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Munich : les tableaux de maîtres étaient conservés au milieu des ordures

Les 1.500 oeuvres d'art spoliées pendant la guerre qui ont été retrouvées dans l'appartement d'un octogénaire de Munich étaient conservées dans des conditions catastrophiques : au milieu des ordures, dans des conditions d'hygrométrie défavorables. Certaines auraient souffert, sans être trop détériorées. Par ailleurs, le silence des autorités allemandes, qui ont retrouvé ce trésor en 2011, étonne de plus en plus. Cette découverte rouvre le dossier compliqué des oeuvres spoliées, très difficiles à localiser dans les collections privées.
Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Marc Müller Maxppp)

Le silence qui pèse autour de la découverte d'un impressionnant "trésor nazi" dans l'appartement d'un octogénaire est pour le moins étonnant. Il est si épais que les témoins de cette découverte préfèrent s'exprimer sous couvert d'anonymat, comme cette personne qui a pu voir les oeuvres. Leurs conditions de conservation constituent un cauchemar pour tout responsable de musée.

Conserves périmées depuis 30 ans

Le propriétaire, fils d'un collectionneur d'art proche des nazis pendant la guerre, est sans doute ce que les spécialistes appellent un syllogomane. C'est à dire une personne qui ne peut s'empêcher d'accumuler des objets de toutes natures. Ainsi a-t-on trouvé 50 sacs d'un grand magasin de Munich et des ordures diverses jonchaient l'appartement, sans toutefois monter jusqu'au plafond, comme l'écrivait l'hebdomadaire Focus. Ce joyeux désordre cohabitait avec des boites de conserves parfois périmées depuis 30 ans.

Les conditions climatiques du stockage étaient aussi on ne peut plus inappropriées. Les oeuvres ont besoin d'un minimum d'humidité. Or, si la chaleur n'était pas trop élevé, l'air était trop sec. Elles ne seraient toutefois pas trop dégradées.

Tous les stores de l'appartement étaient baissés, raconte un témoin de la découverte, sauf celui de la cuisine. L'appartement se compose d'un salon, d'une cuisine, d'une chambre et d'une troisième pièce. C'est là que se trouvaient la plupart des tableaux, derrière un rideau, sur des étagères. Il s'agit "pour une grande partie d'oeuvres graphiques ". "Une partie des oeuvres pourrait avoir été sortie des collections du musée de Dresde " par le père du propriétaire, raconte ce témoin. Il y avait là des oeuvres "que l'on considérait depuis longtemps comme définitivement disparues ".

Cornélius Gurlitt "pincé" dans un train

Pourquoi les autorités allemandes, qui ont découvert ce trésor au printemps 2011, ont observé et observent toujours un mutisme quasi-complet ? Cornelius Gurlitt a été contrôlé en septembre 2010 par les douanes allemandes dans un train entre la Suisse et l'Allemagne. L'octogénaire n'avait, semble-t-il, pas d'existence légale et encore moins d'activité professionnelle en Allemagne. Les douaniers ont découvert sur lui la somme de 9.000 euros, selon Focus. Les enquêteurs finiront par perquisitionner l'appartement.

Certains spécialistes s'interrogent sur les silence des autorités et ses conséquences : "Il y a un manque total de transparence et nous espérons qu'ils vont, dans les prochains jours, communiquer, publier une liste et donner un calendrier pour la restitution des oeuvres ", râle Anne Webber, fondatrice et directrice de la Commission pour les oeuvres d'art pillées en Europe. La législation et les conventions internationales - l'accord de Washington de 1998 - ne concernent que les restitutions dans les collections publiques. Il est très difficile de mener une recherche et des actions dans les collections privées. Seul le hasard, bien souvent, conduit vers les trésors comme celui de M. Gurlitt.

 

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