Quatre grands musées français visés par des plaintes du syndicat Sud Culture pour du "travail illégal"

Trois musées parisiens dont Le Louvre et un musée marseillais, le Mucem, sont ciblés par ce syndicat qui dénonce les effets délétères de l'externalisation des emplois.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Vue générale de la pyramide du Louvre à Paris, le 9 août 2024 (LUDVIG THUNMAN/BILDBYRÅN/SHUTTE / SIPA)

Quatre grands musées français dont celui le plus visité au monde, Le Louvre, emploient-ils illégalement de la main d'œuvre ? C'est l'objet de plaintes déposées cette semaine par le syndicat Sud-Culture, sur fond de critiques de l'externalisation dans le monde de la culture. Ces plaintes, également évoquées par le quotidien Libération, ont été transmises par courrier mercredi 16 octobre selon une source proche du dossier à l'AFP.

Outre le musée le plus visité au monde (8,9 millions de visiteurs en 2023), deux autres plaintes déposées à Paris visent la Bourse de commerce-Pinault Collection et le Palais de la Porte Dorée, tandis qu'une plainte cible le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem) situé à Marseille.

Trois sociétés privées mises en cause

Contacté, Le Louvre a indiqué n'avoir "aucune information" concernant une telle plainte, et "ne jamais commenter" une éventuelle enquête en cours. Le Mucem a fourni une longue réponse, indiquant notamment que "le ministère de la Culture a dès le début du projet du Mucem décidé que (des) missions seraient externalisées dans le cadre de marchés publics, comme cela est le cas dans d'autres musées nationaux". Le musée a indiqué qu'une organisation interne permettait de "s'assurer que les personnels du prestataire ne soient pas subordonnés à un personnel du Mucem" et que les questions de ressources humaines "sont traitées directement par le prestataire", "sans intervention" du Mucem.

La Bourse de commerce - Pinault et le Palais de la Porte Dorée n'ont pas souhaité commenter et les trois sociétés privées mises en cause n'ont pas répondu à l'AFP. Le procédé dénoncé est à chaque fois le même : ces musées se voient reprocher d'avoir passé des appels d'offres relatifs à diverses prestations (accueil, médiation en salle, vente, vestiaire, audioguides, etc.) pour lesquelles des sociétés privées mettent à disposition des salariés.

Les conditions de travail des salariés externalisés en question

Sur le papier, ce prêt de main d'œuvre est parfaitement légal. Mais d'après les plaignants, il pose question car "les salariés prêtés se trouvent en réalité subordonnés directement aux équipes" des musées, sont "traités différemment des agents internes" avec des conditions de travail qui seraient moins bonnes. Il serait in fine "exclusivement à but lucratif".

Pour les plaignants, "l'objectif affiché" est de libérer les musées "des contraintes de la gestion des tâches logistiques. Ce mécanisme d'externalisation a souvent été mis en place par les Etablissements publics culturels pour pallier aux plafonds d'emploi fixés par les textes budgétaires et le Ministère de la Culture."

90 salariés externalisés au Louvre depuis 2019 selon le syndicat

"Les effets délétères engendrés par ces pratiques d'externalisation sur les conditions de travail des salariés ont été dénoncés à de nombreuses reprises par la presse", ajoute Sud-Culture. Dans l'exemple du Louvre, 25 salariés chargés des audioguides auraient d'abord été externalisés en 2019. "La comparaison de leur situation avec celle des agents restés embauchés par le Musée, tout comme celle des agents des autres prestataires (boutique et surveillance) les plaçait cependant dans des situations de traitement différencié", dit la plainte. Mais en 2023, toujours d'après les plaignants, c'est cette fois l'ensemble des activités d'accueil et de surveillance du musée abritant la Joconde, soit 65 postes supplémentaires, qui auraient été confiés au privé.

Dans un communiqué de mai 2023, l'équipe des agents d'accueil du Mucem affirmait par exemple que cette externalisation "dénature nos missions et vide de sens notre travail", avec une "multiplication des démissions, arrêts de travail, burn-out et accidents de travail", et appelait leur direction à "internaliser" les postes en question.

L'inspection du travail également saisie du dossier

Sud-Culture souligne de son côté que cette "externalisation est une pratique qui touche massivement les établissements culturels depuis plusieurs années : le Centre Pompidou-Metz (2010), le Louvre-Lens (2012), le Palais de Tokyo (2012), le MuCEM (2013) la Fondation Louis Vuitton (2014), etc." "L'engagement de ces actions judiciaires vise à faire en sorte que la justice se saisisse enfin de ce contournement illégal des textes et des plafonds d'emploi par les musées et leurs cocontractants" ont commenté pour l'AFP les avocats des plaignants, Me Thibault Laforcade, Juliette Bourgeois et Lucie Marius.

"C'est aussi une façon pour les salariés du milieu de la culture, qui subissent une précarisation de plus en plus dure, de dire dignement que cela doit cesser car les répercussions sur leur quotidien sont devenues intenables", d'après eux. En parallèle, les avocats ont indiqué avoir également saisi l'Inspection du travail.

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