Louvre : un département pour redonner sa grandeur à l'Islam
Le nouveau département des Arts de l'Islam éblouit par sa richesse, sa somptuosité et sa muséographie aérée et transparente. Mais le visiteur des nouveaux espaces consacrés aux Arts de l'Islam, cour Visconti, dans le cœur historique de l'ancien palais des rois, n'est pas seulement là pour être séduit par le raffinement des œuvres présentées. Il peut aussi décrypter les "clés" de cette civilisation souvent rejetée ou décriée.
De nombreux outils au sein du département, notamment 22 dispositifs multimédia, lui permettent de comprendre les aspects majeurs des arts et de la culture de l'Islam. Ils expliquent notamment l'apport des sciences à la connaissance de l'Islam, les innovations techniques, comme celle du verre émaillé, de la céramique lustrée ou des métaux incrustés.
Déconstruire nos préjugés et idées reçues
Un "cabinet des clés" en début et fin de parcours, permet de déconstruire nos préjugés et idées reçues et démontre comment l'art islamique fait largement appel à la figuration et pas seulement à la géométrie, explique combien la notion de religieux et de profane est parfois complexe, et comment un même objet peut être utilisé dans différents contextes.
"Des objets somptueux côtoient des objets plus simples, notamment de grands métaux incrustés d'argent au nom de souverains du monde islamique, des pièces d'ivoire, des pièces de cristal de roche, le tapis qui ne nous introduit pas seulement à un domaine religieux mais aussi des tapis à iconographie profane, de quoi bousculer quelques idées peut-être enracinées dans la tête de nos visiteurs, et qui vont faire ce constat en venant dans les salles ", souligne Sophie Makariou, la directrice du département des Arts de l'Islam.
On peut aussi écouter et découvrir les contes et les langues de cette civilisation érudite, turc, arabe, persan, et mieux comprendre le caractère sacré et la prééminence de la calligraphie arabe dans cette religion où Dieu s'est fait verbe.
Un département pour tous les publics
"L'histoire islamique", explique Sophie Makariou, "s'ouvre au VIIè siècle par une victorieuse offensive contre de vieux empires : celui des Byzantins, issu de la partition et de la christianisation de l'Empire romain, et celui des Perses sassanides". Une histoire fascinante, marquée par l'érudition, l'invention mais aussi par l'assimilation et la transformation des influences chinoises, une civilisation dont les arts, les sciences et les techniques ont enrichi le patrimoine commun de l'humanité.
En cette époque marquée par les réactions violentes des extrémistes de tous bords, la directrice du département des Arts de l'Islam, entend s'adresser à tous les publics et faire mieux connaître "ce monde islamique dans toute son ampleur géographique, de l'Espagne aux confins de la Chine, et de ses origines au tout début du VIIIè siècle, moment où on peut vraiment commencer à parler d'un art islamique, jusqu'au XIXe, avec une remarquable collection d'arts du livre de pages iraniennes."
Elle ajoute qu'en français, "le mot ISLAM a deux sens : islam - avec une minuscule – désigne la sphère religieuse et Islam - avec une majuscule – évoque la civilisation. L'Islam fait beaucoup débat aujourd'hui", précise-t-elle, *"il faut accepter ce terme, redonner sa grandeur à l'Islam. Ne pas le laisser aux djihadistes et à ceux qui le salissent est fondamental".
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"Un message d'humanisme, d'universalisme"
Sophie Makariou estime aussi que l'on "ne peut pas demander à l'art de l'Islam d'être l'avocat de tous les extrémismes, qui hélas sont aussi à l'œuvre dans le monde musulman. En revanche ça nous parle - pour reprendre l'expression du président Chirac qui a fondé ce département - de la part lumineuse d'une civilisation que l'on a longtemps négligée. Le fondamentalisme islamique, ce sera la mort de la civilisation islamique, de la grandeur de cette civilisation."
Avec ce huitième département, le musée du Louvre entend faire "comprendre que cet héritage, c'est notre héritage commun, aussi important pour nous que l'art grec, que les merveilles de l'art chinois, que la peinture italienne". "C'est un message d'humanisme, d'universalisme qu'a toujours délivré le musée du Louvre depuis sa création, que de rendre hommage à la splendeur de la création humaine, et elle s'est évidemment aussi bien sûr exprimée dans ces territoires", conclut Sophie Makariou.
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