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Le cubisme au Centre Pompidou : six clés pour comprendre le mouvement

Le Centre Pompidou consacre au cubisme une grande exposition, la première à Paris depuis 1953. Traversée par les travaux des cubistes "essentiels", Picasso et Braque, elle présente aussi de nombreux autres artistes qui ont popularisé le cubisme ou qui s'en sont rapprochés. 10 ans de création exceptionnelle, entre 1907 et 1917. Voici quelques points à retenir de l'exposition (jusqu'au 25 février).
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
A gauche, Georges Braque, "Grand nu", hiver 1907-juin 1908, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris - A droite, Pablo Picasso, "Maisons sur la colline, Horta de Ebro", été 1909, Nationalgalerie, Museum Berggruen (SMB),
	Berlin
 (A gauche © Centre Pompidou, MNAM-CCI/G.Meguerditchian/ Dist. RMN-GP © ADAGP, Paris 2018 - A droite, © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / J.Ziehe © Succession Picasso 2018)
Pablo Picasso, "Portrait de Gertrude Stein", 1905-1906, The Metropolitant Museum of Art, New York, et "Autoportrait", 1907, Nàrodni Galerie, Prague
 (A gauche © The Metropolitan Museum of Art, Dist RMN-Grand Palais / image of the MMA © Succession Picasso 2018 - A droite © The National Gallery, Prague, 2018 © Succession Picasso 2018)
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Picasso et Braque, les pionniers

C'est un peu le feuilleton Picasso, à Paris cette année : à la fin de la magnifique exposition du Musée d'Orsay sur ses jeunes années, on le laisse en 1906, juste avant le cubisme : il simplifie les formes, peint des nus sculpturaux qui vont déboucher sur "Les Demoiselles d'Avignon". C'est là que reprend l'aventure, au Centre Pompidou.
 
C'est en 1907-1908 que Braque et Picasso créent ce qu'on va appeler le cubisme. Le terme est lancé fin 1908, quand Braque a sa première exposition personnelle à la galerie Kahnweiler : face à ses paysages aux volumes simplifiés, sans perspective, Matisse va parler de "petits cubes". Peu élogieux, le critique Louis Vauxcelles écrit qu'il réduit tout à des "cubes". Les deux artistes vont petit à petit briser la perspective traditionnelle, géométriser les formes, les découper en "plans-facettes".
 
L'échange est intense et permanent entre les deux artistes, qui travailleront par moments côte-à-côte comme à Céret en 1911. Leurs œuvres sont parfois si proches qu'on ne peut les distinguer, d'autant qu'il leur arrive de ne pas les signer.
 
"Braque et Picasso ont été les véritables initiateurs du cubisme, ils ont tout inventé à partir des modèles de Cézanne, de l'art primitif ou de Gauguin", indique Brigitte Leal, une des trois commissaires de l'exposition avec Ariane Coulondre et Christian Briend.
 

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Aux sources du cubisme, les arts dits "primitifs", Paul Gauguin et Paul Cézanne

Aux sources du cubisme, on trouve les arts extra-occidentaux, Paul Gauguin qui les a intégrés dans ses œuvres et Paul Cézanne qui a réintroduit une certaine construction.
 
Des sculptures africaines et océaniennes ayant appartenu aux cubistes ou à leurs marchands, et des photos de l'atelier de Picasso, témoignent de l'intérêt des deux artistes pour ces arts. Elles trouvent des échos dans les études de Picasso pour "Les Demoiselles d'Avignon", un formidable autoportrait de 1907 où il se transforme lui-même en masque africain, le puissant portrait de Gertrude Stein (1906), ou encore le sculptural "Grand nu" (1907-1908) de Braque
 
L'exposition s'ouvre sur trois tableaux de Cézanne, qui voulait "traiter la nature par le cylindre, la sphère, le cône".  "La Femme à la cafetière" et le "Portrait d'Antoine Vollard" témoignent de la géométrisation des formes qu'il a initiée et que les cubistes vont pousser plus loin. Cézanne a exposé au Salon d'automne de 1907 : Picasso, Braque et d'autres "ont pu y redécouvrir la figure essentielle du maître d'Aix qui permettait de revenir à la construction après la dissolution de la peinture impressionniste", souligne Christian Briend.
 

A gauche, Georges Braque, "Broc et violon", 1909-1910, Kunstmuseum Basel, Bâle - A droite, Pablo Picasso, "Portrait d'Ambroise Vollard", hiver 1909-printemps 1910, Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
 (A gauche © Kunstmuseum Basel, photo Martin P. Bühler © ADAGP, Paris 2018 - A droite Musée des beaux-arts Pouchkine, Moscou/Bridgeman Images © Succession Picasso 2018)
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Le cubisme, ce n'est pas une abstraction

"Ces artistes ont une vingtaine d'années et ils ont envie de trouver d'autres manières de représenter le monde, une manière moderne de faire de la peinture. A partir de ces grands modèles, de ces sources extra-européennes s'invente une nouvelle manière de faire de l'art", souligne Ariane Coulondre.
 
Mais c'est bien le monde qu'ils veulent représenter. Les cubistes, du moins Picasso et Braque, n'entendent pas faire de l'art abstrait, même s'ils sont parfois à la limite de la figuration. Ils veulent inventer une autre forme de réalisme. Après avoir peint des natures mortes et des paysages très cézanniens aux volumes géométriques en 1907-1908, ils éclatent de plus en plus les formes, limitent la palette à des gris et des bruns. C'est ce qu'on va appeler le cubisme "analytique".
 
Perdu dans un fond de plans quasi abstraits, la figure du marchand Ambroise Vollard par Picasso en 1909-1910 reste toutefois reconnaissable.
 
Braque dissout un violon et d'autres objets de l'atelier ("Broc et violon", 1909-1910) mais un clou et son ombre, en trompe-l'œil en haut de la toile, nous rappellent à la réalité.
 
Ils introduisent dans leurs tableaux des signes, des lettres, des mots tronqués. Leurs œuvres deviennent d'espèces de rébus. "Ils nous invitent à être actifs face à ces œuvres", fait remarquer Brigitte Leal. Les peintures de Braque, qui était multi-instrumentiste, sont pleines de références à la musique.
 

A gauche, Pablo Picasso, "Guitare", Paris, janvier-février 1914, The Museum of Modern Art, New York - A droite, Georges Braque, "La Guitare statue d'épouvante", novembre 1913, Papiers collés, fusain et gouache sur papier, Musée nationale Picasso, Paris
 (A gauche © 2018. Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence © Succession Picasso 2018 - A droite © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Droits réservés © ADAGP, Paris 2018)
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Invention et liberté

Le cubisme, ce n'est pas seulement la géométrisation et les plans facettes. Braque et Picasso ont joué à un véritable ping-pong inventif. En 1912. Picasso invente le collage, intégrant dans un tableau une corde, un bout de toile cirée ("Nature morte à la chaise cannée"). Braque invente le papier collé, avec entre autres des morceaux de papier peint imitant du bois. Picasso répond avec des collages de partitions et de papiers. Il crée aussi une extraordinaire guitare en volume avec de la tôle.
 
En 1914 Picasso réalise ses "Verres d'absinthe" (trois des six sont dans l'exposition) en y collant une vraie cuillère. Si la récupération de matériaux peut nous sembler une évidence aujourd'hui, à l'époque elle est inédite. "On voit à quel point le cubisme offre une leçon de liberté, la liberté de créer avec tout ce qui leur passe sous la main. Tout l'art moderne, jusqu'à l'art contemporain, est marqué par cette liberté", remarque Ariane Coulondre. 
 

Juan Gris, "Poires et raisins sur une table", automne 2013, The Leonard A. Lauder Cubist Collection
 (The Metropolitan Museum of Art, New York)
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Le cubisme au-delà de Braque et Picasso

Le travail de Braque et Picasso, soutenus par leur marchand Daniel-Henry Kahnweiler, est resté relativement confidentiel au début. Ils ne participent pas aux salons parisiens et sont peu visibles pour le grand public. Juan Gris, ami des deux précédents et autre poulain de Kahnweiler, sera une des autres grandes figures du cubisme avec Fernand Léger.
 
Parallèlement se développe un véritablement mouvement. A partir de 1910, Jean Metzinger, Albert Gleizes, Robert Delaunay, Fernand Léger et d'autres se réunissent dans l'atelier d'Henri Le Fauconnier. Ce sont ces artistes qui exposent leurs œuvres au Salon des indépendants de 1911. Ils sont réunis dans la salle 41 de la manifestation et constituent le "cubisme des salons".
 
Ces artistes sont très divers, mais leurs œuvres aux formats souvent monumentaux intègrent tous des éléments du cubisme, et ce sont eux qui vont le révéler au grand public.

Henri Laurens, "Tête", 1918-1919, pierre polychromée, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
 (Centre Pompidou, MNAM-CCI/Adam Rzepka/ Dist. RMN-GP © ADAGP, Paris 2018)

 

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Le cubisme c'est aussi la sculpture

Les recherches cubistes s'appliquent aussi à la sculpture, ce qui peut sembler logique compte tenu de l'importance des formes simples des sculptures africaines et océaniennes dans la naissance du cubisme. Mais ça va plus loin quand Picasso décompose la tête de sa compagne Fernande Olivier en de multiples facettes ("Tête de femme", 1909). Et quand il assemble des objets, des bouts de bois ou de carton, des morceaux de tôle, pour créer des sculptures qui sont comme les pendants en volume des papiers collés.
 
Toute une série de sculpteurs, mêmes s'ils ne se revendiquent pas forcément du cubisme, s'en rapprochent, à commencer par Derain. Il est un des premiers à avoir découvert les arts non-occidentaux, il a sculpté directement dans la pierre des figures simples, s'éloignant de la façon de faire de Rodin. Modigliani, quand il sculpte, puise aussi à ces sources. Brancusi crée des formes épurées, Henri Laurens taille de puissantes "Têtes" aux volumes géométriques imposants, couverts de triangles de couleur, ou crée de petits "Clowns" en morceaux de bois et de fer assemblés et peints.

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