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Le labo du Louvre ausculte "L'Atelier du peintre" de Courbet avant restauration

Radio géante numérisée, images infrarouge... Le Centre de recherche et de restauration des musées de France a réalisé des prouesses pour traquer les détails souvent invisibles du monumental "Atelier du peintre" de Courbet avant sa délicate restauration à Orsay.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Radio géante numérisée de "L'Atelier du peintre" de Courbet
 (PATRICK KOVARIK / AFP)
"L'Atelier du peintre" a été peint entre 1854 et 1855. Refusé par l'Exposition universelle de 1855 et exposé par Courbet à ses frais, il a notamment servi après la mort du peintre de fond de scène de théâtre entre 1899 et 1919. Une première restauration de ce tableau à clé a été effectuée lors de son acquisition par le musée du Louvre en 1920. 

Reportage : P. Chalumeau, X.Roman, L. Hauville
Un tableau de 22 m2 avec 31 personnages
Bruno Mottin travaillant sur "L'Atelier du peintre" de Courbet
 (PATRICK KOVARIK / AFP)
Aujourd'hui, un travail de titan est en oeuvre pour une huile sur toile hors normes datant de 160 ans où figurent 31 personnages sur 22 m2. On reconnaît le profil barbu du mécène Alfred Bruyas, le philosophe Proudhon, le critique Champfleury ou Baudelaire en train de lire... Au milieu de cette allégorie, Courbet lui-même, accompagné d'une femme-muse, d'un enfant et d'un chat, affirme la fonction sociale de l'artiste.

Le tableau fragilisé et altéré par ses nombreux déplacements fait 3,61 mètres sur 5,98 mètres et pèse plus de 350 kilos avec son cadre ! C'est pourquoi la restauration se fera au musée d'Orsay où cette oeuvre emblématique est exposée, et en "live", devant le public.

Radiographie géante numérisée par le labo du C2RMF

Grâce à la radiographie du tableau réalisée en 1977, nécessitant 165 films, et dont le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) a numérisé chaque morceau, les restaurateurs disposeront d'une infinité de données sur la structure de la toile et l'élaboration de ce "tableau manifeste".

"Le tableau comprend sept lès de toile différentes, dont on voit très bien les joints à la radio", explique à Bruno Mottin, conservateur en chef du patrimoine, chef de la filière peinture du C2RMF, devant l'immense radio installée sur un négatoscope, un grand panneau lumineux. "C'est la deuxième plus grande radiographie de tableau jamais réalisée après celle des Noces de Cana de Véronèse", s'enthousiasme-t-il. "La radio permet de voir les repeints, les compositions successives..."  Gustave Courbet (1819-1877) faisait très peu d'esquisses préliminaires et se lançait d'emblée sur la toile, n'hésitant pas à changer de format, à modifier une première version, à ajouter ou retirer des personnages.
Bruno Mottin observe des détails de la radio géante numérisée de "L'Atelier du peintre" de Courbet.
 (PATRICK KOVARIK / AFP)
   
Faut-il faire ressurgir les fantômes du tableau ?

Ainsi, les rayons X dévoilent la maîtresse de Baudelaire effacée par Courbet à la demande du poète, dont la silhouette fantomatique se devine aujourd'hui sur la toile, l'ajout de l'enfant, le déplacement du chat, la correction de la chute de rein du modèle, la palette du peintre, ronde avant de devenir rectangulaire, ou encore un vétéran caché par le fameux braconnier peint sous les traits de Napoléon III...

A ces clichés radio numérisés s'ajoutent les photos du tableau prises en lumière directe à Orsay, les images infrarouge en fausses couleurs où l'on voit bien les repeints, celles en réflectographie infrarouge... "Et l'on peut tout superposer sur ordinateur pour analyser les changements dans la composition et les contours", relève le conservateur.

"Sur la radiographie, on voit plus l'ébauche du tableau que l'oeuvre finale. Certaines figures n'apparaissent pas à la radio, la matière étant trop légère, tandis que d'autres, disparues de la composition finale, sont révélées", poursuit Bruno Mottin. "Les restaurateurs ne chercheront pas à faire ressurgir les fantômes mais ils s'appuieront sur toutes nos images pour savoir par exemple où la toile est la plus fragile, là où il ne faut pas trop insister... Tout un ensemble d'informations précieuses qui aideront au minutieux travail de restauration".

Un labo soigneusement protégé

De gigantesques portes blindées métalliques défendent au Louvre l'accès au C2RMF, temple de la science et de l'art aux allures de bunker, situé sur 6.500 m2 sous le jardin des Tuileries. L'architecture intérieure évoque un navire englouti avec hublots et passerelles menant aux diverses salles équipées des appareils les plus perfectionnés dont Aglaé, l'unique accélérateur de particules au monde consacré  exclusivement au patrimoine. Les ateliers de restauration se répartissent eux entre le Pavillon de Flore  du Louvre et la Petite écurie du roi à Versailles.

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