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À Saint-Etienne, l'exposition "Double Je" met en valeur la donation exceptionnelle d'un couple de galeristes

L'exposition Double Je du musée d'art moderne et contemporain (MAMC) de Saint-Étienne présente les 187 œuvres offertes par un couple de galeristes parisiens à l'établissement. Jusqu'au 18 septembre 2022.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La pièce de l'exposition "Double "Je" dévolue à l'art précolombien.  (MAMC)

C'est une donation rare par son volume, avec 187 œuvres offertes au musée d'art moderne et contemporain (MAMC) de Saint-Etienne. C'est "la troisième plus importante au musée depuis sa création en 1987", se félicite la directrice du MAMC, Aurélie Voltz. visible jusqu'au 18 septembre 2022.

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Exposition "Double Je" à Saint-Etienne {} (FTR)

C'est un couple de galeristes parisiens à la retraite qui se cache derrière cette généreuse donation présentée dans l'exposition Double Je. Très tôt soutenus par l'ancien directeur du MAMC, qui a exposé plusieurs des œuvres qu'ils avaient acquises pendant leur carrière de galeriste, Liliane et Michel Durand-Dessert ont décidé de faire don de leur collection au musée stéphanois et de rendre plus globalement hommage aux musées de province. 

Dans son texte de présentation de l'exposition Double Je, le MAMC indique que le couple Durand-Dessert avait déjà offert par le passé une toile de Gerhard Richter (Crâne, 1983) et une sculpture de Luciano Fabro (L’Œil de Dieu, 1969), deux chefs-d’œuvre figurant en ouverture de l’exposition. "Preuve de leur confiance, ce don s’accompagne d’un fonds d’archives relatif à l’histoire de leur galerie, ainsi que de multiples et livres d’artistes témoignant de leur activité initiale d’éditeurs sous le nom de Multiplicata", précise le musée.

L'exposition mélange les pièces du couple à celles du musée

Dans le cadre de l'exposition Double Je, les œuvres offertes par Liliane et Michel Durand-Dessert sont présentées aux côtés de pièces appartenant au musée, sur un espace de 1.000 m2, dans neuf salles du nom des neuf muses inspiratrices des arts de l'antiquité.

La sélection, qui réunit une cinquantaine d'artistes, reflète différents mouvements de la création des années 1960 aux années 1990, de l'art conceptuel à la photographie plasticienne en passant par l'abstraction radicale. Et dans de multiples disciplines : peinture, sculpture, photographie, dessin, gravure, art postal. Le titre de l'exposition, Double Je, fait référence aux deux figures de ce couple de marchands d'art atypiques mais également à la dualité de certaines œuvres, explique Alexandre Quoi, le commissaire de l'exposition.

Dénicheurs de talents

Présents à Saint-Étienne pour la présentation de l'événement, les Durand-Dessert se décrivent comme des passionnés d'art "totalement autodidactes", se fiant à leur "intuition". Aujourd'hui âgés de 77 et 76 ans, ils ont fermé leur galerie en 2004. "Leur regard aiguisé et singulier sur l'art de leur temps a permis de rassembler une magnifique collection personnelle, aussi ouverte qu'exigeante", selon le MAMC.

Lui a commencé sa carrière dans la publicité avant de se lancer dans une thèse sur les dessins humoristiques de l'artiste iconoclaste Marcel Duchamp (1887-1968). Elle était agrégée de littérature et a publié une thèse sur le poète Lautréamont (1846-1870). Les deux érudits se rencontrent en 1972 par l'entremise du peintre Bernard Rancillac. En 1975, leur attrait pour l'art les pousse à ouvrir une galerie à Paris : "Nous avons d'abord vivoté pendant une dizaine d'années, mon salaire d'enseignante passait entièrement dans la galerie", se rappelle Liliane Dessert.

"Quand nous avons commencé à gagner un peu d'argent, nous avons acheté des pièces d'artistes"

Liliane Dessert

"Quand nous avons commencé à gagner un peu d'argent, nous avons acheté des pièces d'artistes", dit-elle, évoquant le soutien décisif du musée de Saint-Étienne et de son ancien directeur Bernard Ceysson.

Comme le souligne la présentation du musée, leur "engagement visionnaire" les a conduits à s'intéresser très tôt à des artistes allemands comme Richter ou Beuys, anglais comme Tremlett, ou français comme Garouste. Sans oublier leur infaillible soutien à l'Arte povera italien, à une époque où il n'avait pas les faveurs des collectionneurs. C'est d'ailleurs une œuvre de ce mouvement, Occhio di Dio (l'œil de Dieu) de Luciano Fabro, qui ouvre l'exposition: un triangle en acajou poli repose sur des baguettes dorées, rappelant les tuyaux d'orgues.

Plus loin, une huile sur toile de Gerhard Richter, représentant un crâne, côtoie un autre crâne, en plâtre celui-ci, du XVIIe siècle, appartenant au MAMC. Dans une salle dédiée à la figuration, un grand format de John Hilliard -utilisé pour l'affiche de l'exposition- imprimé en violet montre deux figures de sexe indéterminé se faisant face, tel un fantôme et son ombre, tenant chacune une torche dont les faisceaux se rejoignent au centre.

Une passion pour l'art précolombien

Une autre salle est entièrement consacrée à la passion la plus récente du couple,
les objets ethnographiques. Quarante-cinq œuvres d'art précolombien, en majorité de la civilisation olmèque, sont présentées, accompagnées de dessins contemporains de Victor Brauner, peintre surréaliste très inspiré par l'iconographie précolombienne.

L'exposition s'achève par un focus photographique, avec l'album de la famille
D., une œuvre monumentale produite en 1971 par le plasticien Christian Boltanski,
dans les prémices de sa renommée mondiale. L'artiste s'interroge sur la photo amateur, en tentant de reconstituer par ordre chronologique des dizaines de clichés en noir et blanc d'un album de famille confiés à l'époque par un ami : Michel Durand lui-même.

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