Cet article date de plus d'onze ans.

Paris à la recherche de ses vignes perdues

La butte de Montmartre célèbre ce week-end ses 80e vendanges. Mais Paris accueille bien d'autres vignes, méconnues et pourtant vestiges du passé: à Bercy, Belleville ou dans le hameau de Vaugirard.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les vignes de Montmartre, à Paris (XVIII arrondissement)
 (MARTIN BUREAU / AFP)
La réabilitation des vignes parisiennes
 "Avant, il y avait du vin sur tout le pourtour de Paris. Il s'y produisait des petits vins de consommation courante, les transports ne permettant pas d'acheminer facilement des bouteilles du Bordelais ou du Rhône vers la capitale", raconte Jean-Pierre Langouet, chef jardinier du parc Georges Brassens, dans le XVe arrondissement.
La vigne de Montmartre est la plus ancienne: dés l'époque gallo-romaine on y trouve du raisin, raconte la Ville de Paris sur son site. Au XVIIIe siècle, les parcelles disparaissent "devant l'assaut conjugué des promoteurs immobiliers et de la concurrence des autres régions viticoles françaises".
A Belleville, ce n'est pas l'urbanisation mais la chute des prix du vin qui poussa les agriculteurs à troquer leurs vignes pour des fleurs. Même sort dans le hameau de Vaugirard, où les maraîchers remplaceront les vignerons, puis, en 1897, les abattoirs remplaceront définitivement les champs.
Pour se souvenir de ce passé, la Ville a replanté des vignes: près de 2.000 pieds à Montmartre en 1932, plus de 700 pieds dans le parc Georges Brassens en 1983 et 140 pieds dans le parc de Belleville (XXe) en 1992. Même chose au parc de Bercy, où 350 pieds rappellent que, jusqu'au milieu du XXe, le vin arrivait ici par bateau. 
Cultiver des vignes au milieu du béton n'est pas une mince affaire. "Dans la ville, ce n'est pas assez ventilé. Alors quand il pleut, les vignes ne sèchent pas: le risque majeur, c'est le développement de champignons", explique Jean-Pierre Langouet.
Vendanges sur la butte Montmartre, à Paris (XVIIIe arrondissement)
 (CHRISTOPHE SIMON / AFP)
Clos des Morillons
Ces vignes de la ville de Paris sont toutes vendangées. Mais seules les bouteilles de Montmartre et de Georges Brassens sont vendues, les autres jardiniers partageant leur récolte lors de différentes festivités.
Le parc Georges Brassens passe une partie de sa cave aux enchères chaque année depuis deux ans. Jean-Pierre Langouet reconnaît que ce n'est pas un grand vin, un pinot noir (rouge) qui se garde deux à trois ans et se négocie entre 8 et 25 euros, estampillé clos des Morillons, comme avant.
Outre ces vignes, officielles et bien référencées, le promeneur peut tomber, au hasard de la balade, sur des vignes, ici ou là dans la capitale. Souvent l'oeuvre de particuliers amoureux des belles et bonnes choses.
Comme dans cette veille ruelle du XIIe arrondissement que ses habitants veulent jalousement garder secrète. Trois pieds de vigne plantés vers 1950 tapissent une partie du ciel, avec des grappes en suspension comme des lanternes.
Avant, les voisins vendangeaient pour y faire leur vin. Aujourd'hui, les raisins font le plaisir des étourneaux en décembre, "ce sont nos vendanges tardives", s'amuse une propriétaire des lieux.
Au Bistrot Melac, rue Léon Frot (XIe), "un repas sans vin est une journée sans soleil". Ici, la vigne trône comme une auréole au dessus du restaurant et prend sa source ... dans la cave! "Palais du vin" autrefois, simple bistrot aujourd'hui, la grappe n'en demeure pas moins centrale avec une fête des vendanges chaque année, le 2e ou 3e samedi de septembre, raconte le nouveau patron des lieux Didier Madamour, pressé par les habitués de perpétuer la tradition viticole de la famille Melac.
Selon un couple accoudé au comptoir, le père Melac serait mort en descendant à la cave chercher une bouteille de Chablis. La légende est là !
Toutes ces vignes sont dites patrimoniales et n'ont pas le droit - sauf autorisation exceptionnelle - d'être commercialisées. Une association, les Vignerons franciliens réunis, milite pour obtenir "la reconnaissance de leur spécificité et la possibilité de pouvoir en retirer un revenu par des produits dérivés comme des oeuvres d'art, pour pouvoir entretenir ces parcelles", explique son président Patrice Bersac.
D'autant que leur développement progresse, à Paris, mais aussi à Marseille, Dijon ou Strasbourg pour ne citer que les plus grandes des villes qui souhaitent renouer avec leur passé viticole.
 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.