Le photographe Martin Parr questionne l'identité britannique en plein Brexit dans une vaste rétrospective à Londres
Au moment où la Grande-Bretagne s'apprête à quitter l'Union européenne, la prestigieuse National Portrait Gallery de Londres consacre jusqu'au 27 mai une vaste rétrospective au photographe anglais Martin Parr. Outre une sélection de ses meilleurs clichés, l'exposition baptisée "Only Human" présente ses récents portraits de Britanniques réalisés depuis le vote en faveur du Brexit en 2016.
Les gens sont depuis toujours le principal sujet de Martin Parr. Le photographe anglais a fait plusieurs fois le tour du monde mais ses modèles privilégiés restent ses compatriotes.
"Je photographie le Royaume-Uni tout le temps, mais lorsque le référendum est arrivé, je me suis dit que je devais aller dans des régions dont je savais qu'elles votaient massivement pour le Brexit (West Midlands, Cornouailles et Lincolnshire) et voir ce qui se passait là-bas", avait expliqué Martin Parr à la presse lors de la présentation de l'exposition.
L'identité britannique en temps de Brexit
Son dernier projet en date parle donc "de l'identité britannique et de ce que nous sommes en cette période de potentiel changement".
Dans le camp du "Leave", on croise des Britanniques affichant résolument leur patriotisme avec des tenues tapageuses aux couleurs du drapeau anglais.
Mais aussi des gens ordinaires et des travailleurs, y compris d'industries comme celle du poisson fumé de Grimsby protégé par l'Europe et qui ne le sera plus après le Brexit.
Une des photos sur le Brexit, qui occupe tout un pan de mur à la National Portrait Gallery, donne à réfléchir. Elle montre un groupe de personnes vues de dos, regardant le large depuis une plage de Cornouailles. Un drapeau rouge, qui signale une mauvaise mer ou un danger, flotte sur la gauche du cadre. Ce cliché représente pour Martin Parr la métaphore parfaite du Brexit et de son corollaire, la peur de l'immigration.
Establishment britannique, danseurs ordinaires et plages du monde
Mais la majorité de la rétrospective ne concerne pas le Brexit. Elle montre des dizaines de portraits extraits des travaux antérieurs du photographe âgé de 66 ans connu pour son regard documentaire sur ses semblables, à la fois tendre et cruel.
On y trouve certaines de ses photos les plus politiques, celles consacrées à l'"establishment" britannique et à ses curieux rituels, notamment au King's College de Cambridge. "Les élites dirigent toujours ce pays", remarque Martin Parr qui souligne dans un entretien en vidéo à l'exposition que "la notion de classe est plus forte en G-B qu'ailleurs".
La série sur les danseurs ordinaires, jeunes ou vieux, musclés ou décatis, lâchés sans inhibitions, est un autre temps fort. Particulièrement impressionnantes également sont les photos de plages prises sur tous les continents. Avec une densité parfois sidérante de population au coude à coude et serviettes contre serviettes, et leurs milliers de taches de couleurs vives, elles impriment durablement la rétine et l'imaginaire.
Célébrités et autoportraits
"Les gens ordinaires sont plus faciles à photographier que les célébrités", habituées des objectifs, dit Martin Parr. Du coup, il n'hésite pas à les placer dans des lieux incongrus : on y voit ainsi Vivienne Westwood poser dans des toilettes ou les membres du groupe Madness serrés dans une laverie automatique.
Et puis il y a les très réjouissants autoportraits dont Martin Parr s'est fait une spécialité depuis longtemps. Mais ce n'est pas lui qui photographie. Ces quarante dernières années, il a posé partout où cela était possible, qu'il s'agisse de photomatons au supermarché ou de photos souvenirs dans des décors improbables où l'on peut glisser sa tête.
En culturiste ou en cheikh arabe, au milieu des dents de la mer ou dans un verre, devant le Christ ou en judoka à côté de Vladimir Poutine, ces clichés en disent long sur notre humanité et sur l'esthétique des pays visités.
Exposition "Only Human" de Martin Parr à voir jusqu'au 27 mai à la National Portrait Gallery de Londres.
A noter que cet été aux Rencontres de la Photo d'Arles, seront présentés les 50 livres chefs-d'oeuvre de la bibliothèque de Martin Parr (grand collectionneur de livres de photos), que viennent d'acquérir la Tate Gallery de Londres et la fondation Luma à Arles.
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