Culture : l'artiste féministe Orlan revisite l'œuvre de Picasso, pour que "les femmes qui subissent sortent de l'ombre"
Orlan expose au musée Picasso deux séries de collages pour revisiter l'œuvre de Pablo Picasso sous le prisme de son rapport aux femmes, alors que l'artiste est dénoncé par les féministes comme misogyne et violent.
Depuis le début du mouvement #MeToo, émerge une vision différente de Pablo Picasso. Le peintre, célèbre dans le monde entier, est décrit par le mouvement féministe comme violent et misogyne. Alors que le musée qui lui est consacré à Barcelone a organisé du 7 au 14 mai un séminaire sur le rapport de Picasso aux femmes, le musée Picasso de Paris a lui fait le choix d'inviter du 17 mai au 4 septembre 2022 l'artiste contemporaine féministe Orlan à une relecture de quelques œuvres du peintre.
"On ne peut pas à l'heure actuelle ne pas faire de lecture de l'œuvre de Picasso qui est immense, fantastique et époustouflante", justifie l'artiste. En l'invitant, le musée voulait participer au débat et s'interroger sur la place des femmes dans l'œuvre de Picasso. "Mais que peut-on dire à l'heure actuelle de son rapport aux femmes, particulièrement aux jeunes qui s'interrogent sur ce qui se passe après #MeToo et Balance Ton Porc ?", s'interroge-t-elle.
Détourner les œuvres avec son propre corps
Dans l'exposition "Les femmes qui pleurent sont en colère", l’artiste connue pour son engagement féministe présente deux séries de collages numériques réalisés à partir d’œuvres de Picasso représentant des figures féminines. Il s'agit de deux de ses compagnes : Jacqueline Roques et Dora Maar. Les peintures et les dessins que cette dernière a inspirés à Picasso à la fin des années 1930 sont connues sous le titre Les femmes qui pleurent. Elles font référence à la guerre d’Espagne mais, pour Orlan, elles traduisent aussi la violence de Picasso à l’égard de sa compagne.
"À travers les portraits qu'a faits Picasso de Dora Maar en train de pleurer, j'ai voulu faire des œuvres ou les femmes qui subissent sortent tout à coup de l'ombre et du subir. Elles se révoltent et s'émancipent, deviennent des sujets au lieu d'être des objets."
Orlan, artiste féministeà franceinfo
Dans les œuvres, Orlan positionne sa bouche qui semble hurler, ses yeux exorbités, sa main tenant un mouchoir... Il s'agit de collages brutaux, que l’artiste elle-même qualifie de violents. "Elle arrive à faire une sorte de détournement de l'œuvre de Picasso, à s'immiscer puisque ce sont des images de son propre corps qu'elle met dans l'œuvre de Picasso. Elle parle d'hybridation", décrit Cécile Debray, directrice du musée Picasso.
Le choix de composition est pour elle "absolument passionnant". "C'est une manière très forte et pop de relire l'oeuvre de Picasso en la dénonçant et en la glorifiant en même temps."
Les œuvres conduiront sans doute les visiteurs à porter un autre regard sur les tableaux du plus célèbre des peintres du XXe siècle. Cécile Debray estime que le musée Picasso ne pouvait pas rester silencieux à l’heure de la libération de la parole. "Je suis très à l'affut de ces débats et j'essaie de trouver les réponses adéquates de la part du musée, qui doit défendre l'œuvre de Picasso et en même temps la transmettre aux générations futures, donc la maintenir vivante." Cette volonté de participer au débat a aussi pour objectif de ne pas se couper des jeunes générations.
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