"L'Atelier Rouge" de Matisse, œuvre fondamentale de l'art moderne exposée à la Fondation Vuitton

À Paris, la Fondation Vuitton réunit pour la première fois "L'Atelier rouge" et toutes les œuvres représentées dans le tableau, une quinzaine de toiles et de sculptures qui se trouvaient dans l'atelier d'Henri Matisse à Issy-les-Moulineaux.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Installation de l'exposition "Matisse, l'Atelier rouge", présentée à la Fondation Vuitton de Paris du 4 mai au 9 septembre 2024 (DIMITAR DILKOFF / AFP)

L'Atelier rouge a inspiré d'innombrables peintres abstraits américains, ce qu'Henri Matisse ne savait pas lorsqu'il a peint cette œuvre en 1911, est exposée à la Fondation Vuitton à Paris, où elle pourrait livrer quelques-uns de ses secrets. L'exposition réunit pour la première fois toutes les œuvres présentes dans ce tableau. Certaines sont célèbres, comme Le Jeune Marin II (1906), exposé en France pour la première fois depuis 31 ans. D'autres le sont moins, comme La Corse, le vieux moulin (1898). À voir du 4 mai au 9 septembre 2024.

L'assiette peinte par Matisse en 1907 figurant à l'avant-plan de L'Atelier rouge provient, elle, de la collection du MoMA comme le tableau lui-même, acquis par le musée new-yorkais en 1949 et qui fait partie de ses œuvres les plus prestigieuses, selon Ann Temkin, sa conservatrice en chef. Des documents d'archives inédits et d'autres œuvres éclairent le contexte de création de ce "tableau énigme", selon l'expression de la commissaire générale Suzanne Pagé, telles que La Fenêtre bleue (1913) exposée au MoMA et Grand Intérieur rouge (1948) qui provient du Musée d'art moderne du Centre Pompidou.

Un tableau en forme de manifeste

L'exposition s'ouvre par une phrase de Matisse expliquant à son mécène russe, Sergueï Chtchoukine, qu'il a fait "quelque chose de nouveau". "Chtchoukine lui a passé commande, a acheté d'innombrables tableaux, dont "La Danse et "L'Atelier rose", mais, cette fois, il refuse, raconte Suzanne Pagé. Dans sa première phase, les murs de l'atelier étaient bleus avec des rayures vertes, le sol rose et le mobilier ocre, représentant un intérieur avec une perspective traditionnelle. Matisse l'a laissé reposer pendant un mois et il va le recouvrir entièrement de rouge vénitien très rapidement avec une technique très fébrile", développe-t-elle.

Matisse "ne l'explique pas très bien lui-même. Il a eu une révélation". Le tableau fera "fonction de manifeste pour tous les artistes américains expressionnistes et la génération suivante, du type Mark Rothko puis Ellsworth Kelly. La représentation y est abolie au profit de l'abstraction", ajoute Mme Pagé. À l’époque, souligne-t-elle, "tout le monde a pensé que Matisse tombait dans une espèce d'errance".

Montré à Londres, il y reçoit un accueil très froid, comme à New York, Boston et Chicago plus tard, au prestigieux Armory Show. Il finira dans un club privé londonien avant d'être revendu à un galeriste new-yorkais en 1940, puis d'entrer au MoMA en 1949.

Source d'inspiration pour Rothko

"L'histoire de l'art n'aurait pas été la même sans lui. C'est l'un des tableaux les plus osés de Matisse, qu'il a fait à l'aube de ses 40 ans, et c'est un moment d'expérimentation dans son travail qui a le plus influencé l'histoire de l'art du reste du XXe siècle", assure Ann Temkin, conservatrice en chef du MoMA. "Lorsqu'il est arrivé au MoMA en 1949, c'était au moment où les artistes commençaient à utiliser de très grands formats avec des tableaux plein de couleurs. On raconte que la femme de Rothko se plaignait de le voir aller tout le temps admirer "L'Atelier rouge", ce à quoi il aurait répondu que, sans lui, elle n'aurait pas la maison dans laquelle elle vivait, façon de dire qu'il n'aurait pas eu lui-même la carrière qu'il a eue", confie-t-elle.

Parallèlement à Matisse, la fondation présente une exposition consacrée justement à un artiste américain de l'abstraction, Ellsworth Kelly (1923-2015), la plus grande de cette ampleur organisée à Paris où il vécut plusieurs années, intitulée Formes et Couleurs, en collaboration avec le Glenstone Museum (Potomac, Maryland). Connu pour ses œuvres monochromes, à mi-chemin entre peinture et sculpture, Ellsworth Kelly a aussi conçu pour la Fondation Vuitton le décor de son auditorium, juste avant de mourir.

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