Parfums d'Orient : une exposition pour le plaisir du nez à l'Institut du monde arabe
L'Institut du monde arabe à Paris propose une exposition originale qui invite les visiteurs à se plonger dans les parfums d'Orient, un parcours visuel et olfactif qui convoque des senteurs, de la cuisine au hammam, et des œuvres d'art, ancien ou contemporain, qui s'y rapportent.
Contrairement à l'image ou au son, le parfum ne s'enregistre pas, il est fugitif, volatil. Plus que les autres sens, l'odorat et les parfums remémorent des ambiances, des souvenirs, des émotions. Il n'est pas facile de les évoquer. L'exposition est plutôt réussie, même si c'est un peu un Orient idéal qu'on va humer ici. Une odeur de pièces de peau est censée évoquer les senteurs de la ville et en particulier celles du quartier des tanneurs, mais c'est une odeur de cuir plutôt agréable qu'on perçoit là (c'est évidemment subjectif).
Le nez dans la rose et le safran
Mais ne boudons pas notre plaisir. L'Orient est une terre de parfums, en particulier l'Arabie, nous raconte-t-on. Dès l'Antiquité, on a recueilli sur les plages de la péninsule arabique l'ambre gris, sécrétion intestinale du cachalot, la myrrhe et l'encens dont les arbres poussaient sur ses côtes méridionales. Et puis l'Arabie était sur les routes commerciales entre l'Orient plus lointain et l'Occident, qui apportaient d'Asie des épices et autres matières premières, le précieux bois de oud, le camphre, le benjoin, le musc tiré d'un sécrétion du chevrotin, un animal qu'on trouve au Tibet et en Sibérie…
Dès l'entrée de l'exposition, des dispositifs olfactifs permettent de sentir ces matières premières rares, ainsi que des substances plus communes et accessibles comme la rose, le safran, le jasmin... Vous soufflez dans une jolie borne surmontée d'un cylindre de verre où s'élèvent des pétales et vous pouvez alors sentir les effluves de fleurs.
Un peu plus loin, l'artiste franco-marocain Hicham Berrada a imaginé trois vitrines plongées dans l'obscurité où pousse le dénommé "galant de nuit" (Cestrum nocturnum de son nom savant), fleur qui diffuse son parfum entêtant la nuit.
Un parfum de l'Egypte ancienne
Il est jouissif de découvrir trois parfums créés par le parfumeur Christopher Sheldrake, en sentant les ajouts successifs d'éléments. L'un des trois parfums est très simple, mêlant safran, bois de oud et rose, un autre est composé de ciste labdanum, de benjoin, de coriandre et de géranium rosat. Un troisième, Kyphi, est inspiré d'une recette de l'Egypte ancienne.
Il y a aussi les odeurs de la cuisine, qui en Orient utilise parfois les mêmes éléments que la parfumerie, rose et fleur d'oranger, safran, si ce n'est l'inverse : des épices comme la cannelle sont utilisées en cuisine comme en parfumerie. On va s'amuser à reconnaître au nez plusieurs épices et boissons parfumées.
Pour les yeux, des vitrines présentent de très beaux objets anciens, flacons de verre, encensoirs ou brûle-parfums, de l'Egypte autour de l'an 1000, de Syrie au IVe siècle ou de Mossoul (Irak) au XIIIe siècle, du Yemen ou du Maroc. Des tirages grand format de photographies de Vladimir Antaki nous plongent littéralement dans les échoppes colorées de parfumeurs à Mascate ou Salalah (Oman).
Savons d'Alep et boutons de jasmin
Une des plus belles senteurs est peut-être celle d'une tour de savons d'Alep qui trône au milieu de l'espace consacré au hammam. Peut-être parce qu'elle est sans artifice. C'est joli à la vue aussi, alors on imagine qu'il s'agit d'une œuvre d'art et pas du tout, elle a été construite par un producteur syrien installé en France, c'est comme ça qu'on empile traditionnellement les savons pour les faire sécher.
La plus entêtante, qui aura sans doute disparu au moment où vous lirez ces lignes, est celle de l'œuvre imaginée par l'artiste saoudienne Reem al Nasser. Elle a tissé un costume traditionnel de mariée entièrement en boutons de jasmin, coiffe, colliers, chaussons, maillot, robe… Les fleurs étaient toutes fraîches, blanches et odorantes à leur arrivée à Paris, quand l'exposition a été installée. Elles étaient vouées à sécher, l'artiste interrogeant la pérennité dans l'art et la sacralisation de la virginité.
Malheureusement, elle éclipsait celle d'un très beau tapis dessiné en épices utilisées dans la cuisine du Proche-Orient (zaatar, sumac, curcuma, gingembre, poivre blanc) qui pourrait alors reprendre le dessus : avec Beiti (ma maison en arabe comme en hébreu), l'artiste Laurent Mareschal évoque les carrelages des maisons palestiniennes du début du XXe siècle et suggère l'espoir d'une paix retrouvée.
Parfums d'Orient
Institut du monde arabe
1, rue des Fossés-Saint-Bernard, 75005 Paris
Tous les jours sauf lundi, du mardi au vendredi 10h-18h, samedi, dimanche et jours fériés 10h-19h, nocturnes les 4 octobre, 1er novembre, 6 décembre 2023, 3 janvier et 7 février jusqu'à 21h30
Tarifs : 13 € / 11 € / 6 €
Du 26 septembre 2023 au 17 mars 2024
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