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L'"Épopée slave" d'Alfons Mucha attendue au Japon et en Chine, malgré une polémique

La monumentale "Epopée slave" d'Alfons Mucha, icône de l'Art Nouveau, doit être bientôt exposée au Japon et en Chine, malgré l'opposition du petit-fils du peintre et de certains experts qui craignent pour cet ouvrage au destin mouvementé.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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L'Épopée slave de Mucha, exposée à Prague, en 2012
 (Michal Cizek / AFP)

Le peintre tchèque Alfons Mucha (1860-1939), qui avait séduit Paris avec ses affiches fleuries de Sarah Bernhardt, consacra deux décennies à ce cycle de vingt tableaux allégoriques, en partie inspiré par la mythologie et qu'il considérait comme son principal chef-d'œuvre.

Les sept plus grands mesurent 8,1 m sur 6,1 m et les huit toiles les plus petites 4,8 m sur 4,05 m. Mucha les a légués à la ville de Prague, mais son petit-fils, John Mucha, le conteste en justice et s'oppose à leur exposition en Asie.

Provisoirement exposée dans le vaste hall de l'ancien Palais des foires à Prague transformé en galerie d'art, la collection doit être présentée de mars à juin 2017 au Centre National des Arts de Tokyo, puis éventuellement à Nankin, Changsha et Canton, en Chine. "Les Japonais sont de grands admirateurs d'Alfons Mucha. L'une des toiles de +l'Epopée slave+ avait déjà été exposée au Japon et la partie japonaise a toujours aspiré à l'accueillir au grand complet", dit Magdalena Jurikova, directrice de la Galerie de la Ville de Prague (GHMP).

Un voyage "hasardeux, risqué, irresponsable", selon un expert

John Mucha s'appuie sur les craintes émises par certains restaurateurs évoquant des risques liés à la manipulation des toiles et à des conditions climatiques différentes en Asie. Le voyage de "l'Épopée slave" serait même une "entreprise hasardeuse, risquée et irresponsable", selon Karel Stretti, chef de l'atelier de restauration à l'Académie des Beaux-Arts (AVU) de Prague. Cette opinion n'est pas celle des spécialistes de la Galerie:

"J'ai déjà à maintes reprises roulé, installé et désinstallé ces toiles dans différentes galeries mondiales et tchèques et nous n'avons jamais dû les restaurer après le transport", dit Tomas Berger, qui les accompagnera au Japon à la tête d'une équipe de quatre experts. "Le transport se fait de manière très sophistiquée, dans des caisses climatisées. Il n'y a aucun danger d'endommagement", assure la directrice de la Galerie.

Un tribunal se penche sur le dossier en janvier

Quant au conflit légal, un tribunal pragois doit se pencher sur l'affaire à la mi-janvier. "Je pense que l'exposition à Tokyo n'est pas menacée", espère Mme Jurikova. Selon un contrat signé en 1913, le slavophile américain Charles Crane commanda l'Épopée slave au peintre pour en faire don à Prague. Pour le petit-fils du peintre, cette donation était prévue à condition que la ville offre un bâtiment pour héberger la collection. "Cette condition nettement formulée de l'acquisition de la propriété n'a jamais été remplie jusqu'à ce jour", argue Frantisek Vyskocil, avocat de John Mucha, dans une lettre adressée à la municipalité. Il soutient que les toiles doivent revenir aux descendants de Mucha.

Jan Wolf, conseiller municipal en charge de la Culture, n'est pas de cet avis. "Il est clairement dit dans le contrat que +l'Epopée slave+ appartient à la ville et les conditions ne stipulent pas la construction d'un nouveau bâtiment", rétorque-t-il.

Une fresque au destin tourmenté

La polémique s'inscrit dans le cadre du destin tourmenté de cet ouvrage gigantesque retraçant les mythes slaves. Dans les années 1930, les toiles furent placées dans un dépôt, puis sous un amas de charbon pour les cacher aux nazis pour lesquels Mucha était un "judéophile" et un "franc-maçon".

"Bourgeois décadent" pour les communistes, Mucha n'a été "gracié" par l'ancien régime totalitaire que dans les années 1960 lorsque les toiles de "l'Épopée slave" ont été exposées au château de Moravsky Krumlov, à 200 km de Prague. Elles y sont restées des décennies, jusqu'à leur transfert en 2012 à Prague en raison du mauvais état du château.

Mais la question de son emplacement définitif reste ouverte. John Mucha souhaite leur retour à Moravsky Krumlov, à une dizaine de kilomètres seulement d'Ivancice, ville natale de son grand-père. Un "Centre Mucha" pourrait y être créé, selon lui. Le château demeure toutefois en mauvais état, répond Mme Jurikova. "L'unique solution, c'est la construction d'un nouveau pavillon moderne" à Prague, dit-elle. "Nous avons l'argent et la volonté de le faire", assure Jan Wolf.

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