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En Normandie, Omar Ben Laden tente de se faire un nom en exposant ses toiles dans une brocante

Installé en Normandie depuis six ans, Omar Ben Laden a commencé à peindre pendant le confinement. Le fils de l’ancien chef d’Al-Qaïda expose ses toiles et tente de reconstruire une vie où la peinture joue le rôle de thérapie.

Article rédigé par Chrystel Chabert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Omar Ben Laden a retrouvé une forme de paix grâce à la peinture. (F. Turpin / France Télévisions)

Aurions-nous parlé de ces toiles si elles n’étaient pas signées du nom Ben Laden ? Soyons honnêtes, c’est peu probable. Des artistes au patronyme plus commun passent sous les radars des médias alors que leurs créations s’avèrent probablement plus abouties que ces toiles signées "OBL". Il n’en reste pas moins que le parcours et le rapport à la peinture d’Omar Ben Laden mérite qu’on s’y intéresse.

C’est un homme discret, âgé de 41 ans, qui répond aux questions des journalistes sans chercher à se faire “mousser”. Le lieu où il expose illustre d’une certaine manière la discrétion dans laquelle il vit encore. C’est au Teilleul, une commune de 1600 habitants dans la Manche, au fond d’un ancien atelier de meubles transformé en brocante qu’Omar Ben Laden expose une trentaine de toiles aux couleurs chatoyantes.

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Expo fils Ben Laden {} (FTR)

Le hasard d'une rencontre

Comment ses tableaux sont-ils arrivés là ? En septembre 2021, Pascal Martin, le gérant de la brocante, racontait l’histoire à nos confrères de France Bleu Cotentin : "Son épouse est une cliente de la boutique depuis plusieurs années. Je ne savais pas qui elle était. Un jour, elle est venue avec son mari. On a sympathisé. Et puis, un peu plus tard, ils m'ont demandé : Savez-vous qui nous sommes ? Nous sommes Omar et Zaina Ben Laden. Pour moi, ça n'a pas changé la chose". Une amitié est née et Pascal a proposé à Omar d’exposer ses toiles.

 

Paysages d'enfance

La plupart représentent des paysages, ceux qui ont bercé l’enfance et l’adolescence d’Omar Ben Laden. Né en 1981, le quatrième fils d’Oussama Ben Laden a passé les premières années de sa vie en Arabie Saoudite avant de partir au Soudan avec son père, à l’âge de dix ans. Quatre ans plus tard, ils partent en Afghanistan, un "pays magnifique" selon l’artiste, qui garde un amour particulier pour ces montagnes et ces paysages.

Unes de toiles signées Omar Ben Laden. (F. Turpin / France Télévisions)

Omar vs Oussama

Omar y reste cinq ans. Il vit dans les camps d'entraînement avec enseignement religieux, séances de cheval dans les montagnes et entraînement au combat avec manipulation des armes. Aspirant à une vie plus normale et d’un tempérament plus pacifique, Omar décide de partir, quittant le pays et aussi son père. Il a 19 ans. Nous sommes en 2000. Quelques mois plus tard, les attentats du 11 septembre dévastent les habitants de New York et bouleversent l’ordre du monde.

Ces attentats meurtriers éloignent définitivement Omar de son père. Dans Le Point, l’artiste explique à quel point le 11 Septembre a "bousillé" sa vie. "Mon nom était associé à celui de mon père. Après ça, pendant plusieurs années, je ne pouvais plus me déplacer, aller dans de nombreux pays. Mon nom a été banni, maudit un peu partout. J'ai passé des années noires, j'étais rejeté, quoi que je fasse. Je suis allé en Égypte, où je me suis marié en 2006. Là-bas, je ne me sentais pas du tout en sécurité. On nous contrôlait tout le temps, on nous surveillait, ma femme et moi. J'ai craint pour ma vie, les attaques pouvaient venir de n'importe où. On était obligés de changer de pays régulièrement dans tout le Moyen-Orient, car je m'étais opposé à mon père." 

 

La France comme un refuge

Après plusieurs années d’errance, Omar arrive en France et s’installe en Normandie en 2016. Il s’est acclimaté au pays, à son climat (au point de ne pas envisager de retourner en Arabie Saoudite à cause de la chaleur !) et aux gens.

Ici, personne ne me juge parce que je suis le fils d’Oussama.

Omar Ben Laden

"En France, je peux travailler. Ici, on me respecte" confie celui qui a obtenu un visa de résident.  

Omar Ben Laden et Pascal Martin (de dos) dans la brocante du Teilleul.  (F. Turpin / France Télévisions)

Un nom qui fait vendre

La peinture, redécouverte pendant le confinement (Omar dessinait et peignait quand il était enfant) est pour lui une forme de thérapie. Elle lui permet aussi depuis quelques mois de vivre de son statut d’artiste, enregistré lors de son arrivée en France. Les tarifs de ses tableaux qui se vendent désormais dans le monde entier vont de 750-800 euros à 2 000-2 500 euros.

Ni Omar ni Pascal Martin ne se font trop d’illusion sur ce qui pousse les gens à acheter ces toiles. "Il n’y a pas un nom qui soit plus connu au niveau international que celui des Ben Laden", souligne le gérant de la brocante. "Ça a tout de suite suscité de l’intérêt".

Il y a ceux qui aiment sa peinture et puis ceux qui veulent investir dans quelque chose dont ils pensent que ça va monter.

Pascal Martin

Gérant Arielle Brocante

 

Alors oui, le nom de Ben Laden fait certainement vendre des toiles qui sans cela resteraient peut-être dans l’anonymat le plus total. Mais au-delà de l’intérêt pictural qu’elles ont ou n'ont pas (chacun jugera selon ses propres critères), elles racontent surtout l’histoire d’un homme qui a retrouvé une forme de paix grâce à la peinture. Et grâce à qui le nom de Ben Laden peut désormais véhiculer d’autres images que celles de deux tours qui s’effondrent sur des centaines de vies. 

Les peintures d'Omar ben Laden sont exposées à Arielle Brocante, 4 Route de Domfront, au Teilleul (Manche). Une exposition-vente aura lieu cet automne à Paris.

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