La Fondation Vuitton va ressusciter le premier musée d'art moderne de l'histoire
Quelque 128 peintures, 8 sculptures, de Matisse à Gauguin, de Cézanne à Picasso : c'est la première fois qu'est présenté un ensemble aussi important de cette collection constituée entre 1898 et 1914 par ce grand industriel moscovite. Nationalisée en 1918 par un décret signé de Lénine en personne, elle a été fusionnée avec une autre collection privée importante, celle d'Ivan Abramovitch Morosov, pour constituer officiellement en 1920 le "Musée de l'art moderne occidental", le premier du genre.
"C'est un grand moment. Même les Russes n'ont jamais vu ainsi cette collection", souligne auprès de l'AFP Anne Baldassari, commissaire de l'exposition, visible du 22 octobre au 20 février et dont la billetterie est déjà ouverte.
Staline ordonna la dispersion, parfois la destruction des œuvres
Les quelque 270 oeuvres acquises par Chtchoukine exercèrent une influence considérable sur les jeunes artistes russes, malgré l'existence éphémère du musée : Staline proclame sa dissolution en 1948 et ordonne la dispersion des oeuvres dans des musées de province, parfois leur destruction.Finalement la collection est répartie entre le musée Pouchkine à Moscou et celui de l'Ermitage à Saint-Petersbourg. La Fondation Vuitton a entamé des discussions en septembre 2014 avec ces deux établissements et un contrat de partenariat a été signé le 10 février 2016. Selon la fondation, le projet n'aurait pu se réaliser sans "l'active complicité" du petit-fils de Sergueï Chtchoukine, André-Marc Delocque Fourcaud.
Chtchoukine, une histoire de rencontres
Lors de ses premiers voyages à Paris, Sergueï Chtchoukine, initié par le marchand Paul Durand-Ruel, s'intéresse d'abord aux Impressionnistes, particulièrement à Monet, dont la collection compte pas moins de 13 oeuvres. Viendront les rejoindre 8 Cézanne, 16 Gauguin, 5 Degas, 4 Van Gogh...Mais la rencontre décisive survient en 1907 : c'est celle de la famille Stein, Leo et Gertrude, que lui présente un autre marchand, Ambroise Vollard. "Avec eux, il découvre le modèle d'une nouvelle manière de collectionner", explique Anne Baldassari, ancienne directrice du musée Picasso.
Américains, issus d'une famille de banquiers, les Stein "ont une vision extérieure et achètent systématiquement des objets de scandale", comme +La Femme au chapeau+ de Matisse (1905), ajoute-t-elle. Grâce à eux, Chtchoukine rencontre Matisse et Picasso. Au premier, il va commander les panneaux monumentaux de la "Danse" et de la "Musique" destinés à l'escalier de sa résidence, le Palais Troubetskoï. Effrayé par le scandale suscité par ces œuvres lors du Salon d'automne, il renonce à les acheter, puis change d'avis, pris de remords.
Un collectionneur insatiable
"Entre 1910 et 1914, ses achats sont exponentiels, souligne Anne Baldassari. 12 Picasso, 12 Matisse, 14 Derain..." Au total la collection comptera 22 Matisse, dont "L'Atelier rose" ou "Le Café arabe", et 50 Picasso, dont "La Buveuse d'absinthe" ou "Trois femmes".Contrairement à Morosov, Chtchoukine veut faire partager sa passion : il ouvre sa demeure tous les dimanche matin, puis jusqu'à trois jours par semaine, et songe même à une donation à une institution publique. Pour l'occasion, ont également été reconstituées sa collection africaine, dont quelques pièces seront présentées, et sa collection chinoise. L'exposition se déploiera dans tous les espaces du bâtiment de Frank Gehry (soit 2.400 m2), avec des salles thématiques (paysages, portraits...) et des salles monographiques (Gauguin, Matisse, Picasso).
Elle abordera aussi l'influence de la collection sur l'avant-garde russe (futurisme, suprématisme, constructivisme), avec 30 œuvres de Malevitch, Rodtchenko, Larionov, Tatline, Popova....
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