Le Louvre invite le Mexique dans ses collections espagnoles
Au XVIIe et au XVIIIe, le Mexique n’est pas encore le Mexique : conquis par Hernán Cortés en 1521, il ne proclamera son indépendance que trois siècles plus tard, en 1821. Pour l’instant, il fait partie de l’empire de la couronne d’Espagne. Et si les échanges sont intenses entre la métropole et ses colonies, petit à petit les artistes sur place vont prendre leur autonomie.
Il s’agissait d’ « exposer (ces œuvres mexicaines) dans les collections permanentes pour montrer le meilleur de cet art et les mettre en rapport avec les collections de peinture espagnole du Louvre », raconte Guillaume Kientz, conservateur au département des peintures du Louvre et co-commissaire de l’exposition.
« Il y a bien sûr une relation entre la peinture espagnole et la peinture mexicaine mais au bout d’un moment, cette dernière prend son autonomie, elle a ses couleurs, ses formes, son iconographie propres », explique-t-il.
Les premiers peintres sont nés en Espagne et partis pour le Nouveau Monde, comme Sebastián López de Arteaga (1610-1652), né à Séville. Sa "Stigmatisation de Saint François" est marquée par l’influence des peintres flamands. Il a travaillé à partir de gravures de Rubens.
José Juárez (1615-1670), lui, est né au Mexique. Son "Apparition de la Vierge", au clair-obscur très puissant, est influencée par Zurbarán, mais sa palette est infiniment plus colorée. Guillaume Kentz nous fait remarquer les trois sources de lumière qui l’illuminent.
Le plus impressionnant des artistes exposés est sûrement Cristóbal de Villalpando. On peut voir au Louvre deux de ses tableaux monumentaux. On faisait au Mexique des œuvres « gigantesques, pour remplir les églises », souligne le conservateur, qui fait remarquer les « cadres très exotiques des tableaux » : larges et dorées, ils sont ornés de volutes extravagantes.
Villalpando est né à Mexico, il connaît Rubens et les peintres andalous. Mais on ne pourrait pas confondre sa peinture avec un tableau flamand ou un tableau espagnol, remarque Guillaume Kientz, devant "Le Doux nom de Marie", une œuvre colorée où la Vierge apparaît dans un rayon de lumière, entourée d’anges tourbillonnants.
Plus frappante encore, "La Lactation de saint Dominique", avec ses trois cohortes de jeunes filles vêtues de rouge, de blanc ou de vert et armées de lances.
"La Visitation" de José Sánchez, avec sa Vierge enceinte, est le seul tableau mexicain du Louvre (les autres ont été prêtés par des musées publics mexicains). Peint à la fin du XVIIe siècle, il annonce une transition dans l’art mexicain, « vers une élégance plus italienne », qui correspondra à l’arrivée des Bourbon en Espagne. Un changement qui se confirme avec la douceur des formes, des couleurs et des attitudes de "La Fuite en Egypte" de Juan Rodríguez Juárez (1675-1728).
Tous ces grands tableaux sont exposés dans la galerie. Quelques œuvres de dimension plus modeste sont présentées dans une petite salle attenante, à côté de deux petits Murillo. On y voit encore l’influence de la gravure flamande dans un paysage quasi-fantastique de Baltasar de Echave Ibía ("Saint Antoine et Saint Paul ermite").
A côté d’une autre peinture de Villalpanda, on remarquera "Le Christ consolé par les anges", où l’élégance du trait et des couleurs contraste avec la violence du sujet et la crudité du traitement (un ange éponge du sang par terre, un autre tient un morceau de chair).
Le Mexique au Louvre, chefs-d'oeuvre de la Nouvelle Espagne, XVIIe-XVIIIe siècles, Musée du Louvre, Aile Denon, 1er étage, salle 26
tous les jours sauf le mardi, 9h-17h30, les mercredis et vendredis jusqu'à 21h30
Accès avec le billet d'entrée du musée : 11€, gratuit pour tous le premier dimanche du mois
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