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Gerhard Richter entre figuration et abstraction au Centre Pompidou

Grand défenseur de la peinture, Gerhard Richter n’a cessé, depuis cinquante ans, de réexplorer les genres de l’histoire de l’art, entre figuration et abstraction, gris et couleur, et dans un rapport étroit avec la photographie. Le Centre Pompidou lui offre sa première grande exposition à Paris, magistrale, depuis celle de 1993 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris
Article rédigé par franceinfo - Valérie Oddos
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"St John, 1988" de Gerhard Richter, exposé au Centre Pompidou
 (Joël Saget / AFP)


Reportage C. Airaud, Y. Moine, C. Desse

L’exposition, baptisée « Panorama », est une coproduction. Elle a séjourné à Londres et à Berlin avant de s’installer pour trois mois et demi à Paris. Une centaine d’œuvres étaient communes à chaque étape mais les trois présentations étaient différentes, avec des œuvres qui ont été ajoutées, raconte la commissaire de l’exposition parisienne, Camille Morineau.

A Paris, où elle se déploie sur une grande surface, la présentation est à la fois chronologique et thématique, et « chaque salle est un point de vue sur le travail » de l’artiste.

Chinon n° 645, 1987, Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
 (Gerhard Richter, 2012)

Une peinture tendue entre abstraction et figuration
« J’ai souhaité un espace très aéré, assez transparent. On est dans un rapport direct avec le monde extérieur. Et Gerhard Richter était content que l’espace s’ouvre sur la ville », explique Camille Morineau. Dans le fond de l’exposition, les grandes verrières du Musée national d’art moderne regardent les toits de toute la partie nord de Paris.

La commissaire a voulu que le fil conducteur soit « la tension entre abstraction et figuration ». Pour elle, Richter est le premier artiste à « montrer que les deux relèvent d’un même vocabulaire pictural ».

Né en 1932 à Dresde, il a grandi sous Hitler, a été marqué par la guerre et a commencé sa carrière d’artiste à l’Est. En 1961, il passe à l’Ouest et détruit tout ce qu’il a produit avant.

"Stroke (on red)" de Gerhard Richter (1980), au Centre Pompidou
 (Thibault Camus / AP / SIPA)

Des photopaintings proches du pop art
La première salle de l’exposition présente ses « photopaintings », des œuvres qu’il a peintes dans les années 1960 à partir de photos de presse ou de pub. Souvent en noir et blanc, puis en couleur. Les contours sont estompés, produisant un effet de flou. Des œuvres qui se rapprochent du pop art. D’ailleurs Richter se définit à l’époque comme un « artiste pop allemand ».

Dans les années 1970, Richter se met à peindre des tableaux abstraits. Mais il reste fidèle à sa démarche quand il photographie un détail d’un de ses tableaux, pour le retraduire, très agrandi, et en faire un motif abstrait.

Ema (Nu sur un escalier), 1966, Cologne, Museum Ludwig / Legs Ludwig
 (Gerhard Richter 2012)

Introduction du hasard
Dans les années 1980, le peintre applique des couches de peinture superposées qu’il écrase avec une raclette métallique ou une planche de bois pour faire réapparaître les couches recouvertes, introduisant ainsi le hasard dans sa production. Il applique aussi le procédé précédent à ces œuvres, photographiant un détail qu’il agrandit sur une nouvelle toile.

Ces œuvres abstraites vont être une constante de son travail jusqu’à aujourd’hui. Mais Richter continue dans l’esprit de ses premières photopaintings, revendiquant dans le même temps le classicisme, « essentiel à la vie » selon lui. Il se « considère comme l’héritier d’une immense, fantastique et féconde culture de la peinture ». Il peint ainsi des paysages grandioses dans une atmosphère toujours brumeuse.

"Juni, 1983", de Gerhard Richter, au Centre Pompidou
 (Joel Saget / AFP)

Dans une veine figurative aussi, il peint sa famille, « parce que ce sont les êtres qui me touchent le plus ». Il confine à l’universel avec la figure de la mère et l’enfant, et dépasse le réalisme avec son flou caractéristique, quand il peint une « Lectrice » inspirée d’une toile de Vermeer conservée à Dresde.

Richter refuse de prendre des positions politiques, ce qui ne l’empêche pas d’être sensible aux drames du monde. La dernière salle de l’exposition montre ses derniers travaux. « Septembre », réalisé quatre ans après le 11 septembre 2001 évoque ce qu’il décrit comme un acte « abominable ». Cette petite toile quasi-abstraite, est un écho à «18 octobre 1977", une série sur la Fraction armée rouge d’après des photos de presse en noir et blanc.

"Strip" de Gerhard Richter (2011), exposé au Centre Pompidou
 (Joel Saget / AFP)

Un travail toujours fécond
La dernière salle de l'exposition montre le travail de ces dernières années. A 80 ans, Richter continue à travailler dans différentes directions, souligne Camille Morineau, montrant une grande toile de 2011 : « Strip » est un empilement de lignes de couleurs obtenu à partir d’un travail numérique sur une photo.

Autre nouveauté, de petits tableaux d’émail sous verre, qui doivent être réalisés dans un temps très court, ce qui les rapproche, selon Camille Morineau, de l’image photographique.

De le peinture, Richter dit que « c’est ce qui m’a depuis toujours le plus intéressé », s’affirmant persuadé qu’elle « fait partie des aptitudes humaines les plus fondamentales, comme la danse ou le chant ».

« Cette exposition est un grand événement pour moi, une grande reconnaissance », a-t-il déclaré avant son ouverture, bien qu’il soit considéré comme un des plus grands artistes contemporains. Quand il a vu l’accrochage, il a dit qu’il était « un homme heureux ».

Gerhard Richter présente la rétrospective qui lui est consacrée au Centre Pompidou (4 juin 2012)
 (Joël Saget / AFP)

Voir aussi notre diaporama

Gerhard Richter, Panorama, Centre Pompidou, Paris 4e
tous les jours sauf le mardi, 11h-21h
tarifs : 13 à 11 € / 10 à 9€

Dessins et aquarelles de Richter au Louvre
A l'occasion de cette rétrospective, le musée du Louvre présente une centaine d'oeuvres sur papier de Gerhard Richter. Comme dans ses peintures, il alterne coulures de couleurs ou monochromes dans les gris et les noirs. Le trait est acéré, griffé ou effacé.
Du 7 juin au 17 septembre 2012

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