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Oeuvres d'art : comment les assureurs déterminent leur valeur

Déterminer la valeur d'une œuvre d'art n'est pas une science exacte mais les assureurs doivent la fixer lorsqu'ils établissent les contrats en vue d'éventuels dommages et remboursement.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4 min
La Joconde dans la Salle des Etats au Louvre, le 8 janvier 2021. (MARTIN BUREAU / AFP)

Quelle est la valeur de La Joconde ? Difficile de fixer un chiffre sur un chef d'œuvre dont la valeur parait "inestimable" par son importance historique et artistique, d'autant plus s'il est conservé dans un musée. C'est pourtant une question à laquelle doivent répondre les assureurs. Mais comment s'y prennent-ils ?

Chez les collectionneurs, le marché donne le ton

"La valeur d'une œuvre est déterminée par sa valeur de marché", explique à l'AFP Daphné de Marolles, responsable de la branche art de l'assureur Axa XL en France. "Sur le marché de l'art, il y a des missions d'expertise, il y a les maisons de vente qui vont donner une valeur à l'œuvre", en fonction de plusieurs paramètres, notamment "la cote de l'artiste".

Les assureurs pourront alors s'appuyer sur le prix de vente, en "demandant des bordereaux d'adjudication ou d'autres preuves". Cependant, "les œuvres d'art qui sont dans les musées sont rarement passées sous le marteau d'une maison de vente, donc nous n'avons pas de valeur de marché", explique Daphné de Marolles. Il faut alors trouver une autre solution.

Dans les musées, il faut faire confiance aux conservateurs 

Pour les œuvres conservées dans les musées, "c'est l'institution qui fixe la valeur", indique à l'AFP Irène Barnouin, responsable au sein de la branche art France de l'assureur WTW, car "ce sont les conservateurs et les entités qui y travaillent qui ont la meilleure connaissance de la valeur de leurs œuvres, ce sont eux les experts". Et "lorsque l'évaluation émane des institutions muséales, l'assureur ne la met pas en doute", affirme Irène Barnouin. Sachant qu'on assure "tous les jours des centaines d'œuvres lors de leurs déplacements", "on ne pourrait pas faire intervenir à chaque fois un expert", explique-t-elle, "Donc on se fie au professionnalisme de l'institution".

Dans le cas d'un prêt pour une exposition temporaire, le musée qui reçoit cette exposition et le prêteur (institution ou particulier) "se mettent d'accord sur une valeur de l'œuvre, qui est spécifiée dans la convention de prêt", précise Daphné de Marolles. Dans tous les cas, la valeur "agréée" est alors inscrite dans le contrat d'assurance et va déterminer "la valeur en cas d'indemnisation nécessaire". 

Une science inexacte  

Malgré tout, déterminer la valeur d'une œuvre ne relève pas d'une science exacte. "Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a des approches de valorisation qui sont différentes en fonction des pays", révèle Irène Barnouin. "Les Américains par exemple valorisent en général leurs œuvres d'art un peu plus que les Européens, pour un certain nombre d'artistes", explique l'experte.

Et pour quelques œuvres vraiment emblématiques, chiffrer leur valeur réelle et dédommager ses propriétaires en cas de disparition pure et simple est quasiment impossible. "Si je devais prendre un exemple, je dirais La Joconde. Ce serait extrêmement difficile d'estimer la valeur réelle de La Joconde", concède Daphné de Marolles. L'experte en assurance explique qu'il existe "deux types de sinistre" : celui "où vous n'avez plus l'œuvre, où elle est partie en fumée, appelée perte totale" et "le sinistre où vous avez toujours l'œuvre, qu'il va falloir restaurer". Pour La Joconde et "ce genre d'œuvres" inestimables, "on accompagnera très probablement toujours" en cas de restauration, estime-t-elle.

Le cas particulier des collectivités publiques 

"Les collectivités publiques n'assurent pas leurs œuvres généralement, à l'exception des dépôts d'œuvres privées", confirme à l'AFP le ministère de la Culture. En cas de dommage dans leur lieu habituel d'exposition, c'est "l'État ou la collectivité" qui met en œuvre "les dépenses nécessaires", explique cette même source. Pour les musées publics, "assurer (dans leurs murs) les œuvres, à la valeur souvent inestimable, ne les rendrait pas moins vulnérables et ce serait une dépense extrêmement élevée sans corrélation avec le risque de déprédation", estime le ministère de la Culture. En revanche, en cas de prêt ou déplacement, pas le choix : les œuvres d'art doivent être assurées par l'institution qui les emprunte, qu'elle soit publique ou privée. 


C'est dans les "phases de manipulation", "lorsqu'on descend l'œuvre du clou, l'emballe, la met dans un moyen de transport et qu'on la sort pour la remettre au clou, que le risque est le plus élevé de l'abîmer", explique à l'AFP Daphné de Marolles, responsable en France de la branche Arts d'Axa XL. Mais l'assurance couvre aussi l'œuvre une fois installée dans son organisme d'accueil. Heureusement pour la collectionneuse qui a accidentellement brisé, samedi 18 février, lors d'une foire d'art contemporain à Miami une petite sculpture en verre de Jeff Koons, estimée à 42 000 dollars.

Cette garantie "clou à clou" fixe la valeur de l'œuvre ainsi que le montant de la prime d'assurance, qui dépend aussi d'autres paramètres (nature du transport, conditions d'exposition, etc.). Cette prime peut se chiffrer à "plusieurs millions voire centaines de millions", selon le ministère de la Culture, qui évalue à "plus d'un milliard d'euros" les "primes d'assurances cumulées des prêts des musées nationaux consentis par la France au Louvre Abou Dabi (Emirats arabes unis) pour l'exposition sur l'impressionnisme".

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