profondément raciste, seuls les sportifs et les artistes noirs bénéficiaient d’une certaine clémence. Ils avaient le droit de divertir leur public à condition de ne rien réclamer. C’est donc avec beaucoup de subtilité que les musiciens de Jazz vont glisser des messages subliminaux, à l’image de Duke Ellington qui tout à long de sa carrière chantera cette fierté longtemps réprimée. Ou Billie Holiday, chantant cet "étrange fruit" accroché à un arbre... le corps supplicié d'un noir pendu et brûlé. Au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, une nouvelle génération impose une musique noire identitaire, propre à cette communauté. Le be-bop remplace le swing et accompagne l’essor du mouvement des droits civiques.
La musique devient un chant de contestation, de revendication. Les discours pacifistes du Pasteur sont rythmés par les voix puissantes des chanteurs de Gospels. Au lendemain de son assassinat, des artistes noirs mais aussi blancs, à l'image de Bob Dylan, dénoncent les inégalités. Cette quête d’idéal, d’une société plus juste, sera une source d’inspiration pour un John Lennon. Et dans un registre plus commercial, "I have a dream" était le titre de l’un des plus grand succès du groupe suédois Abba en 1979. 50 ans après, de nouvelles voix portent le rêve de Luther King, elles dénoncent le racisme encore présent dans une société, armée et enfermée dans sa peur de l'Autre. "I have a Dream", un message universel, intemporel, qui résonne encore en 2013 aussi puissant qu'il y a 50 ans. Le rêve d’une société juste où chacun aurait sa place dépasse le seul rêve américain. En témoigne cette calligraphie arabe qui reprend la célèbre anaphore "I Have a Dream".
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