La photographe Jacqueline Salmon rencontre Eugène Boudin dans les ciels du Havre
Eugène Boudin (1824-1898) a connu une ville du Havre bien différente de celle que parcourt aujourd'hui la photographe Jacqueline Salmon. Entre celle qui accueillait les promenades de ce précurseur de l'impressionnisme et la cité reconstruite d'aujourd'hui, sont passées la seconde guerre mondiale et la destruction quasicomplète du port de Seine-Maritime. Mais ce qui n'a pas changé, ce sont les ciels. Jacqueline Salmon s'est tout de suite projetée dans ceux que Boudin avait fixés un siècle et demi plus tôt et elle est partie à leur recherche dans les nuées d'aujourd'hui. L'idée lui est alors venue de rapprocher ces deux visions d'une même nature.
Les lumières, les nuages, la mer, mais aussi les éléments modernes du Havre, tout a sa place dans ce cousinage. Le regard de Jacqueline Salmon avait si bien analysé l'oeuvre de Boudin qu'elle est parvenue à la marier à la sienne, la photo devenant au sens propre le prolongement de la peinture. Il ne s'agit jamais de reproduction puisque le MuMa possède une collection des tableaux et des études de Boudin. Il n'est pas anodin de rappeler qu'Eugène Boudin fut l'un des premiers peintres à quitter son atelier pour aller poser son chevalet dans la nature et peindre directement ce qu'il en voyait. Comme un photographe d'aujourd'hui doit se trouver en présence de son sujet.
Reportage : S. L'Hôte / B. Drouet / R. Meheust
Boudin... mais pas seulement.
Si le rapprochement entre les photos de Jacqueline Salmon et l'oeuvre de celui qui fut le maître de Claude Monet est l'un des points forts de cette exposition havraise, il n'est pas le seul. La photographe offre également des séries, les vagues par exemple, toujours recommencées, jamais identiques. Séries régulières de même format ou rapprochement savamment calculés entre le sujet de la photo, toujours des variations autour de cette nature littorale si changeante, et les tailles choisies pour chaque image. La composition devient alors un patchwork qui, cette fois, laisse de l'air entre ses éléments, comme des fractions de ciel vide.La photographe lyonnaise a consacré six séjours havrais à la réalisation de ses photographies. Sur le littoral normand, le vent ne souffle pas comme entre Rhône et Saône. Comme une artiste météorologue, elle figure sur certaines de ses photos le sens des vents. Et le ciel se remplit alors d'une multitude de petites flèches pleines d'information : si ces nuages là, dans ce ciel là, ont cette forme là, c'est bien parce que cet élément, ordinairement absent de l'image, la leur a donnée. L'art d'aujourd'hui permet ce que la peinture de l'époque d'Eugène Boudin n'imaginait pas encore possible.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.