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Ce que révèle "L'Atelier du peintre" de Courbet, après restauration
Restauré en partie sous l’œil des visiteurs du Musée d'Orsay depuis fin 2014, "L'Atelier du peintre", chef d'oeuvre monumental de Gustave Courbet, n'a pas livré tous ses secrets mais apparaît deux ans plus tard sous un autre jour.
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Nouvelle perception de l'espace, apparition de détails signifiants, attention apportée par le peintre à certains éléments vestimentaires : la restauration de "L'atelier du peintre" de Courbet a débouché sur une nouvelle vision de cette oeuvre-manifeste où Courbet affirme ses choix artistiques et politiques.
Un "tableau à clefs"
Peinte entre 1854 et 1855, cette toile aux dimensions impressionnantes (5,98 m sur 3,61 m) a connu des malheurs : roulée plusieurs fois pour être transportée, réentoilée en 1920 avant son entrée au Louvre, victime d'une inondation dans les réserves du musée en 1950, elle avait subi d'importantes altérations. Le support lui-même était en mauvais état: soulèvements de la couche picturale, décollement du réentoilage... Les couches successives de vernis étaient oxydées, recouvrant le tableau d'une teinte brunâtre. Cette évolution avait rendu illisibles certaines parties de cette oeuvre énigmatique, à l'instar de son sous-titre "Allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale"."C'est un tableau à clefs", souligne Isolde Pludermacher, conservateur en chef des peintures d'Orsay. Courbet a choisi une composition tripartite. A droite, ses amis - dont le théoricien anarchiste Proudhon et Baudelaire. A gauche, "l'autre monde de la vie triviale, le peuple, la misère, la pauvreté , la richesse, les exploités, les exploiteurs...", en fait des "types" sociaux - mendiante, curé, juif.... Au centre, il s'est représenté au côté d'une femme nue en train de peindre un paysage de sa Franche-Comté natale. "Un vrai ciel au milieu du tableau", disait Delacroix.
Un processus de création chaotique a aussi contribué aux problèmes de conservation. Courbet n'a cessé d'ajouter des lés de toile aux deux lés originaux : trois sur la droite, un vers le haut et un sur la gauche. Pressé par le temps, il aurait peint un personnage par jour et a modifié la composition jusqu'à l'accrochage de l'oeuvre dans le "Pavillon du réalisme", qu'il avait édifié sur le site de l'exposition universelle à Paris en 1855. Cette précipitation a influé sur les temps de séchage et entraîné des problèmes d'adhérence. Certaines parties donnent une impression d'inachevé sans qu'on puisse toujours déterminer si c'est volontaire ou non.
Check-up, décrassage, recadrage
Avant toute intervention sous le contrôle d'un comité scientifique, "L'Atelier du peintre" a subi un check-up complet : photographie infrarouge, en lumière rasante, sous fluorescence d'ultraviolet, etc... Une radiographie du tableau, réalisée en 1977, a été numérisée pour l'occasion par le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF).Après décrassage, les vernis ont été allégés, des repeints et d'anciens mastics ont été retirés par une équipe de restaurateurs dirigée par Cécile Bringuier. L'ancienne toile de renfort a été remplacée et l'oeuvre mise en tension sur un nouveau chassis. L'un des effets les plus spectaculaires de la restauration est d'avoir modifié l'espace du tableau. "On a une composition en diagonale, de droite à gauche", explique Isabelle Cahn, conservateur en chef des peintures. Le fond a retrouvé une lisibilité tout en conservant son impression d'inachevé.
Autre découverte, la présence d'une esquisse d'un autre tableau de Courbet, "Les Paysans de Flagey". Conservé au musée Courbet à Ornans (Doubs), il est présenté à côté de "l'Atelier" à l'occasion des 30 ans d'Orsay. Autre détail, un personnage de croque-mort, identifié comme le directeur du Journal des Débats et représenté dans la pose de son propre père Louis-François Bertin, peint par Ingres en 1832. A côté une tête de mort posée sur un journal dont la typographie, désormais visible, rappelle fortement celle des Débats. Certains visages à peine esquissés contrastent avec l'attention portée par Courbet au châle de la femme au premier plan ou "aux veines bleues qui courent sous la peau du modèle nue", remarque Isolde Pludermacher. La restauration a coûté 600.000 euros, dont la moitié fournie par le mécénat et 155.000 euros par le financement participatif.
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