Candido Portinari au Grand Palais : un monument de l'art brésilien à Paris
"Guerre et Paix" est la dernière œuvre monumentale de Candido Portinari (1903-1962). Elle lui a été commandée par le gouvernement brésilien pour être offerte à l'Onu et a été installée à New York en 1957.
Il s'agit de deux panneaux de 14 mètres de haut et 10 mètres de large, évoquant les souffrances de la guerre et les joies de la paix.
Une formation des églises de campagne aux galeries du Louvre
Né au début du XXe siècle sur une plantation de café de l'Etat de São Paulo, dans une famille de douze enfants, Candido Portinari ne va pas longtemps à l'école mais il se passionne pour la peinture quand un groupe itinérant d'artistes italiens qui décorent les églises des petites villes de campagne s'arrêtent près de chez lui. Il a alors 15 ans et les aide avec enthousiasme. Deux ans plus tard, il étudie en auditeur libre à l'Ecole nationale des Beaux-arts de Rio.
A la fin des années 1920, il a voyagé en Europe, de l'Angleterre à l'Italie en passant par Paris où il visite assidument le Louvre. Il admire à la fois les maîtres italiens comme Piero della Francesca et Picasso.
Les préoccupations sociales et politiques, ainsi que la volonté de créer une peinture spécifiquement brésilienne, sont au centre de l'œuvre de cet artiste qui a été candidat du Parti communiste au Sénat et a dû s'exiler en Uruguay en 1947 quand le gouvernement d'Eurico Dutra persécutait les communistes. A cette époque, il est interdit d'entrée aux Etats-Unis.
Le peuple brésilien au cœur de l'œuvre de Portinari
Candido Portinari a réalisé quelque 5000 toiles où il veut peindre la vie, l'âme et le peuple brésiliens, le dur labeur des plantations ("Café" ou "Mestiço"), les héros nationaux ("Tiradentes", du nom du combattant pour l'indépendance), les déplacés de l'intérieur, misérables, à la recherche d'un travail ("Os Despejados").
Loué par Louis Aragon ou Jorge Amado, Portinari sera en 1958 le seul artiste d'Amérique Latine invité à l'exposition "54 ans d'art moderne" à Bruxelles et, dans ce cadre, son tableau "Enterro na rede" (enterrement dans un hamac) sera choisi pour figurer parmi les 100 chefs-d'œuvre du siècle.
Un travail dédié à l'humanité
Alors qu'on lui a commandé "Guerre et Paix", les médecins lui ordonnent d'arrêter de peindre quelque temps, en raison d'une grave intoxication aux métaux lourds contenus dans certaines couleurs. "On m'interdit de vivre", proteste-t-il.
Il travaille malgré tout d'arrache-pied au projet pendant quatre ans. "'Guerre' et 'Paix' représentent sans doute le meilleur travail que j'aie fait, je les dédie à l'humanité", dit-il à l'agence Reuters en 1957.
Dans ces grands panneaux au lyrisme coloré, il représente la paix à travers des enfants sur des balançoires, faisant le poirier, une ronde, un chœur. Tout le monde chante et danse.
A côté des chants et des danses, les souffrances du peuple
Pour la guerre, il choisit de ne pas représenter les combats mais les souffrances infligées au peuple, autour des Quatre Cavaliers de l'Apocalypse. Au premier plan, une meute de fauves montre les dents. Des femmes portent leur enfant mort, d'autres lèvent les bras en geste d'imploration.
A côté du diptyque impressionnant, au centre de l'exposition du Grand Palais, sont exposées des études préparatoires, dessins et nombreuses toiles dont les cadrages et les couleurs dramatisent le sujet, comme ce mort montré les pieds en avant où une femme agenouillée dont l'enfant mort est maigre et vert.
Les couleurs de "Paix" s'étaient décolorées et l'ensemble avait besoin d'être rafraîchi. Après une campagne de restauration, réalisée par un atelier ouvert qui a accueilli des enfants et des groupes de visiteurs, l'œuvre voyage avant de retrouver sa place à New York.
Guerre et Paix, de Portinari, Un chef-d'œuvre brésilien pour l'Onu, Grand Palais, Salon d'honneur, avenue du Général Einsenhower, Entrée Champs-Elysées, Paris 8e
Tous les jours sauf le mardi, 10h-20h
Nocturne le mercredi jusqu'à 22h
Entrée gratuite
Du 7 mai au 9 juin 2014
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