"Man Ray et la mode" : la face cachée du photographe au musée du Luxembourg
Les photographies de mode de Man Ray, bien que fruits d’une production intense à laquelle l’artiste consacra une partie de sa carrière, demeurent relativement méconnues. Le musée du Luxembourg à Paris leur consacre une exposition "Man Ray et la mode".
L'exposition "Man Ray et la mode" au musée du Luxembourg - prévue initialement du 9 avril au 26 juillet - a été reportée du 23 septembre au 17 janvier 2021. Elle a été présentée au musée Cantini et au Château Borély - Musée des arts décoratifs, de la faïence et de la mode à Marseille en 2019.
L’oeuvre de ce protagoniste de la vie artistique parisienne de l’entre-deux guerres et du surréalisme est présentée ici sous un angle méconnu, celui de la mode. Man Ray avait fait l’objet d’une rétrospective au Grand Palais en 1998 et d’une exposition à la Pinacothèque de Paris en 2008.
L’exposition comporte quatre sections avec une introduction qui permet de situer la pratique de Man Ray photographe de mode dans le parcours de l’artiste. La section suivante "Du portrait 1920 à la photographie de mode" évoque ses premiers pas comme photographe de mode. Le parcours se poursuit avec son travail dans le contexte de l’émergence de la consommation de masse. Enfin, la visite continue avec les années 1930 et son apogée au temps des années Bazaar. En guise de conclusion, la dernière section de l’exposition évoque la façon dont cette période extrêmement féconde a pris fin. Un parcours chronologique assez classique !
Un grand photographe de mode malgré lui
Man Ray arrive à Paris en 1921 sur les conseils de Marcel Duchamp, qui l’introduit dans le milieu de l’avant-garde et dans le tout Paris des années folles. Pour des raisons alimentaires, il va s’adonner au portrait mondain et glisser peu à peu des mondanités vers la mode. Son premier contact avec ce milieu sera Paul Poiret mais bien vite la plupart des grands couturiers vont faire appel à lui : Madeleine Vionnet, Coco Chanel, Augusta Bernard, Louise Boulanger, et surtout, Elsa Schiaparelli.
Née avec le XXe siècle, la photographie de mode est alors balbutiante : au début des années 1920, elle est utilitaire et documentaire. A cette époque, les magazines de mode publient les photos de célébrités, les vêtements sont quand à eux présentés avec des croquis, les fameuses illustrations de mode. Mais rapidement, ces médias vont lui consacrer de plus en plus de place. Man Ray commence à publier ses portraits dans les chroniques mondaines de Vogue, Vanity Fair, et Vu, mais c’est Harper’s Bazaar, au cours des années 1930, qui fera de lui un photographe de mode célèbre.
Un talent inventif, une esthétique nouvelle
Ses compositions étranges, ses recadrages, ses jeux d’ombres et de lumière, ses solarisations (exposition à la lumière du négatif ou de l'épreuve au cours du développement pour séparer les zones sombres des zones claires), ses colorisations et autres expérimentations techniques vont contribuer à la création d’images oniriques et frappantes. C’est ainsi que l’artiste offre à la mode une vision nouvelle du désir et du rêve et à la photographie de mode ses lettres de noblesse.
Figure de l’avant-garde, Man Ray est ainsi impliqué dans la culture de masse qui émerge au travers de la mode et de la publicité. L’exposition met en lumière cet enrichissement permanent ainsi que les productions assujetties à une commande comme "Les Larmes", oeuvre iconique née grâce à une commande publicitaire réalisée pour une marque de mascara résistant à l'eau. Cette photo banale est transformée avec des procédés techniques expérimentaux, qui sont devenus sa marque de fabrique.
Dans l’exposition, une large sélection de photographies - tirages originaux mais également tirages contemporains - dialogue avec des modèles de haute couture Chanel des années 20, des documents cinématographiques évocateurs de la mode des années 1920 et 1930, et des magazines de mode qui accordent beaucoup d'importance au maquillage, à la beauté des ongles et des coiffures. Cependant les photographies exposées sont de petites tailles et auraient méritées de plus grand format !
De la liberté vestimentaire des années 20 aux codes beaucoup plus stricts une décennie plus tard où il fallait changer habits, coiffures et même la couleur des ongles, les pièces exposées racontent l'évolution de la société.
Des extraits audiovisuels et des négatifs originaux
De courts extraits audiovisuels donnent un autre éclairage sur la mode en montrant que la manière de filmer s’émancipe aussi. Quant aux revues de mode, elles occupent une large place, afin de souligner le rôle majeur qu’elles ont tenu dans la diffusion toujours plus large d’une esthétique nouvelle.
Lorsqu’il pratiquait la photographie de mode, Man Ray tirait parcimonieusement, se limitant aux contacts puis seulement aux images retenues pour la publication. A cette époque, les revues étaient propriétaires, non seulement des tirages mais aussi des négatifs. La dispersion et la rareté de ces images réunies dans cette exposition leur confère un caractère exceptionnel. Le recours à des tirages modernes pour en montrer certaines permet d’apprécier les différences entre des épreuves qui ont cependant toutes été réalisées à partir des négatifs originaux.
Exposition "Man Ray et la mode" jusqu'au 17 janvier 2021. Musée du Luxembourg. 19, rue Vaugirard. 75006 Paris.
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