Obama inaugure le musée de l'histoire afro-américaine : "Nous sommes l'Amérique"
Des milliers de personnes, en écrasante majorité des Noirs, ont convergé des quatre coins de l'Amérique pour assister à l'ouverture du musée national de l'histoire et de la culture afro-américaine (NMAAHC), situé sur le National Mall, cette immense coulée verte à deux pas de la Maison Blanche. Une série de concerts au ton engagé, dénonçant le racisme et les brutalités policières, a accompagné l'inauguration.
"Nous ne sommes pas un fardeau ou une tache pour l'Amérique"
"Le musée de l'histoire afro-américaine n'est pas séparé de l'histoire plus large de l'histoire américaine, ce n'est pas le côté caché de l'histoire américaine, c'est central à l'histoire américaine", a assuré le premier président noir des Etats-Unis, sous l'ovation du public et les applaudissement d'un parterre de responsables politiques. "Nous ne sommes pas un fardeau ou une tache pour l'Amérique (...) Nous somme l'Amérique", a-t-il lancé, sur l'esplanade du musée, un imposant bloc ultra-moderne et paré de bronze.Reportage P. Justice, M. Azor-Diawara, G. Leboeuf
Le candidat à la présidentielle Donald Trump, qui peine à séduire les électeurs noirs et a tenu des propos controversés sur les tensions raciales, a jugé lui aussi le musée "magnifique" et salué "la contribution incroyable" des Noirs à leur pays. Le NMAAHC, un projet centenaire enfin finalisé, rassemble des milliers d'objets racontant l'histoire des Noirs, de l'esclavage à l'accès aux droits civiques en passant par la ségrégation, ainsi que leurs contributions dans la culture, le sport et la société.
"Seul un "battement de cil" nous sépare du passé esclavagiste de l'Amérique"
"Je me sens fière" au moment d'assister à ce moment historique, "en raison des sacrifices que tant de personnes ont consentis pour que cela se produise", a confié à l'AFP Karmello Colman, une Noire d'une soixantaine d'années venue de Kansas City, dans le Missouri. Celle qui assure "être dans le déni depuis plusieurs mois" lorsqu'elle pense au mandat de Barack Obama arrivant à son terme en janvier prochain, attendait de ce dernier qu'il évoque "les questions qui nous affectent aujourd'hui, comme la division raciale, les relations entre police et communauté" noire.Seul un "battement de cil" nous sépare du passé esclavagiste de l'Amérique, a rappelé le pensionnaire de la Maison Blanche. "C'était seulement hier et donc nous ne devons pas être surpris que toutes les plaies ne soient pas refermées." "Mais ce musée nous montre que même face à l'oppression, même face à une difficulté inimaginable, l'Amérique est allée de l'avant", a-t-il insisté.
"Ce musée peut nous aider à nous parler"
En plein regain de tensions raciales, il a assuré que le musée "procure un contexte pour les débats de notre époque". "Il les éclaire, et donne une idée de comment ils ont évolué. Et peut-être en donne la proportion. Il peut, peut-être, aider un visiteur blanc à comprendre la souffrance et la colère de manifestants, dans des endroits tels que Ferguson et Charlotte", deux villes théâtres d'émeutes après la mort d'un Noir tué par la police, en 2014 et ces derniers jours à Charlotte. "Ce musée peut nous aider à nous parler. Et plus important, à nous écouter et encore plus important à nous voir", a énuméré Barack Obama après avoir multiplié les anecdotes et récits sur la vie des Noirs aux époques esclavagiste et ségrégationniste, rappelant à plusieurs reprises le chemin parcouru.Venu de New York pour l'occasion, Derek Jones, un Noir de 50 ans -- qui en paraît vingt de moins -- a reconnu que "la lutte raciale va continuer tant que l'on ne s'attaquera pas au problème à bras le corps". Mais "une occasion comme celle-là peut montrer le chemin vers la cicatrisation", a-t-il assuré à l'AFP. Pour inaugurer le musée, Barack Obama a invité les quatre générations vivantes d'une famille noire, descendante d'esclave, avec qui il a sonné la cloche de l'ouverture, main dans la main. "L'Amérique est le seul endroit au monde", s'est-il réjoui, "où cette histoire peut se produire".
Concert : Living Colour, Public Enemy et The Roots pour l'ouverture du musée
Une série de concerts au ton engagé, dénonçant le racisme et les brutalités policières aux Etats-Unis, a accompagné samedi soir à Washington l'ouverture du musée Plusieurs milliers de personnes ont assisté aux concerts gratuits et en plein air donnés par les groupes américains Living Colour, Public Enemy et The Roots devant le musée national de l'histoire et de la culture afro-américaine, dans le cadre du festival "Freedom Sounds" qui accompagne l'ouverture du projet centenaire.Les trois groupes, ont précisé les organisateurs, sont d'ailleurs représentés dans une exposition du musée dédiée à la contribution des Noirs américains dans le domaine de la musique. De fait, tous sont connus pour leur engagement contre le racisme et les discriminations subies par la communauté noire aux Etats-Unis.
"C'est un grand honneur de jouer pour le lancement de ce musée", a expliqué le chanteur des Living Colour, premiers à se produire en plein milieu du National Mall, cette grande coulée verte au coeur de Washington. Le groupe de rock new-yorkais a ensuite fustigé les violences policières, au moment où le pays connaît une nouvelle poussée de fièvre après que plusieurs Noirs ont été abattus par les forces de l'ordre ces derniers jours.
"Quand cela va-t-il s'arrêter ?"
"Quand cela va-t-il s'arrêter ? Combien de noms devra-t-on encore mémoriser? Combien de plus avant la fin de l'année?" "N'importe qui d'entre nous peut se trouver au mauvais endroit au mauvais moment", a insisté le chanteur du groupe, avant le morceau "Who shot ya?" ("Qui t'a tiré dessus?"), qui commence par ces paroles : "La violence par arme à feu prend la vie d'un jeune homme afro-américain toutes les cinq heures". Public Enemy a également salué l'ouverture du musée, qui "n'est pas un symbole, pas un trophée"."C'est le passé, le présent et le futur", a lancé Flavor Flav, le rappeur du groupe de hip-hop, demandant au public de lever le poing en l'air et de "rejeter le racisme". Le festival prend fin dimanche soir, après une nouvelle série de concerts.
Donald Trump juge "magnifique" le musée de l'histoire afro-américaine
Le candidat à la présidentielle américaine Donald Trump, qui peine à séduire les électeurs noirs et a tenu des propos controversés sur les tensions raciales à Charlotte, a jugé samedi "magnifique" le musée de l'histoire afro-américaine inauguré par le président Barack Obama et salué "la contribution incroyable" des Noirs à leur pays."Les Noirs ont apporté tellement et se sont sacrifiés tellement pour ce pays", a déclaré le candidat républicain devant plusieurs milliers de ses partisans à Roanoke en Virginie (est). "Beaucoup de Noirs réussissent tellement bien dans notre pays que je vais faire en sorte qu'on protège et qu'on soutienne leur réussite", a ajouté le candidat, qui a été accusé de racisme à l'encontre de plusieurs minorités.
Ruth Odom Bonner, 99 ans, fille d'esclave, inaugure le musée avec Barack Obama
Lorsque le président Barack Obama a présenté la famille noire descendante d'esclave qui a inauguré avec lui samedi le musée de l'histoire afro-américaine, l'émotion a envahi la grande artère au coeur de Washington. Une immense foule de milliers d'Américains s'était réunie samedi matin sur le National Mall et écoutait religieusement le premier président noir des Etats-Unis, venu couper le ruban du Musée national de l'histoire et de la culture afro-américaine.
Barack Obama s'est alors tourné sur sa gauche pour passer en revue la famille de Ruth Odom Bonner, une vieille femme de 99 ans aux cheveux blancs et au manteau rose carmin lui tombant sur les pieds. Fille d'un Noir né esclave dans le Mississippi avant d'obtenir la liberté et de vivre sous la ségrégation, elle a tiré sur le cordon pour faire sonner la cloche de l'ouverture, avec l'aide de son fils, son petit-fils, son arrière petite-fille ainsi que Barack et Michelle Obama.
De nombreux Noirs venus des quatre coins des Etats-Unis
"C'était symbolique de l'esclavage et de la servitude que notre peuple a enduré de si longues années", confie Heather Lawson, la trentaine, tandis qu'une larme perle sur sa joue, faisant couler son eye-liner bleu. "Cela signifie beaucoup pour moi." Pour la jeune femme, vêtue d'une robe aux imprimés africains, il était "important d'être là aujourd'hui", pour "prendre part à l'histoire". "Nous venons de loin et nous avons encore beaucoup de chemin à faire", confie-t-elle à l'AFP, expliquant que les tensions raciales ne vont pas disparaître du jour au lendemain. "Le fait que nous étions à une époque pieds nus, enchaînés, réduits en esclavage et vendus, et que maintenant nous sommes là, cela montre que nous pouvons y arriver. Nous pouvons réaliser les changements qui s'imposent".
Comme elle, de nombreux Noirs venus des quatre coins des Etats-Unis samedi oscillaient entre fierté et sentiment que le combat pour l'égalité est loin d'être terminé, en arrivant devant l'imposant édifice couvert de bronze, à deux pas de la Maison Blanche et posé sur l'artère menant au Capitole. Surtout, l'émotion suscitée par Ruth Odom Bonner chez de nombreuses personnes samedi reflète la sensibilité de la question raciale pour les Noirs aux Etats-Unis. "Je suis honorée et pensive", a résumé Jeanette Providence, professeure de collège venue spécialement de Sacramento (Californie), sur l'autre côte américaine. "Dans nos livres d'histoire, notre contribution n'est pas reconnue", a déploré cette sexagénaire. "Donc je suis venue rendre hommage à ceux de nos ancêtres qui ont rendu cela possible." Quant aux brutalités policières qui secouent de nouveau l'Amérique, "elles rappellent la période où l'on lynchait" les Noirs, avance-t-elle.
Même son de cloche chez Karmello Colman, venue elle de Kansas City, dans le Missouri, qui se dit à la fois "fière" et "humble". Fière de l'édifice qui rassemble les "accomplissements" des Noirs, et attentive aux "importantes questions" qui restent à régler : tensions raciales, relations de la jeunesse noire avec la police, inégalités... Tout ceci est évoqué dans les expositions du musée, qui raconte l'histoire afro-américaine, de l'esclavage à Barack Obama. Tout le monde ne pouvait y accéder samedi, pour éviter une trop grande affluence. Heather Lawson, elle, a déjà son billet pour mardi. "Je sais déjà que je vais pleurer dedans", sourit-elle. "Et pas qu'une fois!"
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