Inca contre conquistador : l'histoire d'une rencontre mythique au Quai Branly
120 objets et tableaux illustrent, de façon chronologique la conquête du Pérou et la rencontre du conquistador Francisco Pizarro et de l'inca Atahualpa, au pouvoir à l'arrivée des Espagnols. Ils narrent la capture, la captivité et la mise à mort du second, puis la mort du premier, victime de luttes entre conquérants espagnols. Chaque œuvre exposée fait l'objet d'un cartel qui le remet dans son contexte et raconte un bout d'histoire.
Ainsi, des armes, hallebardes, armures et rondaches (boucliers) du côté des Espagnols, lourdes têtes de massue en forme d'étoiles ou fronde du côté des indigènes évoquent la violence des affrontements qui vont avoir lieu. Dès l'entrée de l'exposition, un morion (casque) à haute crête, associé aux conquistadores dans notre imaginaire visuel alors qu'il est apparu au milieu du XVIe siècle, nous rappelle que l'histoire de la conquête a été constamment reconstruite et continue à se faire.
Reportage : P.Sorgues, C.Behr, G. Fontenit
Pays de l'Inca, un empire récent
Francisco Pizarro est né hors mariage d'une paysanne et d'un militaire de la petite noblesse, en Estrémadure vers 1475. Il se lance à la conquête du Pérou le 20 janvier 1531, après deux premières expéditions à partir de Panama. Elles sont pénibles pour ses hommes mais quand il a rencontré une barque remplie d'or et d'argent, il s'est fait une idée des richesses qui l'attendaient dans ce pays.Alors qu'ils avancent, les Espagnols reçoivent des envoyés d'Atahualpa qui leur offrent nourriture, lamas, textiles, objets en or et argent, femmes et serviteurs. Figurines et statuettes en métal précieux, étoffes somptueuses ou collier en verroterie illustrent ces premiers échanges. Les cadeaux visent à soumettre Pizarro à l'autorité de l'inca, bien informé de sa progression.
Contrairement à ce qu'on aurait tendance à imaginer, l'empire inca n'est pas millénaire, il existe depuis un siècle à peine au moment de la conquête. Il couvre un territoire de 4000 km de long peuplé de 10 millions de sujets soumis à une autorité implacable. Très organisé, l'empire a construit un réseau de routes pavées et de ponts parsemé d'entrepôts et parcouru par des coureurs qui permettent de transmettre rapidement des messages. Des jarres en céramique venant de plusieurs régions montrent comment, malgré des techniques locales, un modèle s'impose dans tout l'empire.
A Cajamarca, une rencontre historique
Quand les Espagnols arrivent, Atahualpa, né vers 1500 à Cuzco, est en train de venir à bout de son demi-frère Huascar qui lui dispute son trône.La rencontre historique avec Francisco Pizarro a lieu le 16 novembre 1532, à Cajamarca, entre Quito et Cuzco, où Atahualpa s'est installé. Si les conquistadores arrivent jusqu'à lui, c'est qu'il le veut bien. A la tête d'une armée de 100.000 hommes, il ne craint pas cette poignée d'étrangers.
Des deux côtés, c'est le choc, même si les témoignages viennent essentiellement du côté espagnol. La rencontre résume bien l'incompréhension entre deux cultures : agacé par un prêtre dominicain qui lui demande sa soumission au roi d'Espagne et à la religion catholique, l'inca aurait jeté une Bible à terre, déclenchant par cet acte sacrilège l'assaut des Espagnols.
La version indigène est toute autre : les Espagnols auraient refusé la boisson qu'Atahualpa leur proposait, provoquant la fureur de celui-ci qui aurait menacé ses hôtes.
Une rançon en or et en argent
Suit la capture d'Atahualpa, un évènement qui a marqué la mémoire péruvienne, comme en témoigne un tableau du peintre Juan Lepiani (1864-1932) où Atahualpa dans une chaise à porteurs flotte au-dessus d'un chaos d'indigènes et d'Espagnols sur leurs chevaux. Si les étrangers sont impressionnés par le cortège impérial et la musique des tambours et flûtes qui l'accompagnent ("quelque chose d'épouvantable, d'infernal", rapporte un témoin), les indigènes seraient restés tétanisés devant les montures des conquistadores et leurs armures, ce qui contribuerait à expliquer la débâcle inattendue.Instruments de musique, gobelets en argent, bréviaires d'époque, racontent cet épisode. Des tableaux peints bien plus tard offrent une vision romantique de la captivité d'Atahualpa, dont la convivialité avec ses geôliers est rapportée dans des récits.
L'inca va offrir, pour être libéré, une fabuleuse rançon en or et en argent, qu'il met des mois à rassembler. Une esquisse pour une peinture murale de Camilo Blas de 1955 nous le montre, les bras levé pour indiquer qu'il est prêt à remplir la pièce où il est détenu de métaux précieux jusqu'à cette hauteur. Mais la rançon ne suffit pas et Atahualpa est garrotté, sous prétexte de trahison.
Une domination remplace l'autre
Cuzco, la fabuleuse cité des incas est prise en août 1533 et dépouillée de son or.Rebellions ou ralliements d'indigènes, intronisation d'incas fantoches et résistance des incas de Vilcabamba (le dernier Inca, Túpac Amaru, est tué en 1572) et aussi rivalités entre conquistadores secouent les débuts de la domination espagnole. Certains indigènes accueillent avec bienveillance les Espagnols qui leur permettent de se défaire du joug de l'Inca. Mais ils se rendent vite compte qu'une domination a remplacé l'autre.
Francisco Pizarro est finalement assassiné par son rival Diego de Almagro le 25 juin 1541.
Pour ajouter du mystère à la légende, les corps des deux personnages ont disparu. Celui d'Atahualpa aurait été enterré dans l'église de Cajamarca, puis exhumé en cachette par sa famille et transporté en Equateur mais rien ne l'atteste. En ce qui concerne Pizarro, des ossements ont été retrouvés en 1977 qui semblent être les siens.
L'Inca et le conquistador, Musée du Quai Branly, 37 quai Branly, 75007 Paris
Mardi, mercredi et dimanche, 11h-19h
Jeudi, vendredi et samedi, 11h-21h
Fermé le lundi
Tarifs : 9€ / 7€
Du 23 juin au 20 septembre 2015
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