Les héros de "Silex and the City" s'invitent au Musée de l'homme dans une petite exposition réjouissante

Cette exposition accompagne la parution du dixième album de la série et la sortie du film au cinéma.
Article rédigé par Valérie Gaget
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4 min
"Silex and the City, l'expo" au Musée de l'homme, à Paris. (VALERIE GAGET/ FRANCEINFO CULTURE)

Au premier jour de l'exposition, lorsque nous arrivons au Musée de l'homme, le dessinateur Jul est pratiquement à plat ventre sur le sol et croque deux personnages au pied d'un mur, un hérisson et une grenouille. Le premier dit : "Un peu bavard, cette expo". Le batracien lui répond : "Et encore, qu'est-ce que ça sera quand ils auront inventé l'écriture !" Dans Silex and the City, l'expo, qui se tient jusqu'au 29 décembre 2024 dans la salle Germaine Tillion, tout l'esprit de la BD est là, dans cette confrontation permanente entre deux mondes : celui de la préhistoire et le nôtre.

Cette petite exposition de 200 m2 a été montée en six mois, un délai extrêmement court. Aurélie Clemente-Ruiz, directrice du Musée de l'homme, et Marie Mourey, les deux commissaires, expliquent que "le projet était de coller à deux actualités fortes : la sortie de La Clé, dixième album des aventures de la famille Dotcom, et celle du film Silex and the City au cinéma, le 11 septembre." Leur objectif était de s'amuser avec cette exposition "en gardant le ton de Jul et en créant un dialogue entre l'auteur et un paléoanthropologue de la maison : Antoine Balzeau."

Jul dessine sur un mur du Musée de l'homme, à Paris. (VALERIE GAGET / FRANCEINFO CULTURE)

Coproduite par son éditeur, Dargaud, l'exposition a été conçue et réalisée avec Jul. Le dessinateur est normalien et agrégé d'histoire. Il aime "le rire sérieux" pour "se divertir et apprendre en même temps". Il cite ses "totems : Goscinny [le créateur d'Astérix avec Uderzo] et toute la BD franco-belge". Il évoque aussi Gébé, l'un des fondateurs du journal "bête et méchant" Hara-Kiri.

Révélé en 2005 avec son premier album, Il faut tuer José Bové, Julien Berjeaut, alias Jul, a aujourd'hui 50 ans. Il a créé Silex and the City en 2007, une satire acide de notre quotidien d'humains modernes. La série connaîtra un grand succès et sera adaptée en dessin animé avec 180 épisodes sur Arte… Jul raconte encore avoir passé "quinze ans à Charlie Hebdo". Il est aussi depuis dix ans le scénariste des nouvelles aventures de Lucky Luke.

Documents de travail de Jul, 2012. (MNHN / J-C DOMENECH)

La première partie de l'exposition révèle sa façon de travailler. Jul nous entrouvre les portes de son atelier. "J'étais historien, j'ai régressé vers le dessin", plaisante-t-il. Dans une vitrine, ses pinceaux, ses pigments et le carton pour la signature avec Dargaud du contrat du premier album de Silex and the City. Ses dessins au crayon sont détaillés et encrés avant d'être mis en couleur.

On découvre le "chemin de fer" qu'il a crayonné avec toutes les pages d'un futur album, le scénario d'une planche, ses travaux de recherche au stylo sur différents personnages... Avant d'écrire un nouvel album, il dresse aussi de longues listes de vocabulaire, sortes de boîtes à outils dans lesquelles il peut puiser en cas de panne d'inspiration. Sur la feuille où il a jeté quelques idées concernant Johnny Hallyday, le journal Salut les copains devient Salut les Babouins !

Le monde selon Jul

La seconde partie de l'exposition commence par une frise chronologique amusante qui va de l'apparition des dinosaures à la parution du premier tome de Silex and the City. Morceau choisi : "Il y a 66 millions d'années : extinction des dinosaures, ou presque ! Un de leurs descendants directs, le pigeon, pullule à Paris."

Dans une vitrine, des pièces issues des collections du musée jouxtent leurs "descendantes" modernes. Par exemple, des pointes de flèches en silex et des cartouches pour la chasse, de la pyrite de fer, un minerai utilisé à la préhistoire pour faire du feu et un briquet, des lames de silex et un scalpel.

Biface d'hier, couteau suisse d'aujourd'hui. (MNHN / J-C DOMENECH)

Il faut prendre le temps de lire, sous chaque planche de la BD, le cartel sur lequel figure d'abord le commentaire très érudit d'Antoine Balzeau, spécialiste de l'évolution des humains préhistoriques et, juste en dessous, la version plus décalée de Jul. Un dialogue plein d'informations et de malice s'écrit ainsi sur les murs de l'exposition. On apprend par exemple que les Néandertaliens pratiquaient déjà des opérations de chirurgie, que les pigeons sont des dinosaures comme nous l'avons déjà souligné et que les Homo sapiens étaient bien plus grands que nous.

Le trait rapide et simple de Jul, influencé par Pétillon, le créateur de Jack Palmer, et par les Simpson de Matt Groening, offre un regard mordant sur les travers de nos sociétés modernes. "C'est chouette de pouvoir maintenir cette petite flamme d'esprit critique dans un monde de plus en plus consternant", nous dit-il pour conclure. Seul regret : l'exposition sur les héros de Silex and the City nous a paru un peu courte. Nous serions bien restés un peu plus longtemps dans leur bulle.

"Silex and the City, l'expo" au Musée de l'homme, place du Trocadéro, Paris - Jusqu'au 29 décembre 2024 - Plein tarif : 15 euros / Tarif réduit : 12 euros - Gratuit pour les moins de 26 ans

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