La Norvège honore enfin Munch
Bien sûr, le "Cri" ne manque pas à l'appel. Mais il y a aussi les autres trésors : "La Madone", "Vampire" ou "La danse de la vie"... Ouverte au public depuis ce dimanche 2 juin, l'exposition Munch 150 offre une plongée sans précédent dans l'oeuvre d'Edvard Munch, de ses premiers travaux jusqu'à sa mort. "Il y a eu bien des expositions sur Munch dans le passé, mais pour des raisons artistiques ou pratiques, elles se concentraient généralement sur un thème", a expliqué à l'AFP Audun Eckhoff, le directeur de la Galerie nationale d'Oslo.
Cette fois, l'exposition, à la fois chronologique et thématique, vise à montrer l'évolution et l'étendue du travail du grand peintre à travers 270 peintures et dessins répartis sur deux sites, la Galerie nationale et le musée Munch : à la première, les tableaux du début, de 1882 à 1903 ou "comment Munch est devenu Munch " comme le résume Audun Eckhoff, et au second les oeuvres des 40 années suivantes.
Dès ses premiers coups de pinceau, Munch affiche sa singularité, s'annonçant comme un pionnier de l'expressionnisme. Ses tableaux sont alors décriés comme étant inachevés, d'autant plus qu'il touche à des thèmes difficiles comme la maladie avec, par exemple, "L'enfant malade". Le jeune peintre a très certainement été très marqué par la mort prématurée de sa mère et de sa soeur, emportées par la tuberculose.
Un voyage en Europe (Anvers, Paris, Nice...) l'imprègne des tendances du temps, l'impressionnisme et le réalisme, mais il s'en éloigne rapidement et étend son répertoire à d'autres sujets tabous comme la puberté ou la vie de bohème.
Variations sur des mêmes thèmes
Une part importante de son oeuvre reste faite de variations sur les mêmes thèmes : parfois avec plusieurs décennies d'écart, il revisite les mêmes motifs qui forment une vaste série, "La Frise de la vie". La fresque s'articule autour de trois axes : l'épanouissement et le déclin de l'amour ("Le baiser", "Jalousie"), l'angoisse avec l'incontournable "Cri" et les autres tableaux aux personnages fantomatiques, et la mort avec ses masques blafards ("Le lit de mort"). Une thématique moderne et indémodable qui lui permet d'occuper, aujourd'hui encore, une place importante dans la culture populaire, du simple tee-shirt au film cinématographique. Malaimé en son propre pays
Pourtant, Munch a été longtemps délaissé dans son pays natal. La municipalité d'Oslo à qui il a légué son oeuvre en avril 1940, pour la protéger des nazis qui ont envahi la Norvège quelques jours auparavant, a par la suite confiné ce trésor dans un bâtiment tristounet et vieillot dans un quartier excentré de la capitale norvégienne.
La fréquentation n'a jamais affolé les statistiques et la sécurité s'est même avérée déficiente puisque deux exemplaires du "Cri", celui de la Galerie nationale et l'un des deux conservés au musée Munch, seront volés en 1994 et en 2004, avant d'être retrouvés plus tard...
Munch lui-même n'était pas forcément très précautionneux pour ses toiles... Il lui arrivait d'en entreposer certaines dehors, offertes aux quatre vents, pour parachever leur dureté artistique. On a même retrouvé une coulée de cire sur le "Cri" qu'il n'avait visiblement pas pris la peine de faire disparaître.
Fin d'une "négligence"
"À l'époque moderne, Munch a été partie intégrante de l'éducation de chaque nouvelle génération et on a eu tendance à le négliger comme une évidence", résume Stein Olav Henrichsen, directeur du musée Munch. Mais cette ère de négligence semble sur le point de s'achever, peut-être grâce au retentissement que Munch a récemment connu à l'étranger.
À Paris, Londres et Francfort, un million de personnes ont récemment visité l'exposition "L'oeil moderne" et une version du "Cri", la seule en des mains privées, a été adjugée pour la somme record de 119,9 millions de dollars à New York l'an dernier.
Après des années de tergiversations plutôt embarrassantes, la municipalité d'Oslo a donc trouvé un accord, cette semaine, pour bâtir un nouveau musée Munch, en bordure du fjord, dans un bâtiment plus digne censé ouvrir en 2018.
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