Frida Kahlo et Diego Rivera à l'Orangerie : nocturnes exceptionnelles
L’exposition Frida Kahlo-Diego Rivera prévue au musée parisien de l’Orangerie il y a deux ans avait été annulée en raison d’un conflit diplomatique entre Paris et Mexico. Ca y est, ont peut y voir les peintures torturées de la peintre mexicaine et celles de son mari.
Diego Rivera (1886-1957) est un peintre de formation, qui a été étudié à l’Académie des Beaux-Arts de San Carlos au Mexique. Grâce à une bourse, il passe près de quinze ans en Europe, en Espagne puis à Paris, où il fréquente Modigliani, Picasso, Mondrian, Soutine, Zadkine... L’exposition s’ouvre sur ses œuvres de jeunesse, marquées par le cubisme qui laissera des traces dans ses peintures ultérieures. Couleurs et thèmes rappellent toutefois le Mexique, comme ce "Paysage zapatiste" de 1915, avec poncho et fusil.
Rivera s’imprègne aussi de la peinture de Cézanne et des artistes de la Renaissance.
Un couple tumultueux
Rentré au Mexique, Diego Rivera se met à peindre les grandes fresques qui le rendront célèbre. Il y raconte l’histoire de son pays, de la conquête espagnole à la révolution de 1910. Evidemment et malheureusement intransportables, elles sont évoquées par des films, un grand poncif et de belles esquisses très épurées. Des fragments ont été reproduits pour les murs de l’Orangerie mais l’opération n’est pas très convaincante.
Frida Kahlo (1907-1954), elle, ne s’est mise à peindre qu’après le terrible accident qui l’immobilise pendant des mois.
C’est dans les années 1920 que Diego Rivera la rencontre. Une salle entière est consacrée au couple mythique et tumultueux, qui se marie en 1929, se sépare en 1938 et se remarie en 1940. De nombreuses photos nous les montrent, elle minuscule et lui énorme, aussi grand que massif. Les parents de Frida Kahlo les comparaient à un éléphant et une colombe. Il a vingt ans de plus qu’elle.
Une peintre de la douleur
Leur art semble les séparer aussi : autant celui de Diego Rivera est tourné vers l’histoire et le collectif, autant celui de Frida Kahlo est centré sur elle et sur son histoire individuelle. Pourtant, leurs idéaux politiques les unissent, ainsi que leur intérêt pour la culture précolombienne et le monde rural mexicain. Tous les deux peignent des figures d’Indiens, plus aériennes chez elle, plus terriennes chez lui.
Au coeur de l’exposition, les peintures de Frida Kahlo expriment toute la douleur d’une femme dont le corps a été brisé dans un accident de bus quand elle avait 18 ans. Toute sa vie, elle va subir des opérations et faire des séjours à l’hôpital, où elle se peint dans un miroir. Elle se représente, allongée nue sur un lit, le corps lardé de coups, à côté d’un homme debout, couteau à la main, la chemise tachée de son sang qui a giclé jusque sur le cadre du tableau. Et l'essentiel de sa production tourne autour de sa vie.
Son corps martyrisé n’a pas pu porter d’enfant et elle a fait plusieurs fausses couches. Dans "Hôpital Henry Ford", on la voit nue, enceinte sur un lit, du sang sur le drap et un fœtus flottant au-dessus d’elle.
L’intime et la démesure
Autre source de douleur, les infidélités de Diego Rivera, coureur infatigable. Il l’a trompée avec sa propre sœur Cristina. Elle lui rend la pareille, ayant des relations avec le photographe Nickolas Murray, avec Léon Trotski, avec André Breton, avec des femmes. La plupart des œuvres exposées à Paris ont d’ailleurs été prêtées par le musée Dolores Olmedo. Dolores Olmedo était une amie intime de Rivera, qui avait collectionné 145 de ses peintures, ainsi que 26 de Frida Kahlo.
La mort plane sur l’œuvre de Frida Kahlo : elle se peint avec une tête de mort en pastille sur le front ("En pensant à la mort"). L’énergie bouillonne aussi et la vie prend le dessus dans un tableau comme le "Portrait de Luther Burbank" (1931), où le célèbre horticulteur californien émerge d’un tronc qui plonge ses racines dans un cadavre sous terre. Le cycle de la vie et la terre nourricière, importants dans la culture indigène, se retrouvent dans "Ma nourrice et moi", où une Frida bébé est allaitée par une Indienne au sein en forme de végétal.
Et autant les œuvres de Diego Rivera peuvent être démesurées, autant les siennes poussent l’intime jusqu’au minuscule, avec des miniatures encadrées de coquillages.
Frida Kahlo / Diego Rivera, L'art en fusion, Musée de l'Orangerie, jardin des Tuileries, côté Seine, Paris 1er
Tous les jours sauf le mardi et le 25 décembre, 9h-18h
Des nocturnes exceptionnelles sont proposées les 19, 20, 21, 26, 27 et 28 janvier, les 2, 3 et 4 janvier jusqu'à 21h45
tarifs : 10€ / 7,5€
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