Centre Pompidou : Roy Lichtenstein en nocturne à partir du 18 septembre
Après Chicago, Washington et Londres, Roy Lichtenstein (1923-1997) est donc à Paris. Un an après le début du voyage, certains prêteurs de tableaux voulaient récupérer leurs œuvres. Il y a donc moins de toiles, mais ça tombait bien. La commissaire de l’exposition, Camille Morineau, souhaitait faire connaître des aspects moins connus de l'artiste, célèbre surtout pour ses agrandissements d’images de bande dessinée.
Au Centre Pompidou, sur 140 œuvres, on peut donc voir 46 sculptures et 30 peintures, dans un espace assez intime qui permet de percevoir la "présence visuelle incroyable" qui caractérise, selon Camille Morineau, les oeuvres de Roy Lichtenstein. Pour elle, quand on est en face de ses tableaux, on est "comme face à une personne vivante".
Des œuvres inspirées de la pub et de la BD
Dès le début des années 1960, la BD est une source d’inspiration pour Lichtenstein, qui peint "Look Mickey" en 1961, à partir d’une image de livre d’enfants. A cette époque, il représente en noir et blanc et en grand des objets de consommation, un pneu, un fil électrique, un cahier d’écolier. Il s’inspire de la pub, fasciné par la force de l’art commercial.
Il s’amuse à agrandir derrière une loupe ("Magnifying Glass", 1963) des points noirs qui couvrent la surface entière d’un tableau blanc. Ce sont les fameux benday dots utilisés en imprimerie qu’il utilise dans ses cases de BD agrandies et qui deviennent une de ses marques de fabrique.
"Il accentue les conventions graphiques de l’imprimerie, le trait noir, les points benday", explique Camille Morineau.
Représenter l’éphémère
Il découpe donc des images de "comics" et les agrandit, utilisant les couleurs primaires : du rouge, du jaune, du bleu.
Reportage B.Boyer / S.Pichavant / E.Defever
Il y a les images de guerre qui ont souvent pour titre des onomatopées évoquant des chocs et des explosions. Il ne s’agit pas de magnifier la violence : "Un de mes objectifs était de montrer l’agressivité militaire dans toute son absurdité", disait-il.
L’explosion, un thème récurrent de son œuvre, il la figure aussi en trois dimensions, en strates superposées de porcelaine émaillée sur acier, s’intéressant aux conventions qui permettent de représenter quelque chose d’éphémère. L’explosion est en forme d’étoile. Ce motif essentiel de la BD "tend vers l’abstraction", souligne la commissaire de l’exposition. Plus loin, ses sculptures feront voir l’invisible ou du moins le fugitif de la vapeur au-dessus d’une tasse de café ou de la lumière produite par une lampe.
Un processus de création minutieux
A côté des images de guerre, il y a les filles des "comics" sentimentaux. Blondes et en gros plan, elles ont souvent la larme au coin de l’œil. Il accentue les points et retravaille les textes un peu niais des bulles, soulignant les stéréotypes féminins. En clin d’œil à ce travail, il réalise en sculpture une tête de fille, "Blonde" (1965), avec des "dots" bleus et rouges sur le visage.
Une salle de l’exposition met l’accent sur le processus de création de Lichtenstein et sur la diversité technique de son travail. Un processus plus long et minutieux qu’il pourrait y paraître : collecte des images, dessin préparatoire aux crayons de couleur ou aux feutres, qu’il projette sur la toile. Il travaille sur des matériaux divers, réalisant des paysages sur du Rowlux, film plastique qui semble bouger quand on passe devant. Sur du feutre. Ou en trois dimensions, superposant une tôle perforée et gondolée bleue et un soleil en porcelaine émaillée sur acier ("Sunrise", 1965).
Le coup de pinceau devient un motif
A partir de 1965, le motif du "brushstroke" apparaît dans l’œuvre de Lichtenstein et devient un élément central, "comme un personnage de sa peinture", dit Camille Morineau. Ce grand coup de pinceau moque le trait de pinceau spontané et gestuel de l’expressionnisme abstrait. L’artiste va jusqu’à isoler complètement le motif en en faisant une sculpture.
La bande dessinée, ce sont seulement quatre ou cinq ans de la peinture de Roy Lichtenstein, souligne la commissaire. Elle "est vite remplacée par son dialogue avec la peinture moderne". L’artiste dit "réinterpréter des œuvres antérieures dans (son) propre style". Il s’intéresse par exemple à la reproduction de l’image chez Monet, travaillant sur ses cathédrales de Rouen dans des couleurs différentes.
Un dialogue plein d'humour avec l’histoire de l’art
Il s’approprie Mondrian en y introduisant des points, qui ajoutent selon lui "une valeur supplémentaire à partir d’une même couleur". L’intérêt des points, ça sert aussi "à souligner que l’image est un faux" Mondrian, dit-il avec humour.
Comme les musiciens qui reprennent des thèmes, il emprunte à Picasso, Matisse, Fernand Léger, Constantin Brancusi. Il dit vouloir reprendre leurs œuvres "non pas telles qu’elles apparaissent mais telles qu’on pouvait les percervoir".
On peut voir au Centre Pompidou trois des quatre Artist’s Studios (Ateliers d’artistes), toiles monumentales où Lichtenstein cite la "Danse" de Matisse et ses natures mortes, et aussi ses propres œuvres et motifs : Look Mickey, des miroirs et des tableaux retournés. Il fait ainsi dialoguer son travail avec celui des peintres modernes.
Nus et paysages zen
Il porte, semble-t-il, un regard distancié sur son travail et sur l’art, se prenant bien moins au sérieux qu’un Andy Warhol. Il s’est d’ailleurs déguisé en Warhol à une fête de Halloween en 1965. Et, signe d’autodérision, il a posé pour le photographe Ugo Mulas en personnage pop de ses propres tableaux, sur fond de dots.
Lichtenstein revient à la peinture classique dans les années 1990 avec ses grands nus, où il déshabille ses filles des "comics" et où les points gagnent en liberté, se mettent à varier en taille, pour suggérer le volume et les nuances.
Ses peintures les plus surprenantes sont peut-être ses paysages inspirés des peintres chinois Song, réalisées à la fin de sa vie où un petit personnage ou un bout de barque se perdent dans des brumes de dots aux tailles variables.
Roy Lichtenstein, Centre Pompidou, Paris 4e
Tous les jours sauf le mardi, 11h-21h, jusqu'au 16 septembre
Ouverture exceptionnelle en nocturne : 11h-23h tous les jours sauf le mardi à partir du 18 septembre
L'exposition est exceptionnellement ouverte à partir de 10h les samedis et dimanches pour les visiteurs qui ont acheté leurs billets sur Internet et pour les détenteurs du laissez-passer du Centre Pompidou
tarifs : 11 à 13 euros / 9 à 10 euros
du 3 juillet au 4 novembre 2013
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