Le MAC de Lyon retire la vidéo polémique des poulets brûlés d'Adel Abdessemed
Face aux insultes racistes et fascistes l'artiste Adel Abdessemed a décidé que ça ne servait à rien de résister coûte que coûte devant une déferlante qu'on ne pouvait pas maîtriser
Thierry Raspail
Directeur du Musée d'Art Contemporain
Reportage : E. Phily / C. Cherry Pellat / G. Bessaa
Une trainée de poudre pour un trucage
En quelques heures, l'affaire des poulets brûlés par de fausses flammes à fait le tour des réseaux sociaux, ignorant les précisions du Musée d'art contemporain de Lyon quant à la réalisation de l'œuvre. "Les tweets venaient de partout. J’ai passé des heures au téléphone pour répondre aux associations de défense des animaux" explique encore Thierry Raspail dans un entretien à Libération.La vidéo a été réalisée au Maroc avec une équipe de techniciens créateurs d’effets spéciaux pour le cinéma, qui utilisent couramment ce produit pour créer des effets de flammes et d’incendie qui sont sans danger.
Note de l'artiste Adel Abdessemed à propos de l'oeuvre "Printemps"Le Musée d'Art Contemporain de Lyon (MAC) a publié dès mercredi un communiqué très clair à l'attention des contestataires.
Ce mercredi 14 mars, Adel Abdessemed et le musée ont pris la décision de retirer l'œuvre vidéo 'Printemps' https://t.co/JrxyUqSTYB pic.twitter.com/7RkUdAjho4
— MAC Lyon (@macLyon) 14 mars 2018Dénoncer l'horreur en la montrant
L'artiste franco-algérien Adel Abdessemed de 47 ans vit et travaille en France depuis qu'il a fui son pays d'origine en 1996. Le contexte très troublé de l'époque et l'assassinat du directeur de l'école des Beaux-Arts d'Alger où il était étudiant ont précipité sa décision. C'est à Lyon qu'il trouve refuge et poursuit ses études d'art. Il est encore jeune, mais son discours artistique est à jamais marqué du sceau des violences qu'il a connu. Sa démarche cathartique est souvent teintée d'une volonté profondément intime et politique de dénoncer les injustices du monde actuel.
Je regrette que cette oeuvre soit retirée car elle faisait passer des messages très forts sur l'histoire de l'artiste et la violence qui peut être celle des hommes et présente sur différents outils de communication
Loïc Graber
Adjoint au maire LREM délégué à la cultureEn 2008, "Don’t trust me" représentant des animaux abattus à coup de masse avait déja fait polémique. Des musées avaient refusé de l’exposer aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.
De la liberté artistique
Adel Abdessemed est un artiste couramment exposé dans les Biennales d'art contemporain. Parmi ses oeuvres réputées on se souvient du "Coup de tête de Zidane à Materazzi" (censurée à Doha), d’une sculpture de deux mètres représentant Angela Merkel jeune pratiquant le naturisme ("Is Beautiful" exposée au MAC), des Christ sculptés en fils barbelés (Décor) ou de la jeune vietnamienne Kim Phuc immortalisée en ivoire (Cri), des messages coup de poing qui sont aussi des signaux d'alarme. "On a beaucoup gagné avec la laïcité et la démocratie, mais on peut considérer que ce qu’on a gagné est menacé aujourd’hui", disait-il dans une interview au Petit Bulletin. Du côté des spécialistes de l'art, on déplore cette censure artistique. "Une institution n'a pas à effacer sa proposition, ce qu'elle cesse de protéger à ce moment-là c'est le geste artistique", précise Eric Dayre, Directeur du centre d'études et de recherches comparées sur la création.
Le MAC de Lyon présente jusqu'au 8 juillet 2018 une quarantaine d’œuvres dans l'exposition "L’Antidote"
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.