Italie : les macchiaioli ou l'art de la tache, au musée de l'Orangerie
A Florence, dans la deuxième moitié des années 1850, des artistes se réunissent dans un café, le Caffè Michelangiolo, situé paradoxalement tout près de l’Académie florentine des beaux-arts où ils ont été formés mais dont ils rejettent la "médiocrité" et qu’ils qualifient de "cimetière de l’art".
Ils sont des rebelles et prônent la nouveauté, la modernité en art. Ils travaillent "au moyen de taches (macchie en italien) de couleur, de zones claires et de zones sombres", théorise Adriano Cecioni. Pour cette raison, la presse les traite avec mépris de "macchiaioli" (tachistes, littéralement), un terme qu’ils reprendront à leur compte.
Des impressionnistes italiens ?
La tache des macchiaioli, ce n’est pas la touche des impressionnistes. Ils vont utiliser "une seule tache de couleur pour le visage, une autre pour les cheveux, une autre, mettons, pour le fichu, une autre pour la jaquette ou la robe, une autre pour le jupon, une autre pour les mains ou les pieds, et ainsi de suite pour le sol et le ciel", décrit le même Adriano Cecioni. Comme dans "La Rotonde de Palmieri", petit tableau de Giovanni Fattori, un des artistes les plus importants du mouvement, où des silhouettes de femmes stylisées se tiennent à l’ombre devant la mer.
"Des impressionnistes italiens ?", se demandent pourtant les organisateurs en sous-titre de l’exposition. Comme les impressionnistes, les macchiaoli ont voulu rompre avec l’académisme. Comme eux, ils peignent en plein-air et accordent une importance majeure au paysage. Comme eux, ils s’attachent à "l’impression". Pour eux, l’art ne réside pas "dans la recherche de la forme, mais dans la manière de rendre les impressions qu’ils recevaient de la vérité", toujours selon Cecioni.
Des peintres de paysage
C’est dans la nature que la rupture qu’introduit l’art des macchiaioli est la plus radicale. Ils peignent à la Spezia, puis se réunissent à Castiglioncello, sur la côte près de Livourne, chez le critique et mécène Diego Martelli, qui y a hérité d’une grande propriété. Ils choisissent souvent de petits formats allongés. Ainsi, les figures, de petite taille, apparaissent comme observées à une certaine distance et, ainsi sont vues "par masses" et non en détail.
Giovanni Fattori peint avec bonheur "L’Arno à Bellariva" (1866) en une succession de couches horizontales, herbe, reflets sur l’eau, arbres, ciel. Silvestro Lega représente une femme qui cueille des fleurs dans un joyeux fouillis d’herbes ("La Villa des Batelli", 1863). Giuseppe Abbati nous offre un "Bord de mer à Castiglioncello" (1862-63) dépouillé dans une lumière sourde.
Des artistes engagés pour l'unité de l'Italie
Les macchiaioli veulent porter un nouveau regard sur la réalité et peignent la vie rurale, avec ses bœufs blancs tirant des charrettes rouges. Ce regard se fait politique quand Telemaco Signorini décrit une "Scène de halage à Florence" où les ouvriers ploient sous la charge devant les yeux indifférents d’un bourgeois.
Si ces peintres souhaitent révolutionner l’art, ils sont aussi engagés politiquement, et pas seulement dans des discussions de café. C’est l’époque du mouvement pour l’unification de l’Italie (Risorgimento). Raffaello Sernesi meurt au combat, auprès des garibaldiens. Giuseppe Abbati, est blessé et perd un œil.
Ils représentent abondamment des scènes militaires, comme le petit tableau de Giovanni Fattori, "Soldats français en 1859", chef-d'oeuvre de la tache. Le même peint un "Soldat démonté", emporté face contre terre par son cheval, dans une traînée de sang et de poussière.
Les macchiaioli ont inspiré le cinéma
L’intimité des bourgeois est un autre thème cher aux macchiaioli et qui les distingue encore des impressionnistes. Ils y reviennent à la leçon des maîtres italiens du XVe siècle, notamment en matière de perspective.
Pour souligner l’importance en Italie de ce courant artistique, l’exposition présente un extrait de "Senso" de Visconti, qui s’est inspiré des macchiaioli pour les costumes, les décors et la composition de son film.
Elle rapproche aussi leur peinture de celle de Paul Guigou, qui a travaillé en Provence à la même époque avec un traitement similaire de la lumière et qui, comme eux, aimait les petits formats allongés. Démonstration avec trois peintures de l’artiste provençal.
Les Macchiaioli, 1850-1874 - Des impressionnistes italiens ?, Musée de l'Orangerie, Jardin des Tuileries, 75001 Paris
Tous les jours sauf le mardi, 9h-18h
Tarifs : 7,5€ / 5€
jusqu'au 22 juillet 2013
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